Le je et le nous. Engagement et actions collectives sur le web

Comment se structurent les publics « politiques » sur internet ? Quelle est la force de l’engagement dans le cadre d’actions collectives en ligne ? Les travaux de Romain Badouard, chercheur à l’Université de Cergy-Pontoise, présentés lors des SMC Research Awards que nous organisions en décembre dernier, analysent le rôle des liens hypertextes utilisés par les internautes lors de ces mobilisations pour répondre à ces questions.


 

La question de l’engagement et des mobilisations sur internet a suscité l’intérêt des chercheurs en sciences sociales dès la fin des années 1990. Dans ces travaux, différentes thématiques ont fait l’objet d’une exploration poussée, comme l’évolution du rôle des organisations dans la conduite des actions collectives, les mutations des pratiques de mobilisation induites par l’apparition de nouveaux outils ou encore les formes alternatives de production médiatique. L’actualité récente, des révolutions arabes au groupe de soutien au bijoutier de Nice sur Facebook, en passant par les campagnes électorales ou les manifestations de l’extrême-droite sur le web, a également suscité l’intérêt des médias pour ces questions.

Dans cet article, Romain Badouard étudie la manière dont se structurent des publics « politiques » sur internet, en s’interrogeant sur les mutations du « sens du public » et des formes de l’engagement dans le cadre d’actions collectives en ligne.
Pour ce faire, l’auteur suit les liens hypertextes utilisés par les internautes lors de ces mobilisations, et décrit le rôle structurant de ces liens sur les formes que prennent ces actions.

Romain Badouard observe ainsi que le lien hypertexte est avant tout un outil de mobilisation dans la mesure où, intégré à un message qui dresse le contexte d’une action collective, il constitue une offre pour des publics naviguant au sein de sites thématiques et partageant un intérêt pour des sujets particuliers. Dans ce cadre, il est un canal de communication qui permet de faire circuler ces internautes depuis ces sites vers la scène d’action.

Cliquer un lien implique également de la part d’un internaute une interprétation de l’action qui est attendue de lui et traduit ainsi une forme d’engagement. Lorsqu’il clique un lien intégré à un message qui l’invite à aller signer une pétition ou voter une proposition sur un site par exemple, il valide sa participation à l’action collective. Autrement dit, au-delà d’un canal de communication, le lien hypertexte est un mécanisme agrégateur qui permet l’intégration d’une volonté individuelle à une stratégie collective.

Le lien hypertexte va de ce fait structurer un espace public autour du site qui constitue la scène d’action, en articulant à celle-ci différents réseaux de sites, traitant de thématiques diverses. Cette connexion se fait via le principe d’abordage que Romain Badouard décrit dans cet article : des sites thématiques où s’activent des publics (les « abordants »), proposent via des liens hypertextes (les grappins) des canaux de circulation vers le site où se déroule l’action (les « abordés »).

Cet article contribue ainsi à la connaissance des publics et des mobilisations en ligne de trois façons. D’abord, il montre comment, sur internet, les formes de l’engagement diffèrent des mobilisations hors ligne. Ensuite, il met en avant la dimension stratégique de l’architecture du web, qui ne répond pas uniquement à une organisation thématique (les sites sont liés entre eux selon des affinités thématiques ou idéologiques). Enfin, en associant pratiques de traçage de liens hypertextes, analyse statistique des visites de sites, et cartographie du web, il propose une contribution méthodologique à l’analyse des publics sur internet. Ainsi, plutôt que de considérer un web figé et composé des sphères hermétiques les unes aux autres, c’est à l’observation d’un web « en train de se structurer » que nous invite cet article.

 

Retrouvez l’article de Romain Badouard dans son intégralité ici :

 

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Le « je » et le « nous ». Engagement et actions collectives sur le web. Par Romain Badouard from SMCFrance

 

 

(Re)Découvrez les travaux des trois lauréats du concours SMC Research Awards, Irène Bastard, Andria Andriuzzi & Baptiste Kotras :