#TV – IBC, IFA, Édimbourg : quelles nouvelles du front ?

D’abord Édimbourg, puis Berlin, et enfin Amsterdam, sans oublier Montréal. L’Edinburgh International Television Festival, l’Internationale Funk Ausstellung Berlin, le Public Broadcasters International de Montréal, et l’International Broadcasting Convention à Amsterdam annoncent le futur de la télévision, et, accessoirement, la fin de l’été. Que retenir de ces grands messes de l’audiovisuel européen ? Entre la guerre des générations prophétisée par Shane Smith, la généralisation de la 4K et les annonces concurrentes et concomitantes de Google et d’Apple, Éric Scherer et Jean-Dominique Séval, coordinateurs de la commission NextgenTV du Social Média Club, Bernard Fontaine, Directeur de l’Innovation à France Télévisions était notre invité pour revenir sur les annonces à retenir de cette fin d’été.  Arnaud Paillard pour le Social Media Club

Vous allez mourir

C’est, peu ou prou, le message que le patron de VICE Média, Shane Smith, a voulu faire passer à ses confrères de la télévision lors de la conférence qu’il a donnée à Édimbourg . Fermée aux jeunes, tournant avec les mêmes schémas depuis des années, la télévision classique risque de s’aliéner non seulement la génération des Millenials, mais également celle qui suit, selon Shane Smith.

« C’est vrai que les jeunes avaient toujours abandonné la télé à la fin de l’adolescence, mais ils finissaient toujours par y revenir souligne Éric Scherer. Mais là, les jeunes ont l’air de tout laisser tomber, et tout porte à croire qu’ils ne reviendront jamais aux usages précédent, à savoir : une chaine, qui diffuse à heure fixe un contenu sur un appareil posé au milieu du salon. » Pour Shane Smith, les conséquences sont claires : la mainmise des baby-boomers sur les médias et la pub est terminée. La nouvelle génération est extrêmement éduquée, mondialisée, ethniquement diversifiée, et plus difficile à atteindre. Il est donc nécessaire d’embaucher des jeunes pour parler aux jeunes. Ce qu’Éric Scherer appelle l’«adéquation gagnante d’un média avec son audience », et celui-ci de donner des exemples qui marchent à l’étranger, comme le lab de Radio Canada, qui a su reconquérir une audience jeune grâce à des programmes innovants. Pour appuyer ce discours, Shane Smith l’affirme : même VICE a dû changer. D’un média orienté musique et lifestyle, il est devenu une plateforme d’information généraliste, multipliant les canaux et les formats. La création de VICE Sport, ou Noisey, rien qu’en France en 2016, et l’arrivée de Viceland TV sur Canalsat à l’automne 2016, semblent confirmer cette stratégie.

Le patron charismatique de VICE prophétise la disparition de grands média numériques – un « bain de sang » qui verrait 30% des médias disparaître – ainsi que de très importantes restructurations, y compris au sein des grandes plateformes audiovisuelles.

Pour Éric Scherer, il s’agit d’une annonce particulièrement brutale destinée à secouer le cocotier du monde de la télévision, et qui n’a pas été bien accueilli par les chaînes de télévision britanniques, qui ont réagi avec des « vieux réflexes d’industries cornérisées. » Il tempère cependant : « on n’a pas aujourd’hui les outils de mesure pour arbitrer le débat entre les Cassandre de la télévision qui annoncent son déclin inéluctable, et ceux qui disent qu’elle n’a jamais été autant regardée. Ces deux discours sont également valables. »

« Qui contrôle le foyer numérique ? »

Si la télévision au milieu du salon et les programmes télévisés ne sont plus le modèle dominant, quels usages et quels appareils vont les remplacer ? C’est la question que pose Jean-Dominique Séval, qui en profite pour souligner les limites de ces grands salons de l’audiovisuel : « tout ne se fait pas dans les salons, des grandes marques, et pas des moindres refusent d’y faire leur annonce, car ils ont leur propre événement pour cela. Je pense aux annonces de septembre d’Apple et à celles, quelques semaines plus tard de Google. »

Pour lui, la grande évolution n’est plus à chercher dans la télévision, mais dans le foyer numérique. Et de poser la question : « qui contrôle le foyer numérique ? On a longtemps pensé que c’était la télé, Microsoft a cru que ça allait être le PC. Depuis quelques temps, on ne sait plus trop. » Une annonce à retenir dans cette rentrée pour Jean-Dominique Séval, c’est l’arrivée de l’intelligence artificielle dans le diptique device/software. « Dans les médias, on est toujours en train de se demander si c’est le content, le software, ou le device qui est leader. Eh bien Google dit que personne ne l’est, que c’est l’imbrication des trois, agrémentée d’intelligence artificielle, cette dernière donnant le coup de pouce décisif pour créer une interface vraiment efficace. »

Google, par cette annonce, et par sa maîtrise de l’ensemble de l’écosystème, se pose véritablement au centre du foyer numérique. La firme de Mountain View a d’ailleurs présenté Google Home, un assistant domestique contrôlé à la voix (concurrent direct de Amazon Echo), assurant la diffusion de la musique et des vidéos (grâce à Chromecast Ultra) et le pilotage des objets connectés du logement. Interfacé à Google Search, Google Map et aux appli de votre smartphone, il peut chaque matin vous donner la liste des infos clés de la journée : rendez-vous, tâches à venir, météo, trajet optimal…

Pour Bernard Fontaine également, c’est l’arrivée de la maison connectée qui « était le dossier prégnant cette année à l’IFA de Berlin », non sans avoir rappelé que ce salon, grand public, reste le must pour avoir un très bon aperçu des tendances des  ventes d’électronique grand public jusqu’à la fin de l’année. Un marché qui, bien qu’en baisse constante, est toujours considérable : 815 milliards de dollars en 2016.

Pour lui, c’est la diffusion des supports dans la maison connectée qui va constituer la grande tendance à suivre. Les deux géants de l’électroménager, Panasonic et Samsung, ont ainsi chacun présenté leur frigo aux vitres/écrans transparentes où il est possible d’afficher du contenu. Samsung a même pu présenter son premier partenariat éditorial pour de la diffusion de contenu, portant sur des… recettes de cuisine, bien entendu. « Tout ça est assez malin, nous assure Bernard Fontaine, ces équipements vont parler : finies les interfaces compliquées, les solutions doivent être intuitives, faciles à utiliser, soft, très puissantes techniquement, mais surtout interopérables. Il ne faudrait pas qu’un lave linge d’une marque ne puisse pas discuter avec un téléphone d’une autre marque. » De la cafetière à la machine à laver en passant par le frigo, l’électroménager pourra afficher du contenu et surtout, devra communiquer.

Vulgarisation de la 4K, arrivée de la 8K , holographes : c’est déjà le futur ?

Des téléviseurs toujours plus grands, et de moins en moins chers. C’est la promesse de Samsung, grâce à l’utilisation de la technologie Quantum Dots : une application des nano technologies qui permet aux pixels (en fait, des nano-pixels) de s’éclairer eux-mêmes en rouge, en vert, ou en bleu selon leur taille. Sony a, de son côté, sorti un écran LCD classique, mais avec un rétroéclairage LED qui autorise « une qualité et contraste extrêmement performants », et LG de confirmer son choix pour l’OLED, en visant aussi des produits très premium stratégie de concurrence probable face à l’arrivée de sérieux concurrents chinois selon Bernard Fontaine.

Que retenir de ce que Bernard Fontaine appelle une vulgarisation des équipements 4K ? Un risque : « avec la qualité grandissante des équipements télévisuels, et leur très grande vulgarisation, nous diffuseurs ne pouvons plus nous permettre des images médiocres, qui seront encore pires sur ces écrans. » Pas de panique cependant, les caméras UHD, qui étaient hors de prix il y a encore peu de temps, sont également en cours de vulgarisation: « vous pouvez trouver aujourd’hui des caméras ultra HD, avec de bons capteurs et des optiques Leica à 5 000 euros à peine, on peut désormais faire du montage et du traitement en temps réel de 4K. » souligne Bernard Fontaine. Cette vulgarisation est aussi à l’œuvre dans le champ de la caméra 360°. Si ce domaine était auparavant réservé à des startups, comme Videostitch, en France, on voit des grands fabricants de caméra s’intéresser au marché. « Panasonic a sorti sa première caméra VR à l’IBC d’Amsterdam, et, si nous, en tant que chaîne de télé, on peut filmer en 360° même quand il pleut, ce qui n’est pas le cas avec les caméras des startups, on prend. » Panasonic ne devrait tout de même pas sortir un tel appareil avant au moins un an, selon Bernard Fontaine.

Le progrès n’ayant pas pour habitude de s’arrêter, les premiers téléviseurs 8K étaient présentés à l’IFA de Berlin. Pour Bernard Fontaine, c’est un choc : « vous voyez vraiment la différence. La cérémonie d’ouverture des jeux de Rio en 8K, vous la revivez, c’est incroyable. » L’holographie enfin, « le rêve » pour Bernard Fontaine, qui nous promet la présence de David Pujadas dans notre salon, n’est pas (encore) au rendez-vous. Si la plupart des stands avaient leur petit hologramme, sur le ton du gadget, il reste que le sujet n’est pas à sous-estimer. « C’est le graal depuis que je fais ce métier là, assène Bernard Fontaine, mais les projets de prototypes n’arriveront que d’ici 10 ou 15 ans. » Affaire à suivre.

 

Pour aller plus loin :

 

Une session organisée par le

Logo-smc-1

Retrouvez également nos articles sur le blog du SMC sur Zdnet :

ZDNet-partenriat-SMC