olivier blondeau

3
Juin

"Citoyens connectés": les technologies au service de l'activisme et de la mobilisation, compte-rendu de la table ronde Web Diversity 2010

SMC Web Diversity

Crédits photo: Pierre Desmarest

L’explosion des médias sociaux et des outils de publication personnelle ont donné à des citoyens ordinaires les moyens, au moins potentiellement, de participer au débat dans l’espace public. Les technologies, par le biais de la mise à disposition d’outils d’expression, de communication mobile, de partage et de mobilisation en ligne, participent donc d’un « empowerment des citoyens » et d’un renouvellement des répertoires d’action politique et militante. Le 21 mai dernier, à l’occasion de la journée de conférences Web Diversity 2010 organisée par Internet sans Frontières à la Maison des Métallos, le Social Media Club a réuni Olivier Blondeau, Laurence Allard et Tangui Morlier en une table ronde animée par Alban Martin pour discuter autour de cette thématique.

Olivier Blondeau a commencé par nous rappeler que l’exploitation des technologies par des activistes a tout d’abord pris la forme de détournements, de réappropriation des outils pour dénoncer leur utilisation première.
Ainsi, dès 1996, les Surveillance Camera Players organisaient des représentations théâtrales publiques devant des caméras de vidéo-surveillance, afin de protester contre leur prolifération en milieu urbain.

La dénonciation des dérives de la société de surveillance reste prégnante dans les réalisations des activistes en ligne. En témoigne le projet du collectif anglais Irational qui en 2000 mit en place un dispositif de délation citoyenne de la délinquance, pluggé à un flux de vidéosurveillance de la ville de Glasgow diffusé sur leur site. Notons que cet outil a réellement été mis en place au Texas et en Europe : les sites Texas et European Border Watch proposent aux internautes de signaler par email et en temps réel tout immigrant clandestin repéré sur le flux vidéo mis à disposition en ligne, dans une inquiétante logique de « crowdsourcing de la surveillance »…

Outre le message porté par ces dispostifs artistiques en ligne, ces réalisations sont vite apparus comme de formidables outils au service des citoyens désireux de déjouer les mécanismes de surveillance mis en place sur l’espace publique, donnant lieu à un véritable maptivism visant à répertorier les outils et mécaniques de surveillance mis en place par les autorités.
Les ingénieurs de l’Institut for Applied Autonomy mettent par exemple à disposition sur leur site Isee des plans des grandes villes américaines afin qu’en s’y référant tout habitant en quête de discrétion puisse éviter les caméras de surveillance lors de ses trajets quotidiens.
Ricardo Dominguez et son collectif d’« artivists » The Electronic Disturbance Theater (EDT) ont quant à eux développé l’outil Transborder immigrant tool: une application mobile pour les candidats à l’immigration Mexicains utilisant les technologies de géolocalisation afin d’éviter les patrouilles à la frontière. Ricardo Dominguez parle de cet outil comme d’un « dislocative media », utilisant la géolocalisation non par exemple comme Foursquare à des fins d' »autosurveillance monitorée » (je renseigne les autres du lieu où je me trouve) mais pour mieux contrer la surveillance des autorités.

Transborder Immigrant Tool

De façon plus générale, ces exemples illustrent également la notion de « sousveillance » proposée par le militant Steve Mann et plusieurs fois convoquée lors de cette table ronde: elle met en lumière le phénomène de « surveillance des surveillants » au travers de contre-outils visant à surveiller les systèmes de surveillance eux-mêmes et les autorités qui les contrôlent. Des individus collectent ainsi des données sur leur environnement de surveillance et les mettent à disposition de tous en ligne.

Pour Olivier Blondeau et Laurence Allard, ces initiatives d’artistes et d’ingénieurs, activistes de la cause mais non engagés en politique, sont à l’origine d’un élargissement du champ politique aux problématiques liées à la surveillance mais surtout aux données publiques et à leur transparence.

En témoigne la création de la plateforme data.gov aux USA qui, dans un souci de transparence, met à disposition les données publiques dans des formats réutilisables par les citoyens.
On attend toujours un projet de ce type de la part de l’administration française… En attendant, des initiatives citoyennes voient le jour, et des « civic hackers » se chargent d’utiliser les outils des NTIC pour enrichir la vie citoyenne. Le code informatique, les données (publiques ou personnelles) et leur mise en visibilité sont leurs armes. Le site Nosdéputés.fr en est un bon exemple. Tangui Morlier du collectif Regards Citoyens est revenu plus en détail sur ce projet dont il est l’initiateur.

Les créateurs de Nosdéputés.fr ont mis à l’été 2009 leurs capacités techniques au service de la création d’un dispositif de mise en visibilité de l’activité parlementaire, en récupérant, mettant en forme et synthétisant les données publiques issues des séances de l’Assemblée Nationale. L’activité de chaque député est donc suivie quotidiennement et l’internaute a ainsi accès à une plateforme centralisant toutes les données et informations sur la présence, les prises de paroles et la nature des travaux legislatifs des représentants.

NOS DEPUTES

L’objectif premier est de créer un outil d’aide au citoyen, non partisan, reflétant objectivement l’activité des élus. Mais comme le fait justement remarquer Tangui Morlier, cet outil est également la condition préalable à un empowerment du citoyen, comme en atteste la possibilité de dialogue avec les élus, par le biais de commentaires a posteriori de l’activité des parlementaires, mais surtout la création de la plateforme « Simplifions la loi 2.0 » qui encourage les débats a priori, autour des projets de loi en discussion à l’Assemblée.

Au delà de l’observation et de la participation aux débats parlementaires, Laurence Allard nous a expliqué pour finir en quoi les technologies représentaient également un véritable arsenal au service de la mobilisation et de l’activisme citoyen.
Les technologies du web 2.0 et du mobile fournissent en effet des armes pour pouvoir s’impliquer dans la politique non plus par la simple et traditionnelle distribution de tracts, mais dans une logique beaucoup plus individualiste, par des actions aussi simples que d’envoyer un SMS ou un tweet en temps réel à des militants également connectés, permettant ainsi de déclencher de véritables actions dans le monde réel.

D’une part, les fonctionnalités « 2.0 » offrent une multiplicité d’outils d’expression en privilégiant les microformats: écrire sur les médias digitaux n’équivaut pas forcément à rédiger un billet de blog, mais peut se manifester par différentes procédures simplifiées (ajout aux favoris, bouton « j’aime »…) et néanmoins faire sens.

D’autre part, l’outil mobile peut être un puissant vecteur d’organisation du fait de sa masse critique d’utilisateurs : si le chiffre de 1,7 milliard d’internautes à travers le monde est déjà impressionnant, on dénombre 4,6 milliard d’abonnés mobiles, dont 60% dans les pays émergent… Comparés aux 3 milliards des médias TV et radio, ces chiffres en font en font donc le premier média personnel.
cet outil individualisé d’expression peut donc s’avérer être un formidable canal alternatif dissident au service d’une mobilisation aussi bien locale qu’internationale.

Laurence Allard a évoqué pour illustrer son propos la mobilisation de 2001 aux Philippines qui a conduit à la démission du président Estrada. L’usage du SMS étant extrèmement répandu dans ce pays (2 millions de SMS/jour), le collectif TXTPower a su utiliser au mieux les capacités de coordination des citoyens via le mobile pour organiser manifestations et rassemblements afin de protester contre le pouvoir en place.

En Egypte le groupe du 6-Avril, mouvement informel oeuvrant contre les censures et pour la liberté d’expression, est un collectif articulé par les technologies digitales dont les outils ont permis à ses militants de mettre en place, en cas arrestation d’un des leurs, un réseau d’alertes et une hotline pour donner les moyens à chacun d’organiser sa défense et de contacter au plus vite un avocat.

Lors des récentes élections américaines, on a vu pour la première fois apparaître sur Twitter l’usage du hashtag (#votereport), canal sémantique permettant de discuter autour d’un évènement particulier et qui a mis en lumière la facilité de centraliser la production de rapports sur les irrégularités dans les bureaux de vote.

USHAHIDI

Enfin, des dispositifs plus sophistiqués voient le jour. Articulation de la sousveillance et de la mobilisation, l’application Ushahidi permet par exemple l’envoi par SMS ou e-mail de rapports géolocalisés sur une carte mise en ligne et actualisée en temps réel. L’outil permet le crowdsourcing de la communication de crise en cas de catastrophe naturelle, mais aussi, dans la même veine que le VoteReport aux USA, le monitoring d’élections dans les pays susceptibles d’être touchés par la fraude, comme ce fût le cas lors des éléctions au Kenya dès 2007 avec une mise en visibilité en ligne (un mapping) des problèmes constatées par les citoyens.

C’est en Iran que cette mobilisation en ligne a eu le plus d’écho au delà des frontières et où les technologies ont permis (en partie) de donner à la mobilisation une dimension internationale. Les informations diffusées par les manifestants étant relayées dans leurs pays respectifs par la diaspora, les journalistes ou simples citoyens du monde entier ont pu suivre les évènements et se tenir informés de l’avancée des manifestations.
Mieux encore, une véritable solidarité technique transnationale s’est mise en place sur les réseaux pour permettre aux militants Iraniens de faire sortir leur contenu (photos, vidéos…) du pays en toute sécurité par le biais de proxies sécurisés. Ne cédons toutefois pas à un techno-euphorisme naïf (« la révolution sera tweetée »!!): les réseaux restent surveillés et les pouvoirs oppressifs ont très bien compris les enjeux (et les dangers les concernant) en terme de communication et de circulation de l’information liés à ces nouvelles technologies web et mobile.

La pervasivité des informations due à la puissance de propagation des microformats et l’étendue du « mobile scape », espace transnational limité par la couverture du réseau et tramé par les flux de données en constante circulation, expliquent donc l’utilisation récurrente de ces nouveaux outils aux quatre coins du monde. Les technologies demeureront sans nul doute les armes pacifiques utilisées par des citoyens désireux de s’organiser au service d’une cause, de faire fléchir un gouvernement, ou simplement de défendre leur droit le plus élémentaire: s’exprimer librement.

La capture audio de la table ronde est disponible en téléchargement sur le site d’Alban Martin.

7
Mai

« Les citoyens connectés », un atelier du Social Media Club France le 21 mai prochain à l'occasion de Web Diversity 2010

Alban Martin, cofondateur du Social Media Club France, animera un atelier le 21 mai prochain à 11h30 à la Maison des Métallos, à l’occasion de la journée de conférences Web Diversity 2010, organisée par l’association Internet Sans Frontières en partenariat avec le SMC France.

« Les citoyens connectés : les outils au service de l’action citoyenne et militante »

L’explosion des médias sociaux et des outils de publication personnelle ont donné à des citoyens ordinaires les moyens, au moins potentiellement, de participer au débat dans l’espace public. Les technologies, par le biais de la mise à disposition d’outils d’expression, de communication mobile , de partage et de mobilisation en ligne , participent donc d’un « empowerment des citoyens » et d’un renouvellement des répertoires d’action politique et associative.
Les 3 intervenants aborderont donc les enjeux de cet activisme en ligne et les outils sur lesquels reposent ces nouveaux modes d’engagement sur les réseaux web et mobiles.

Alban Martin, co-fondateur du Social Media Club France, animera les débats en présence de :

Tangui Morlier
Co-fondateur du collectif Regardscitoyens.org

Olivier Blondeau
Consultant en communication politique, docteur de l’IEP de Paris

coauteur avec Laurence Allard de l’ouvrage « Devenir média. L’activisme sur Internet entre défection et expérimentation » (Éd. Amsterdam, 2007)

Laurence Allard
Maître de Conférence en sciences de la communication à l’Université Lille 3

auteure de Mythologie du Portable (Éd. Le Cavalier Bleu, 2010)

Plus d’infos sur la journée :

A l’occasion de la Journée mondiale de l’Unesco de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement, l’association Internet Sans Frontière et la Maison des Métallos organisent la première édition de « Web Diversity », une Conférence sur la liberté d’expression sur internet, et les nouvelles formes de journalisme.   Une journée pour débattre et échanger à partir d’expériences concrètes, pour prendre la mesure des enjeux liés à la liberté d’expression sur Internet et à la lutte contre la fracture numérique dans la vie des citoyens du monde.

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Le 21 mai 2010  de 9h00 à 17h00 A la Maison des Métallos 94, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris

Destinée au grand public,  aux journalistes et médias, aux entreprises citoyennes, aux acteurs de l’Internet, aux élus, aux acteurs publics, aux étudiants, aux universitaires, aux Ongs travaillant sur les questions liées aux Droits de l’Homme.

Cet événement est organisé par l’association Internet Sans Frontières et la Maison des Métallos, Etablissement Culturel de la Ville de Paris, en partenariat avec Médiapart.fr, Solidaires du Monde, le Social Media Club France, l’Agence Mondiale de la Solidarité Numérique, Reporters Sans Frontières, le Club Avvéroes, Alcatel-Lucent, France 24, l’Atelier des Médias/RFI, Wmaker, Internews Europe, Silicon Sentier, l’Internet Society France (Isoc France).

Avec  (à ce jour) :
Edwy Plenel, Médiapart, Pierre Puchot, Mediapart, William Bourdon, avocat et fondateur de Sherpa, Jérémie Zimmerman, la Quadrature du Net, Olivier Iteanu, Internet Society France, Lucie Morrillon,  Reporters Sans Frontières, Julien Pain, Les Observateurs France 24, Laurent Giacobino, Internews Europe, Elsa Caternet, Internews Europe, Jean Pouly, Agence Mondiale de Solidarité Numérique, Nadia Mordelet, Alcatel-Lucent, Jean-Patrick Ehouman, Akendewa/Barcamp Abidjan, Yves Miezan-Ezo, Internet Society France, Christophe Ginisty, Internet Sans Frontières, Alban Martin, Social Media Club France, Olivier Blondeau, Consultant en communication politique, Laurence Allard, Maître de Conférence en Sciences de la communication Université de Lille 3, Tangui Morlier, Regardscitoyens, Arache Djannati-Atai, Move4Iran, Guillaume Desnoes, AiderDonner, Nathan Stern, Peuplades…

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Les thèmes abordés au cours de cette journée seront les suivants :

  • Internet, et l’enjeu démocratique,
  • Internet, un nouveau monde. Mais quelles nouvelles règles ?
  • La lutte contre la fracture numérique dans le monde, préalable à la liberté d’expression
  • Les citoyens connectés : les outils au service de l’action citoyenne et militante
  • Le Web 2.0 au service de la solidarité
  • Vivre avec la censure
  • Vers une déclaration universelle des droits des internautes ?

A cette occasion, l’Atelier des médias de RFI (Radio France Internationale) délocalisera exceptionnellement son studio d’enregistrement, et animera son émission hebdomadaire sur place, depuis le bar-mezzanine de la Maison des Métallos.

Entrée : 13 €
Inscription et réservation en ligne.

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Retrouvez toutes les informations pratiques sur le blog : www.webdiversity2010.org