Gilles Babinet : comment développer le numérique en France ?

6 novembre 2012 CNN, Digital Champion, Gilles Babinet

Invité au Social Media Club lors de la conférence « Politique du web, les médias sociaux font-ils la loi ? », Gilles Babinet, nommé « Digital Champion » à l’UE par la ministre Fleur Pellerin, livre quelques pistes pour développer le secteur du numérique dans l’hexagone.

Les missions d’un Digital Champion

Il s’agit davantage d’une fonction de coordination que d’une fonction exécutive : la Commission Européenne souhaitait disposait d’un liaison officier pour communiquer sur sa volonté d’encourager le secteur du digital et pour mieux connaître l’état d’esprit de la société civile sur le sujet.
Au sein du Conseil National du Numérique déjà, Gilles Babinet était chargé de comprendre ce qui favorise l’émergence d’un écosystème numérique, tant au niveau global que local. « C’est une réflexion dans laquelle l’Union Européenne est très impliquée, précise-t-il : elle souhaiterait répliquer au niveau européen les initiatives d’entrepreneurs britanniques, telles qu’un programme de deux ans, mis en place pour familiariser des personnes âgées et des personnes précaires à internet (plusieurs centaines de milliers de personnes impliquées), ou encore cette association de volontaires qui apprend aux enfants à coder ».

Les Américains : indépassables ?

Quatre facteurs expliquent l’avance des Etats-Unis sur le terrain du numérique selon G. Babinet :

Les usages
Les américains adoptent très facilement les nouvelles technologies. Une « capacité culturelle que l’on retrouve d’ailleurs chez les pays en développement qui ne montrent aucune appréhension face aux réseaux sociaux par exemple, car ils n’ont pas eu la progressivité des pays européens ».
La mobilisation des capitaux
« Les usages découlent des technologies imposées à force de capitaux ». Or la mise de départ pour accompagner une startup est souvent plus importante aux USA. « De facto, leur capacité à développer des usages est plus forte ».
La normalisation
« Les Américains ont normalisé le HTML5, les Chinois tentent quant à eux de relocaliser Wifi et 3G… alors qu’en France, nous avons tendance à développer des technologies qui vont aboutir à des normes globales mais qui n’auront aucun retentissement sur notre économie. Pourtant ces normes sont déterminantes pour le développement d’écosystèmes, puis d’usages».
L’éducation
« Aux Etats-Unis, les enfants apprennent très tôt à travailler ensemble. Or le système éducatif influence directement la façon dont on va développer un service. En France, on étudie trop peu la capacité à créer un destin collectif, alors que c’est une source de développement fantastique, aussi bien en politique qu’en entreprise ou au niveau associatif ».

Cinq ans pour faire décoller le numérique en France

« Nul besoin d’un chapelet de mesures, rassure Gilles Babinet. J’ai pu observer le développement du numérique à l’étranger, par exemple en Israël, au Royaume-Uni, ou encore en Nouvelle-Zélande. En cinq ans, le gouvernement pourrait faire exploser le nombre d’emplois qualifiés ». Tout dépend de l’inflexion politique donnée, qui reposerait sur trois leviers :

« Financer l’innovation : « le fonds européen d’investissement pourrait être accru sensiblement : aujourd’hui il ne représente qu’un sixième des fonds américains».
Réformer l’enseignement supérieur : « chaque année, la France forme 6000 personnes spécialisées dans les métiers du web… il en faudrait entre 50 et 60 000 ».
Orienter la commande publique vers la société de l’information

Si la politique publique en faveur du numérique est primordiale pour Gilles Babinet, il est néanmoins convaincu qu’internet et les réseaux sociaux redonnent du pouvoir à la société civile « à un moment où les Etats n’ont plus la latitude de préemption des sujets sociaux qu’ils avaient avant », d’où cette conviction :
« le XXIème siècle sera celui de la société civile ».