Regard sociologique sur le Social CRM

De l’animation de communauté à la gestion de la relation client, quelles pratiques le community management revêt-il vraiment ?

Censé incarner simultanément une pluralité de compétences, le community manager n’a de cesse d’être paradoxalement tiraillé entre communication et marketing. Transversal et médiateur, son rôle est rarement purement marchand, et s’inscrit dans l’écrasante majorité des cas dans le registre de la relation de service. Dans son article présenté aux SMC Research Awards, Thomas Jammet, chercheur à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, propose une esquisse sociologique de cette forme innovante de médiation numérique.


 

Thomas Jammet envisage le community management comme « une nouvelle modalité de mise en contact des organisations et de leurs communautés numériques ». Le chercheur va même plus loin en considérant que cette nouvelle modalité s’articule sur une pluralité de dispositifs préexistant à l’essor du web participatif et tend à transformer la relation de service. Parce qu’il est amené à gérer une quantité considérable de demandes individuelles de renseignement affluant sur les espaces de marques dont il a la charge sur les médias sociaux, le community manager ne se limiterait pas au rôle d’animateur de communauté, mais se rapprocherait grandement d’une forme de gestion de la relation client (customer relationship management, CRM).

 

En effet, le community management semble porter (entre autres) la double promesse d’une meilleure satisfaction du client, à un moindre coût, grâce au dispositif sociotechnique des plateformes conversationnelles.

Le « CRM 2.0 » qui s’instaure progressivement prétend prolonger le travail de segmentation matérialisé par les dispositifs techniques mis sur pied dans les années 1990, en substituant à la figure abstraite de la clientèle construite par l’instrumentation, une figure personnalisée et qualifiée grâce aux traces de discours récoltées sur le web dit social. Or une telle démarche, qui véhicule à la fois l’image d’un internaute-consommateur actif, constamment engagé dans des réseaux de relations interpersonnelles, particulièrement enclin au dialogue avec les organisations, et un idéal de transparence des échanges, soulève de nombreuses interrogations quant aux modalités d’évaluation du travail de community management. Non seulement, l’intérêt porté aux discours des internautes, et non plus uniquement aux traces de leurs actes, suppose une interactivité constante puisque leurs profils individuels sur les médias sociaux sont l’objet de stratégies de visibilité/invisibilité, mais de surcroît les indicateurs de performance de cette forme de gestion de la relation demandent à être établis.

 

S’il n’a pas d’implications économiques à proprement parler, cet article – et plus globalement le projet de thèse dans lequel il s’inscrit – vise à favoriser la compréhension des usages conversationnels des médias sociaux de la part des annonceurs de tout ordre. En étudiant les tensions liées à la mobilisation précipitée des plateformes relationnelles à des fins commerciales, l’auteur entend montrer que le dispositif sociotechnique du web 2.0 ouvre manifestement la voie au déploiement de processus renouvelés de gestion de l’image de marque, des relations publiques et du CRM, mais que ses usages par les organisations s’inscrivent encore trop souvent dans une conception irréfléchie du Social Media Marketing, dont les conventions d’évaluation peinent à se stabiliser.

 

Retrouvez l’article de Thomas Jammet dans son intégralité ici :

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Les habits neufs de la gestion de la relation client. Esquisse de sociologie d’une forme innovante de médiation numérique. Par Thomas Jammet from SMCFrance

 

 

(Re)Découvrez les travaux des trois lauréats du concours SMC Research Awards, Irène Bastard, Andria Andriuzzi & Baptiste Kotras :