18
Mar

[Compte rendu] Réseaux sociaux et pratiques artistiques

Le Social Media Club France s’est penché hier soir sur la question de la pratique artistique dans le cadre des réseaux sociaux. Il s’agissait de dépasser notre domaine de réflexion traditionnel. La dimension professionnelle du digital ne doit en effet pas éclipser sa dimension artistique, si il y a LinkedIn pour les professionnels, il y a aussi DeviantArt pour les artistes, nous rappelait Bertrand Horel dans son introduction de la séance.

Les pratiques artistiques existantes se déplacent progressivement sur le média digital en le prenant à la fois comme un moyen de promotion des oeuvres mais aussi comme objet même de la pratique artistique, comme matière créative.

Emmanuel Mahé, chercheur en sciences de l’information et de la communication, spécialiste des rapports entre innovation technique et arts numériques, publiant sur le blog http://decalab.blog.lemonde.fr/, a ouvert la discussion par un propos introductif soulignant la fibre innovante des artistes. Pour lui, l’artiste anticipe les usages sociaux des dispositifs techniques qui l’entourent en les détournant avant l’heure. Les artistes ont en eux les germes de l’innovation, ils s’approprient la technique et la technologie en les enrichissant. Il faut voir l’art comme de l’anticipation et donc comme potentielle matière pour la R&D et les industries.

Références :

>> L’Homme à la Caméra (1929) de Dziga Vertov développe la théorie de l’œil caméra. Il faut voir cette œuvre comme une préfiguration et une mise en scène des pratiques de vidéosurveillance et de reconnaissance des formes contemporaines.



cube n°8 Piotr Kowalsk>> Cube n°8 présenté en 1967 par Piotr Kowalski comprend un système de capteurs de mouvement pour constituer une œuvre qui évolue en fonction de la position du spectateur. Cette installation propose une forme radicale qui questionne la technologie et préfigure l’innovation.


Nam June Paik Violoncelle>> L’œuvre de Nam June Paik dans les années 1960 et 1970 est très significative en terme d’usages. La vidéo est ici un élément moteur dans la pratique artistique. L’artiste a ici inventé un dispositif : un violoncelle qui film la scène, jouant ainsi de la multiplicité des points de vue. Par ce travail, Nam June Paik a inventé le synthétiseur vidéo, que l’on retrouve quelques années plus tard dans les clips musicaux et préfigure les interfaces tactiles d’aujourd’hui.


>> En installant des caméras dans la ville, Allan Kaprow met en scène les forums et les chats que nous connaissons aujourd’hui. Il a créé un réseau de vidéos en permettant aux passants de communiquer entre eux à distance et en direct, brisant ainsi les modes de diffusion classiques de la télévision où l’émetteur s’adresse à une masse. Ici, émetteur et récepteur agissent au même niveau, comme sur un forum, comme sur les réseaux sociaux. L’artiste, dans sa volonté de briser des codes préfigure des pratiques qui seront légion des décennies plus tard. Pour plus de détails, consulter, L’Art en Réseau : du net-art à la participation à une œuvre collaborative en ligne http://www.maisonpop.net/IMG/reseau2-2.pdf


SMS Guerilla par Stroika>> SMS Guerilla par le collectif Stroika en 2002 était un dispositif servant à projeter des SMS dans l’espace public. Quelques années plus tard, Texas Instruments reprend le concept en concevant un mobile intégrant un vidéoprojecteur.





Le travail du collectif Stroika a aussi inspiré faberNovel qui s’en est servi dans un cadre professionnel afin de repenser les méthodes de travail. Il s’agissait de projeter des SMS durant les réunions.


Aujourd’hui, ces pratiques ont donné naissance à la conception d’interfaces intangibles pour les claviers de mobiles mais aussi à la réalité augmentée constituée de formes qui réagissent à l’environnement. à The Augmented Sculpture Project de Pablo Valbuena :



Le réseau devient un moteur de création, la R&D devient de la R&C (recherche et création).


Elliott Lepers, présentateur de la web-émission L’œil de Links qui s’intéresse à la création émergente sur internet où le réseau est à la fois matière créative et vecteur de diffusion. D’autre part, avec les nouvelles plateformes de diffusion telles que Youtube, de nouvelles sources de financement de l’art émergent.

En revanche, l’art véhiculé par les réseaux sociaux devient une forme mutante, constamment remixée et réutilisée si bien que parfois, l’on tend à s’éloigner de l’art à proprement parler (voir à ce titre le folklore digital).

Les détournements sont légion sur le web et le braconnage des usages fait ainsi office d’inspiration pour les pratiques artistiques.

Références :

>> Merton, en improvisant sur Chatroulette a transposé la figure de l’artiste de rue sur le réseau.



>> Attack of the Moon Robot, casting de cinéma sur Chatroulette, est un autre exemple de transposition des pratiques artistiques sur le réseau, dans un esprit décalé.



>> Eric Whitacre a quant à lui constitué une chorale qu’il dirigeait à partir d’une video Youtube.




>> Bicycle Built for 2000 d’Aaron Koblin, figure majeure du net-art, demande à des internautes de chanter une note pour ensuite constituer une œuvre audio à part entière.

>> The Johnny Cash Project, consiste à réaliser un clip à partir de contributions de différents artistes.

>> Star Wars Uncut propose à chacun de refaire des scènes de la saga avec ses propres moyens.

>> Global String d’Atau Tanaka est une expérience de musique en réseau où le son varie en fonction de la caisse de résonnance du réseau.

Il y a ainsi des appropriations du réseau et des outils de mise en réseau pour l’élaboration d’œuvres. La création de nouvelles formes est la force du réseau. Mais François Berthier remarque que trop souvent, l’installation artistique devient plus importante que l’œuvre en elle-même. L’attention se focalise sur la forme plus que sur le fond.

Tous ces exemples montrent néanmoins que le net-artiste est aujourd’hui aussi un développeur, un technicien qui sait manipuler son environnement communicationnel pour le détourner. En revanche, dans les écoles d’art, peu de formations ouvrent les étudiants à ces nouvelles pratiques. Il n’y a que peu de connaissance sur le cœur même de l’internet.



François Berthier, photographe professionnel a lui utilisé le réseau pour établir sa pratique professionnelle. La conception du photographe dans les imaginaires est en train de se déplacer. Le photographe est bon si il sait se servir du réseau. Au départ, François Berthier s’est servi de Myspace pour se constituer un réseau et pratiquer son art. Le réseau facilite en effet les rapports, ouvre aux appréciations, il brise l’inhibition, rend plus facile le contact mais rend surtout la comparaison et la concurrence plus visibles.

En fonction du statut du photographe, la présence sur tel ou tel réseau fait sens et contribue à l’identification du photographe. La crédibilité se fait en fonction du réseau choisi et les professionnels migrent régulièrement. « La professionnalisation c’est sortir du réseau » et ce qui reste malgré tout très important, c’est de se constituer un réseau physique.



Arbia Smirti, fondatrice de Carnet de Mode, est intervenue en fin de séance : Carnet de mode est un service de crowdfunding pour le prêt à porter haut de gamme. C’est de l’investissement en faisant du shopping : il faut atteindre un certain nombre d’achat pour commercialiser le produit. Les pièces à succès sont mises en vente et les premières acheteuses bénéficient alors d’un retour sur investissement. Les gens qui participent anticipent un futur succès.

Ici, il y a la constitution d’une conversation entre le créateur et les fans, un réseau social centré sur la création.

29
Avr

[Transmedia storytelling] Cluedo paranormal : quand la réalité rattrape la fiction

Julien Aubert nous en parlait le 8 avril dernier lors de la conférence sur le storytelling digital à La Cantine : Faits Divers Paranormaux est une fiction transmedia produite par Happy Fannie pour Orange Cinéma Séries, une des premières initiatives françaises à proposer une expérience participative à l’audience en même temps qu’un déploiement multi-supports… et qui va se prolonger jusque dans le monde réel!
Le reportage de LCI ci-dessous revient sur ce projet exemplaire.

22
Avr

Le Storytelling Digital : formes émergentes, nouveaux métiers, business models

Cet article est issu de la réflexion menée à l’occasion de la conférence Storytelling Digital du 08/04 à La Cantine en la présence de Cécile Cros (narrative), Julien Aubert (Story Factory et Faismoijouer.com), Nicolas Bry (TransmediaLab) et Denis Fabre (Shibo Interactive).


Portraits dun Nouveau Monde - narrative

Nouveaux usages, nouveaux formats

La prolifération des PC et smartphones a entraîné une individualisation de la consommation du contenu audiovisuel. Le flux incessant d’information dans lequel nous plongent les médias digitaux explique en outre du côté des usages la généralisation du multi-tasking et donc une tendance à la baisse de l’attention en ligne. L’audience butine, ça et là, un article, un billet ou une vidéo, sans s’attarder durablement sur un contenu précis.

La production journalistique se doit donc de diversifier son offre en ligne, d’inventer de nouveaux formats multimédias afin de capter l’attention d’utilisateurs ultra-sollicités. Cette nouvelle écriture journalistique privilégie donc l’émotion et la proximité avec le narrateur comme avec les personnages dont il s’agit de faire le portrait ou de raconter l’histoire. Cette intimité se matérialise au sein des web-documentaires par un cadrage spécifique, des plans serrés ou la pratique du regard-caméra lors d’interviews. Cécile Cros a en outre insisté sur l’importance d’une identité sonore forte, sur la mise en valeur des sons pour maintenir l’internaute en alerte.
Surtout, l’écriture journalistique se doit d’intégrer ces nouveaux usages en proposant des formats aux multiples portes d’entrées, productions au sein desquelles l’internaute doit pouvoir se replonger quand bon lui semble sans perdre le fil de l’information qui lui est délivrée, sans que le sens porté par le récit en pâtisse. D’où l’importance de l’interface et de sa mission d’accueil.

De la gestion de l’interactivité

Le producteur d’information doit réfléchir en termes d’ « expérience utilisateur » et penser la structure non séquentielle du récit en amont afin de proposer à chacun un parcours de lecture individualisé. Cette nouvelle architecture du récit et la multitude de matériaux mobilisés (texte, son, image, vidéo, base de donnée, liens externes…) impliquent une phase de montage spécifique, une expertise technique et de nouveaux outils de production. Timidement, donc, des sociétés de production audiovisuelle et des agences de développement et de webdesign se rapprochent afin de répondre à ces nouveaux besoins. C’est le cas de narrative, fondée en 2008 par Cécile Cros et Laurence Bagot, qui s’est spécialisé dans l’élaboration de programmes destinés aux nouveaux médias, ou encore de la société de production audiovisuelle Honky-Tonk qui développe depuis peu une solution dont le but est à accompagner les journalistes et créateurs de contenu digital. Le logiciel Klynt a donc vu le jour, outil de production multimédia spécifiquement dédié aux web-documentaires, qui a intégré les nouvelles possibilités offertes par les technologies numériques et les nouveaux usages en matière d’interactivité.
Pour finir, l’interface doit faciliter le partage du contenu de pair à pair dont la pratique s’est généralisée sur les réseaux et donc intégrer des fonctionnalités sociales de recommandation (par exemple Facebook Connect) afin de permettre la diffusion de tout ou partie du programme au plus grand nombre.

La structure narrative de Voyage Au Bout du Charbon - HonkyTonk

La contribution en question

Cécile Cros n’envisage pas d’intervention de l’utilisateur au-delà des choix avec l’interface. Elle a même insisté lors de son intervention sur « le choix de ne rien faire » qui doit être laissé à l’audience face au programme. Selon elle, le récit journalistique n’a pas grand-chose à gagner à s’ouvrir aux contributions extérieures, au contenu généré par l’utilisateur. Elle est rejointe en ce point par Emmanuel Leclerc, grand reporter chez France Inter, qui en tant que journaliste issu d’un média «traditionnel », n’a pas trouvé nécessaire d’ajouter une dimension participative à son web-documentaire et a donc fermé son contenu aux commentaires.

En matière de fiction, au contraire, l’interactivité ne se résume pas aux simples choix de l’audience quant au parcours de lecture du récit (bien que HBO ait remarquablement bien exploité ces possibilités, par le biais d’une interface bien pensée, HBO Imagine, proposant une structure narrative non séquentielle, fait notable de la part d’une chaîne de télévision aux formats traditionnellement linéaires).  L’émergence des ARG (Alternate Reality Game) témoigne d’une tendance naissante à l’implication de l’audience en des expériences participatives qui encouragent la contribution amateure. Autour d’un contenu de base, d’une histoire préexistante,  des briques participatives sont ainsi amenées à enrichir l’univers narratif, et de nouveaux éléments (commentaires, témoignages, photos…) viennent se greffer à la création originale de l’auteur. Tout le travail des nouveaux storytellers est de cadrer et d’orienter ce contenu… mais pas seulement.

Les nouveaux métiers de la fiction transmedia

Si la production journalistique s’adapte aux nouvelles pratiques et aux possibilités offertes par les technologies, la fiction, elle, a su s’approprier mieux encore les médias digitaux et leurs usages pour offrir à l’audience des expériences ludiques et interactives qui viennent enrichir son quotidien, jusqu’à brouiller parfois les frontières entre réalité et fiction. Ceci par le biais d’un déploiement transmedia du récit, qui prend de multiples formes via les différents canaux utilisés (film, série télé, vidéo en ligne, blog, présence des personnages sur les réseaux sociaux…).
Bien entendu, l’idéal est de penser dès la création de l’histoire sa déclinaison sur les différents médias et l’expérience sociale qu’elle peut recouvrir. Pour Julien Aubert, les créateurs de ce type sont encore trop rares, et l’américain Lance Weiler apparait aujourd’hui comme le seul « story-architect » à se lancer dans des créations nativement transmedia. En effet, bien souvent, l’univers narratif se décline à partir d’une histoire de départ issue d’un média traditionnel (cinéma, télévision, jeu-vidéo) et cet enrichissement du récit procède d’une logique promotionnelle. Il est néanmoins indispensable d’assurer la cohérence de ces briques disséminées sur les différents écrans. De nouveaux métiers voient donc le jour, qui sont nés de l’émergence des ces expériences collectives d’interaction avec le récit.
Tout d’abord, l’« experience designer » se doit d’optimiser l’exploitation des différents canaux de communication afin d’entrer en contact avec le public et de créer des passerelles entre les différents supports, il a donc une connaissance fine des usages et des possibilités offertes par les nouvelles technologies. C’est un stratège des moyens, il oriente la diffusion des éléments narratifs voués à enrichir l’histoire de départ et imagine les possibilités d’interactions avec l’audience. Le « lead author », lui, définit le scénario de l’expérience transmedia et s’assure en temps réel du bon déroulement de celle-ci, en cohérence avec la trame de départ. Les community managers donnent vie à l’histoire ainsi étendue. Ils sont en charge d’animer les blogs et forums mis en place, de répondre et d’échanger avec les participants qui entrent en interaction avec l’histoire et ses personnages. Ils se plongent donc véritablement dans la peau de ceux-ci et sont amenés à les incarner, à jouer leurs rôles en ligne. Enfin, comme pour la production journalistique de nouveaux formats multimédias, cette écriture complexe nécessite une expertise technique et des compétences en matière de développement et de webdesign.

fdp-tv.com

Des initiatives françaises voient le jour…

Le projet Faits Divers Paranormaux porté par Orange exploite avec brio les ressorts de la fiction transmedia : s’appuyant sur une série télévisée diffusée tous les soirs à 20h30 sur Orange Ciné Choc, l’univers narratif se déploie en ligne (quelques semaines avant diffusion avec une présence sur un blog et les réseaux sociaux) mais s’enrichit surtout des contributions des internautes avec la mise en place d’un véritable ARG : « les internautes vont avoir l’occasion de se changer en véritables enquêteurs du paranormal[…] Ils devront résoudre des énigmes au rythme d’une question par jour en menant leurs investigations sur internet, mais aussi par téléphone ou dans la vie réelle », nous explique Guillaume Ladvie, community manager sur le projet. Une véritable expérience interactive, donc.
Une autre initiative récente en la matière émane du groupe TF1. Si Clem n’est pas à proprement parler une fiction transmedia, la stratégie adoptée par la première chaîne n’en demeure pas moins remarquable. Avant la diffusion du téléfilm, un blog a été mis en place invitant les internautes à interagir avec le personnage principal et à découvrir une web-série vidéo en guise d’introduction au programme télévisuel. Ce blog a en outre accueilli du contenu « bonus » prolongeant l’histoire, après diffusion. Ce projet est révélateur d’une volonté de TF1 de coller aux usages naissants et de rétablir une certaine complémentarité entre les différents médias, au-delà de l’image trop souvent véhiculée d’Internet comme média « cannibale ». Nicolas Bry dresse le bilan : les 9,7 millions de téléspectateurs (contre 7,4 en moyenne à cette heure), les 260 000 visites et 6000 commentaires sur le blog et les 1,5 millions de vues pour le téléfilm à la demande sur tf1.fr témoignent effectivement d’allers-retours de l’audience entre les deux médias et donc de la réussite de cette stratégie multi-supports.

Un modèle économique contraignant

Si de nouveaux formats et métiers voient donc le jour, issus des possibilités offertes en matière de fiction sur les médias digitaux, la question du financement de ces productions émergentes reste entière. En France, les initiatives récentes, on l’a vu, témoignent d’une tendance à l’adossement à de grands groupes média prêts à investir dans des opérations qui représentent pour eux un formidable levier marketing afin de capter de nouvelles audiences. On comprend ainsi l’intérêt de TF1 ou d’Orange à développer ce genre de projets : se rapprocher du parcours média quotidien d’un public dont les usages ont changé et permettre une circulation maximale de leurs contenus sur une multitude de supports.
Mais là réside aussi le danger du point de vue créatif : que ces productions transmedia ne voient le jour qu’en tant que ressort marketing mis en place par les acteurs installés de l’industrie (grandes chaînes TV, studios de cinéma…) et qu’il en résulte une perte de valeur en terme de création, d’innovation narrative. On imagine mal en effet pour l’instant, sur le modèle de ce qui se fait en matière de production de jeux-vidéos, la généralisation du système de « pool d’auteurs » préconisé par Julien Aubert, modèle qui serait plus adapté aux équipes pluridisciplinaires mobilisées par ces nouveaux processus créatif complexes, mais en même temps remettrait en cause des positions bien établies du côté des producteurs traditionnels…
Force est donc de constater qu’avant de voir émerger des productions nativement transmedia et que ce storytelling nouveau soit reconnu, il faudra que les mentalités changent du côté de l’industrie du divertissement et des médias traditionnels.

Et du côté des marques ?

Au côté des journalistes et des créateurs de fiction, principaux producteurs de contenu en ligne, les marques sont elles aussi à la recherche de nouvelles formes de récit afin de capter l’audience des médias digitaux.
Certaines marques, déterminées à exploiter leur « potentiel relationnel », investissent donc dans des opérations en ligne d’un genre nouveau. Denis Fabre, de l’agence Shibo Interactive, nous a livré son intéressant retour d’expérience. La campagne Où est Marianne qu’il a menée pour Ni Putes Ni Soumises avait pour objectif non seulement de créer le ramdam autour de l’action de l’association mais avant tout de donner les moyens aux sympathisants d’interagir, de s’approprier le message, d’associer leurs petites histoires au récit de marque, et ce par le biais d’un déploiement sur les réseaux sociaux autant que dans le monde réel. Dans le cas d’une association dont l’objectif est de rassembler et de mobiliser un public autour d’une cause, la stratégie parait cohérente. Ce storytelling digital de marque naissant émane d’agences de communication et reste néanmoins assez limité en termes de valeur éditoriale, l’objectif premier demeurant de servir les intérêts de la marque.

Le branded-content, avenir de la production transmedia?

Le salut pour les créateurs d’expériences interactives transmedia pourrait venir d’un strict financement par les marques, sous la forme de branded-content, c’est-à-dire de l’association d’une production existante et d’une marque sponsorisant le contenu. Les annonceurs ont tout intérêt à investir dans ce type de projets afin d’ «associer des services à leur message (contenus éducatifs, mise en relation des utilisateurs, centre d’aide, sensibilisation à l’univers de la marque)», nous explique ainsi Julien Aubert. Quelle différence avec une opération de communication classique ? La marque n’est pas à l’origine du processus créatif mais associe son image à l’expérience transmedia proposée à l’audience.
Reste à monter des projets cohérents qui garantissant à la fois l’indépendance éditoriale aux créateurs et du contenu en phase avec l’ADN des marques associées. Vaste programme…
L’échec du projet Purefold outre-Atlantique nous a en effet récemment démontré à quel point cet exercice est périlleux. Purefold était annoncé comme une production hybride d’épisodes vidéo destinés au web et à la télévision, autour de l’univers du film Blade Runner. Mêlant donc déploiement transmedia, contenu généré par l’utilisateur (la réalisation des séquences émanant des suggestions proposées par les créateurs en herbe et internautes contributeurs en ligne), financement par les marques (par le biais d’un habile prototype placement) tout cela cautionné par une figure du cinéma mondialement reconnue en la personne de Ridley Scott ! Et sous licence Creative Commons !
Cet ambitieux projet associant transmedia storytelling, branded-content et remix-culture a été abandonné récemment, faute de financements. Etait-il trop tôt pour ce genre d’initiative ?

PUREFOLD par AG8

Continuons en tout cas à suivre de près ces formes naissantes, à observer avec patiente leur intégration au paysage audiovisuel et à évaluer les opportunités professionnelles et modèles économiques qui leur sont liées… Une certitude demeure : le métier de conteur d’histoire à encore de beaux jours devant lui.

Pour retrouver la capture vidéo de la conférence Storytelling Digital du 8 avril 2010 à La Cantine, rendez-vous ici.
Le Social Media Club France sur Facebook :
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