Mobile et recommandation : longue vie aux avis (1/3)

La généralisation du web mobile combiné à la géolocalisation permet aux internautes de consulter les avis de leurs proches sur les produits et services à proximité, puis de donner leur avis sur un restaurant, un hôtel ou un coiffeur au moment même de la fréquentation. La recommandation mobile génère-t-elle de nouveaux usages et de nouveaux modèles économiques ? Eléments de réponse avec Gilles Barbier, Co-fondateur de de Dismoiou.fr, Frédéric Montagnon, Co-fondateur de Nomao.com, et Jonathan Lagier, Directeur Produits chez LaFourchette.com.


La recommandation en trois générations.
Le dispositif de recommandation a émergé avec les sites d’e-commerce, tel Amazon, proposant d’évaluer les produits en vente, avant d’évoluer vers la collecte d’avis dans des domaines spécialisés, comme TripAdvisor pour l’hôtellerie et LaFourchette pour la restauration. Dans un troisième temps la recommandation a été assortie de fonctionnalités de géolocalisation liées à l’usage mobile : c’est la génération Dismoiou, Nomao ou Qype.
La contribution change-t-elle avec le mobile ? Sur LaFourchette.com, une réservation sur deux génère une note, et une note sur deux est assortie d’un avis rédigé. Que la contribution se fasse sur le web fixe ou mobile, la proportion reste la même, « ce qui s’explique peut-être par notre dispositif : le site de LaFourchette ne sollicite l’avis du client que trois heures après la fin du repas », explique Jonathan Lagier, directeur Produits.

 

Concision et instantanéité de l’avis sur mobile. Gilles Barbier, co-fondateur de Dismoiou.fr, dont 90 % des inscrits utilisent la version mobile, précise que la recommandation via un terminal mobile donne lieu à des contributions rédigées plus courtes que sur le web fixe. Néanmoins, il reste surpris par le nombre de posts détaillés : 50 % des recommandations mobiles vont au-delà de l’appréciation binaire « j’aime, j’aime pas » et s’accompagnent de commentaires explicites. Le mobile a par ailleurs considérablement amplifié la notion d’instantanéité de la recommandation : Gilles Barbier estime près de 60% des contributions sont rédigées in situ, sur le lieu évalué.
Dismoiou.fr s’est lancé en 2007, dans l’idée de créer un Wikipedia local, puis s’est transformé en 2008 en moteur de recommandation locale. L’entreprise n’a véritablement atteint sa masse critique qu’en 2009 grâce à l’essor des usages mobiles, et compte aujourd’hui plus de 2 millions d’utilisateurs (pour l’application) et quelques centaines de milliers d’actifs. Les fonctionnalités du site ont évolué, intrégrant du rating, du check-in et des bons plans.

 

L’avis in situ, plus spontané ? Gilles Barbier rappelle que le mobile est un excellent vecteur pour la contribution : « C’est en effet très simple de noter ce qu’on pense en live dans le lieu où l’on se trouve, plutôt que de le faire en différé depuis son domicile. Le mobile est plus personnalisé, plus local, il est synchrone. ». Dismoiou.fr a ainsi pu générer 1,2 millions de posts d’avis sur presque 400 000 adresses (lieux).

 

 

Jonathan Lagier rapporte qu’avec l’application mobile LaFourchette, sortie en avril 2011, le comportement de l’utilisateur est sensiblement différent : il observe une « sur-représentation du last minute : la médiane entre la réservation et le repas est de 36 h sur le web fixe, quand elle passe en dessous des 12h sur le web mobile ». Par ailleurs, les avis occupent un rôle central dans l’application puisque sont suggérés à l’utilisateur des restaurants non seulement en fonction de leur proximité géographique et de l’attractivité de leurs prix, mais aussi en fonction des notes qu’ils ont obtenues auprès des clients précédents.


Synchroniser le social et le local.
Pour Frédéric Montagnon, co-fondateur de Nomao.com, le mobile a multiplié de manière spectaculaire la quantité de données produites autour du local. Ingénieur de formation, il cherchait surtout un moyen d’accélérer la vitesse à laquelle on trouve des informations et des recommandations locales. Il comptait sur le développement de l’Internet mobile et de la capacité de géolocalisation pour obtenir suffisamment de data à traiter. « C’est ce qui s’est produit puisqu’entre 2006, date de création de Nomao, et 2011, le rapport est de 30 à 40 pour le nombre d’avis postés sur du local.»


Pour positionner l’utilisateur dans le graphe.
Depuis 2006, Nomao tente d’exploiter ces données pour nourrir son moteur de recommandation locale et a ainsi modélisé le graphe social local, qui représente tous les liens existants sur le web entre des utilisateurs et des lieux, et explicite plus particulièrement les liens positifs : qui aime quoi ? Le maillage obtenu à partir de l’exploration de centaines de millions de pages par jour et de l’analyse sémantique des avis permet in fine de positionner l’utilisateur à l’intérieur de ce graphe et de lui suggérer des lieux pertinents : « Peu importe la qualité d’écriture de l’avis, ce qui nous intéresse c’est de savoir ce que les gens qui vous ressemblent aiment aussi. »

 

Depuis 2006, Nomao a indexé 15 millions d’avis. La concentration est assez forte puisqu’à l’échelle de l’Europe, ces avis se répartissent sur un million de lieux. Pou
r que les algorithmes de recommandation fonctionnent, il faut du volume de data, sur une temporalité faible : « Le mobile a débloqué de manière positive la quantité de données qu’on peut récupérer ». Le check-in, les partages de photos grâce aux applications par exemple, augmentent ce volume de données, permettent de consolider le graphe et rendent donc la recommandation exploitable.

Quel crédit accorder à la recommandation ? Qu’est-ce qui définit la qualité ou la pertinence d’un avis ? Réponse dans le deuxième volet de notre compte-rendu en ligne ici.