La "démocratie participative" : feinte d’écoute et misère conceptuelle

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On a entendu parler récemment de tout ce qui se rapproche de « démocratie participative » ou de « démocratie de proximité ». On ne peut donc pas dire que la réflexion sur les technologies politiques n’existe pas. Sauf que ces notions sont trop larges. Quand on souhaite appliquer ces mécanismes d’écoute, de mise à contribution, on les applique actuellement d’une manière qui est un peu galvaudée, sur un champ qui est soit trop restreint, soit sous forme de communication politique. Certains représentants se saisissent également de ce sujet par fainéantise. Ce sont des choses que l’on observe sur la toile lors des campagnes électorales. Aux législatives de 2007 par exemple, 50% des politiques ont ouvert un blog. Six mois plus tard, 90% de ces blogs étaient fermés. Il y a donc une feinte d’écoute. Dans le secteur privé au contraire, il y a certains dispositifs qui marchent, qui sont efficaces sur des périmètres bien définis et qui permettent d’avoir des résultats tangibles. Le concept de démocratie participative est trop large (Flichy, 2010). Il semble important de penser de nouvelles technologies politiques qui ont une vraie valeur ajoutée. On ne peut pas ouvrir un dialogue sur tout à tout le monde et être efficace. Il semble nécessaire de restreindre la concertation à un certain type de sujets, et de ne pas attendre de la population monts et merveilles.

Les nouvelles technologies politiques, qu’est ce que c’est ?

En partant du principe que toute interactivité entre représentants élus et citoyens en démocratie doit aboutir à faciliter le travail du représentant, on pourrait définir cinq valeurs ajoutées permises par les medias sociaux, cinq nouvelles technologies politiques (Martin, 2010) : Il y a d’abord une valeur ajoutée de « légitimité ». C’est-à-dire qu’avec de la concertation, on arrive à légitimer une décision qui peut aller parfois à l’encontre des personnes concernées. Cependant, parce que les parties prenantes ont été écoutées, les politiques peuvent légitimer leur réforme. Le deuxième dispositif est « l’agilité », c’est-à-dire que si vous écoutez davantage ce qui se dit sur la toile vous allez pouvoir anticiper ce que l’on appelle des « signaux faibles », c’est-à-dire les problèmes grandissants qui feront bientôt les gros titres. La troisième notion est la « prédictibilité » qui permet de mieux anticiper les résultats d’une élection ou d’une action publique suivant les concepts de bourse et de paris qui permettent de mieux affiner l’action publique. Il y a ensuite une notion « d’utilité ». Au lieu de concevoir des lois, des dispositifs qui sont fixes et stables dans le temps, il faut permettre aux individus de les enrichir, de les faire évoluer, avec du vécu, avec des expériences personnelles. Je prends un exemple, celui de la ville de Rennes. Dans certains lieux publics, comme les parcs, la population est invitée à se saisir de l’espace. Ils peuvent déposer des petits messages avec des anecdotes sur une plateforme web et la municipalité grave ensuite ces petits mots dans le sol du parc. Cela augmente l’utilité du lieu. La cinquième et dernière notion est celle de la « connaissance ». C’est le fait que plus il y a un nombre de cerveaux qui réfléchissent à un problème, plus vous avez de chances d’aboutir à des solutions.

Obama devient un contre-exemple en période non-électorale

On a longtemps cité Obama comme l’exemple du candidat qui comprend le mieux la valeur ajoutée des plateformes contributives. Une fois devenu président, il n’a pas réussi à transformer l’essai, faute de rester sur une plateforme de mobilisation (organizingforamerica), plutôt que de developper ces nouvelles technologies politiques. Aujourd’hui, on a perdu l’engouement de 2008. Ce qu’on voit plutôt, c’est un engouement contestataire qui relève de l’ancienne configuration (Granjon, Cardon, 2010). Mobiliser dans le cadre d’une élection les citoyens est important, seulement c’est très frustrant que de repasser dans un schéma qui est 100% représentatif. En aidant les candidats, les citoyens espèrent être entendus et voir leurs actions ou décisions appliquées. Une fois que les représentants politiques sont au pouvoir, ils rebasculent dans un modèle 100% représentatif parce qu’ils n’ont pas les nouvelles technologies politiques qui vont avec, ou qu’ils ne savent pas comment s’y prendre. Ils perdent tout le crédit de la mobilisation, tout le lien qui s’est tissé dans la campagne avec des interactions directes. Réfléchissons ensemble pour faire mieux que Barack Obama !

>>> RDV mercredi 12 janvier à La Cantine pour notre prochaine conférence : Médias sociaux et représentation démocratique

NouvellesTechnologiesPolitiques

Le Social Media Club propose à cette occasion de réunir à la fois des experts des imaginaires démocratiques d’internet, des nouvelles technologies politiques, ainsi que des représentants démocratiques pour discuter de cette perspective.
Dominique Cardon, Patrice Flichy, Alban Martin, Geoffroy Boulard et Philippe Mouricou nous feront ainsi l’honneur de leur présence pour débattre et échanger avec la salle autour de ces thématiques.

>>> Plus d’infos et inscription : cliquez-ici