Innovations TV, dernières tendances après l’IBC et l’IFA avec France TV et L’IDATE

Par Maud Vincent

Télécommande avec accès direct aux services OTT, forte progression des contenus 4K, montée en puissance de la réalité virtuelle… Les salons professionnels de l’électronique grand public et de l’audiovisuel que sont l’IFA à Berlin et l’IBC à Amsterdam signent la montée en puissance des acteurs du Web. Si les acteurs historiques résistent encore, ils ne sont plus au centre de l’attention des fabricants. La smart TV devient une réalité. Revue de tendances.

Les constructeurs concentrent leur attention sur les acteurs OTT

L’année 2015 signe un changement de paradigme. « Les diffuseurs et les télévisions classiques ne sont plus au centre de l’attention des constructeurs qui leur préfèrent les acteurs du web », introduit Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions. Dans les allées de l’IFA, les fabricants se montrent avides de contenus en 4K, qui sont l’apanage des acteurs du Web que sont Netflix, Amazon Prime, You Tube, mais aussi GoPro. Ces derniers multiplient les productions quand les groupes de télévision en sont encore à l’état d’expérimentation.

La télécommande du premier fabricant chinois Hi-Sense qui comporte des boutons « Netflix » et « You Tube » traduit cette rupture de la télévision à la demande : le téléspectateur peut désormais directement accéder au service OTT, y compris lorsque la télévision est éteinte. « Les nouveaux barbares ont pris le contrôle de la télécommande du salon », appuie Eric Scherer.

Embarquant des systèmes d’exploitations de plus en plus puissant, la télévision devient réellement « smart ». « Les télévisions connectées sont aujourd’hui vingt fois plus puissantes qu’il y a deux ans », souligne le directeur de la prospective. Android est pour l’heure le gagnant de ce marché : de plus en plus, les fabricants s’équipent en effet du système d’exploitation de Google.

« Le déploiement actuel du cloud, la transition vers l’IP et l’OTT occupent la majorité des stands, des offres et des annonces de l’IBC », confirme Jean-Dominique Séval, directeur général adjoint de l’IDATE. La transformation de la filière s’accélère comme en témoigne le positionnement des équipementiers sur les offres logicielles. Ericsson, acteur historique des télécoms, a multiplié les annonces à l’IBC. L’équipementier suédois fait part part de l’acquisition d’Envivio, un spécialiste américain du traitement et de la diffusion de vidéo logicielle. De son côté, Cisco a présenté sa suite logicielle « Infinite » de solutions de cloud vidéo. Autre achat notable en cette rentrée 2015 : l’acquisition d’Elemental Technologies, pionnier des solutions vidéo contrôlées par logiciel pour la diffusion de contenus multi-écrans par Amazon.

Réalité virtuelle et augmentée, jeux vidéos, mini-projecteurs : vers une expérience TV toujours plus immersive et spectaculaire

Les technologies de réalité augmentée et virtuelle, voire de « blended reality », un mélange entre la réalité physique et virtuelle, sont massivement présentes. « L’ensemble des acteurs se lance dans des expérimentations et Facebook travaille actuellement à une proposition grand public de son casque Oculus Rift », observe Eric Scherer. Nokia inaugure une caméra 3D filmant à 360 degrés, la chaîne américaine Fusion, une sous-filiale de Disney et d’Univision basée à Miami, lance une offre numérique pour les jeunes qui proposera des contenus à 360°. La réalité virtuelle devient un peu plus réelle pour Sony, via son casque 360° « Morpheus ».

Les jeux vidéo restent incontournables mais, fait notable, ils ne sont plus le seul règne des fabricants de consoles, mais aussi des constructeurs TV qui entrent sur ce marché juteux pour séduire les jeunes. A l’instar de Samsung qui annonce le lancement d’une offre de jeu en streaming sans console (« Game Fly Streaming »). Enfin, les fabricants (Sony, ZTE) misent aussi sur les mini-projecteurs : pratiques et peu chers, ils offrent une expérience télévisuelle incomparable à domicile, en transformant le salon en salle de cinéma.

Publicité : adblocker TV et publicité programmatique

Du côté publicitaire, la transformation s’accélère également. Les adblockers arrivent en télévision. A l’IFA, la société TCU, qui a gagné son procès en Allemagne face à RTL (groupe Bertelsmann), aurait noué un accord avec une box française pour commercialiser sa solution de blocage publicitaire. Le dispositif permet de zapper les publicités qui sont remplacées par des programmes pré-sélectionnés à l’avance par l’utilisateur ou des contenus issus des réseaux sociaux. D’autres fonctions existent comme la coupure du son ou la suppression automatique des publicités lors de l’enregistrement des programmes, offrant une diffusion en différé sans aucune réclame. En outre, la publicité programmatique progresse. AOL a lancé une offre RTB en partenariat avec une chaîne australienne. Channel 4, qui possède des données sur 12 millions de ses utilisateurs, a décidé de s’appuyer sur cette data pour faire du RTB. « Ce qu’on a vu se développer sur l’Internet fixe commence à pénétrer la télévision classique. Aux USA près de 5% de la pub en tv serait déjà programmatique et ce chiffre pourrait être de 10% d’ici trois ans », analyse Jean-Dominique Séval.

La HDR et le « pré-hot » : les « buzzword » de l’IBC 2015

Les cinq prochaines années seront déterminantes pour le secteur et risquent de se révéler un moment clé de basculement. Le groupe japonais NHK prévoit ainsi de tester la 8K dès l’an prochain pour être prêt au en 2020 pour les JO de Tokyo. La puissance des constructeurs chinois qui attaquent le marché européen avec des prix très agressifs constitue un autre élément d’accélération : « Hi-Sense, numéro 3 mondial sur la HD, concurrence les Coréens. Vont arriver en France des écrans connectés 65 pouces à 545 euros avec de très bons modes de compression », souligne Eric Scherer.

D’ici là, le secteur de l’audiovisuel se prépare : l’IBC est marqué cette année par l’arrivée en force du format HDR. Offrant une optimisation de la luminosité de l’image, et in fine, une expérience immersive de qualité, il pourrait rapidement être effectif : « Des acteurs comme Technicolor travaillent à la définition de procédures automatiques pour accélérer la migration des catalogues existants des chaînes en HDR », relève l’IDATE. Si des sorties de films sont déjà au catalogue dès 2015, avec une accélération en 2016, on attend le live sport dès 2017 et la diffusion du HDR aux chaînes premium en 2018. Sur ce terrain-là, des pure players comme Netflix qui le propose déjà disposent d’un avantage de poids. L’autre « buzzword » de cette rentrée 2015 est le « pré-hot », c’est-dire la possibilité de pré-télécharger les contenus dans le cloud et de les consommer en différé. Une manière pour les diffuseurs de tenir la promesse de la télévision à la demande, horizon du média demain.