Itinéraire des données sur le web social

Les données personnelles sont la clef de l’économie numérique : leur exploitation permet de monétiser des services et des contenus gracieusement offerts aux internautes. Cette gratuité favorise les effets de réseaux, donc l’innovation et son adoption. Ce business model est pourtant critiqué : quel est son coût social ? Que dit la législation sur la protection de la vie privée ? Quels acteurs financent finalement cette gratuité ? Retour sur la conférence de la Social Media Week « Web social : la gratuité, à quel prix ?« .


 

Résumé

Sur les services de web social, la création de valeur ne se fait pas au moment de la transaction, mais tout au long de la production du service. Depuis Copains d’avant à Amazon en passant par Twitter, ces services 2.0 n’ont de valeur que lorsque les utilisateurs y participent, publient ou conversent. « Servuction », « produsage » ou encore « prosumption » : le marketing théorise depuis les années 80 déjà cette « mise au travail » des utilisateurs.
Selon Nicolas Colin, (inspecteur des finances et co-auteur du rapport sur la fiscalité de l’économie numérique) cette production de données par les internautes doit permettre de territorialiser la création de valeur pour taxer les grandes firmes du web qui échappent aux impôts nationaux.

 

Que deviennent les données ?

Sur les médias sociaux, les marques peinent à mesurer la performance de leurs campagnes publicitaires. Nombre de fans, de likes ou de followers, « il est difficile de faire correspondre ces métriques avec les lignes de budgets dépensés » explique Frédéric Bellier, Directeur Général de Radium One France. Selon lui, la seule métrique qui vaille est le partage, car elle permet d’identifier le réseau qui va réagir, converser autour de cette publication.
Et celui-ci est limité. En effet, l’internaute moyen a beau avoir 180 amis, « il ne s’engage dans une conversation qu’avec 8 à 30 personnes à chaque publication, issues de l’entourage familial, scolaire, professionnel, ou de ses activités de loisirs ». Or parmi ces 30 personnes, si l’une est cliente d’une marque, entre 1 et 3 autres personnes sont susceptibles d’être intéressées par cette même marque. Identifier ces « réseaux de réseaux » (anonymisés sous forme de cookie id) permet aux annonceurs d’augmenter l’impact de leur campagne.

 

Quel est le « coût » de la gratuité des services ?

Parce que les données récoltées ont trait à la vie privée des utilisateurs, leur exploitation représente un « coût social », qui dépend de qui finance la gratuité du service et de quelle manière.
Pour éviter des exploitations de données préjudiciables aux internautes, plusieurs types de régulation sont envisageables (régulation par les entreprises avec un système de labels, régulation par mieux-disance – je fais mieux que le concurrent-, régulation par les plates-formes sociales elles-mêmes, règlementation par loi informatique et liberté, ou encore droit de propriété des utilisateurs sur leurs données). « Mais aucune de ces solutions n’est vraiment efficace » explique Fabrice Rochelandet, économiste à l’Université Paris 3. En effet, « le bon arbitrage sera celui qui préservera à la fois la vie privée et les business models des sociétés du web social… or l’évolution de ces business models est imprévisible ».

 

A lire : Données personnelles, de la prédation à la redistribution, deuxième volet du compte-rendu de la conférence « Web social : la gratuité, à quel prix ?« 

 

A voir : la synthèse vidéo de la conférence « Web social : la gratuité, à quel prix ?« , réalisée par Ilomba images

 

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