Aides à la presse : servent-elles vraiment l'innovation ?

 

L’histoire de la presse écrite française rejoint celle du pays : tantôt privée de ses libertés, ou confrontée aux crises économiques, mais toujours capable de s’adapter à la conjoncture… jusqu’à aujourd’hui. Car si les médias se convertissent doucement au numérique, l’innovation attendue n’est pas encore au rendez-vous, et leur modèle économique peine à s’adapter au web : coutumières de tirages abondants pendant des dizaines d’années, ces institutions sont aujourd’hui lésées par la banalisation de la gratuité de l’information en ligne, où les publicités sont en outre bien moins rémunérées que sur le papier. Retour sur la conférence organisée au SMC en mai dernier sur le financement de l’innovation dans les médias, une initative soutenue par LSFinteractive et couverte par l’Atelier du Numérique.

Pour répondre à cette problématique, un fonds stratégique de plus de 30M€ a été mis en place dès 2012 – auquel vient s’ajouter la présence d’un fonds de plus de 320M€,  destiné à soutenir la presse papier.
Ce subventionnement des principales maisons de presse vient poser la question – nécessaire – de leurs rapports réciproques. Le rôle de l’Etat consiste à garantir le pluralisme. Et pourtant,  si l’on se penche sur la répartition des aides à la presse en 2010, force est de constater que 2% des titres bénéficient à eux seuls de près de 50% des aides. Parmi ces tirages subventionnés, Le Monde, Libération et le Parisien arrivent en tête de liste. Voyez en détail la Dataviz par l’Open Knowledge Foundation France des aides directes de la Presse Française.

Récemment, la Cour des Comptes s’est intéressée au montant et à la ventilation de ces aides à la presse : entre 2008 et 2009, leur montant est passé de 170M à 324M d’euros, soit près du double. L’effort total consenti par l’État Français au secteur de la presse représente ainsi plus de 5 milliards d’euros entre 2009 et 2011. Au-delà du montant qu’elles représentent, la Cour des Comptes remet ainsi en question la répartition de ces aides, voire le manque total de cohérence de leur allocation – notamment en termes d’investissement dans le digital, raison première de leur existence.
En effet, plutôt que d’être allouées à la création et au développement de plateformes innovantes – visant à accroître la présence on-line de ces journaux, tout en leur assurant un avenir viable – ces aides ont à l’inverse servi la presse papier, dans 95% des cas.  Nouveaux formats, passage en quadrichromie, achats de rotatives plus puissantes : de tels investissements consacrés à la relance d’un secteur en déclin sont assez rares pour être remarqués.

Faut-il alors aider sans compter ? Pour  Maurice Botbol, Président du SPIIL (Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne), les aides allouées ne répondraient pas aux objectifs assignés, entretenant surtout des acteurs restés trop traditionnels, tardant à opérer la conversion numérique attendue. Les aides devraient ainsi, selon le SPIIL, être distribuées en fonction de projets d’innovation précis et bornés dans le temps afin d’encourager les « preneurs de risque ».

 

Pour en savoir plus : la revue de web « Quels financements pour sauver la presse ? » revient sur le fonctionnement des aides à la presse, les critiques qui lui sont adressées, mais aussi la stratégie de Google face aux éditeurs qui ont finalement abandonnée l’idée d’une taxe sur le « droit voisin » à l’annonce d’un « fonds  pour la transition numérique » de 60 millions avancés par le moteur de recherche.

A lire également : « Pourquoi les journaux meurent-ils ? » sur Libération.fr

 


Compte-rendu de conférence proposé par l’Atelier du Numérique,
partenaire média du Social Media Club

 

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