Alors que fleurissent les logiciels bloqueurs de publicités sur les navigateurs, le native advertising semble promis au plus bel avenir par les éditeurs comme par les marques. Pourtant, le « native ad » demeure une notion floue : la diversité des formats et la multiplicité d’acteurs sur le terrain reconfigurent les pratiques. Simple extension du publi-rédactionnel ou  réelle innovation publicitaire ? Le Social Media Club en a débattu à l’occasion du lancement de la commission Social Content, coordonnée par Maxime Drouet, directeur du pôle digital de Burson Marsteller i&e.

 

De quoi le native advertising est-il le nom ?

Le native advertising est une forme publicitaire dont le « contenu de marque est au cœur de l’expérience utilisateur » explique Claire De Blic, consultante en stratégies digitales chez Net Intelligenz – Publicis Consultants. Ce contenu prend place dans un espace qui ne lui est a priori pas consacré et met en scène un triptyque d’acteurs : l’internaute (qui consomme), le média (qui informe) et la marque (qui annonce). Le but est de « se débarrasser des contenus jugés polluants de la publicité afin de la rendre désirable » ajoute-t-elle. Finalement, il s’agit de faire de la publicité… qui n’y ressemble pas. Et surtout qui intéresse, puisque « les lecteurs aiment la publicité quand elle leur parle » souligne Alexandre Malsch, directeur général du groupe média MeltyNetwork.

  • Différents formats pour différentes pratiques

Le native advertising se décline sous trois différents formats note Claire De Blic.

La rubrique. La marque y intervient en tant que contributrice, comme pourrait le faire un internaute qui bénéficie d’un emplacement dédié. Le contenu est intégré au flux thématique et accessible par les moteurs de recherche internes. Certains médias en ont fait leur spécialité et jouent un rôle important de conseil en publication, à l’image du Washington Post ou de MinuteBuzz.

La suggestion. Outbrain se place dans ce créneau avec « le marché du discovery ». Franck Monsauret, directeur du bureau français de la plate-forme de recommandation, expose sa stratégie : aider les consommateurs à trouver du contenu qui les intéresse et accompagner les marques à se positionner sur les grands carrefours d’audience. La rencontre intervient lorsque l’internaute achève sa consultation pour lui suggérer un nouveau contenu grâce à des algorithmes mixant un grand nombre de variables, telles que le contexte, la popularité, la temporalité et les contenus déjà consultés.

Le supplément. Ce format s’apparente aux techniques de brand content en donnant la parole à une marque. EDF pourrait par exemple mettre en œuvre son expertise afin d’étayer un article sur le thème des énergies renouvelables. L’annonceur est ainsi présent dans le flux d’actualité du média et celui-ci peut enrichir sa base de contenu grâce à lui.

  • Des valeurs positives qui génèrent le partage

Pour séduire les internautes, les contenus créés doivent générer des émotions positives pour encourager le partage sur les réseaux sociaux. « Un contenu de qualité couplé aux valeurs positives que véhicule Melty auprès des jeunes » est la bonne recette pour engager le consommateur avec la marque affirme Alexandre Malsch. S’il est « impossible de mettre l’accent sur les actions immorales du jeu GTA V », Melty mise en revanche sur « les valeurs de libertés auxquels les internautes peuvent s’identifier » dans le docu-réalité Surf House précise-t-il. Présente sur des plates-formes comme Melty, MinuteBuzz ou BuzzFeed, la marque occupe une place de choix pour actionner des leviers affinitaires auprès des jeunes. Comme « désacralisée », flanquée d’une image décontractée et sympathique, cette dernière grimpe dans l’estime de l’internaute qui sera prompt à la recommander. La « puissance positive » de la plate-forme serait telle qu’il suffirait à « un homme politique d’assurer sa présence sur Melty pour être considéré comme « cool » par les jeunes », peu importe les idées qu’il défend.

 

L’avenir de la publicité en ligne ?

75% des éditeurs en ligne ont désormais recours au native advertising aux Etats-Unis. Sur Melty, le taux de recommandation bondit de 14% grâce au « native ad »[1]. D’ailleurs, 65% du chiffre d’affaire du groupe est généré par des opérations spéciales, dont une grande part relève du « native ad ».

  • Des retours sur le long terme

Le native advertising génère des bénéfices sur le long terme. Ce format « ne propose pas une transformation immédiate, ce n’est pas une bonne unité de mesure de la réussite ou non d’une campagne » spécifie Alexandre Malsch. Le « native ad », au-delà d’améliorer la vente de produits ou de transformer des prospects, participe à ancrer une image positive de la marque dans les esprits. Pour lui, « les marques ont compris que le jeunes étaient au sommet de la pyramide d’influence ». C’est à cet âge que le phantasme autour de la marque se développe… et que les consommateurs y deviennent fidèles. C’est le cas pour le secteur automobile par exemple : les jeunes ne sont pas des cibles directes car ils ne disposent pas du pouvoir d’achat nécessaire. En revanche, ils peuvent influencer leurs aînés et choisir de se tourner plus tard vers la marque à laquelle ils se seront attachés. Pour cela encore faut-il sensibiliser les marques à ce processus inhabituel pour certaines d’entre elles. Outbrain fait de la  pédagogie en ce sens indique Franck Monsauret. Même si les annonceurs entrevoient les potentialités du « native ad », ils restent assez frileux à l’idée de produire un contenu qui n’aurait aucun rapport avec leurs produits. C’est pourtant ce qui réussit à Coca Cola Zéro sur la GamingZone ou Bouygues Telecom sur la Snow House de Melty qui ne font aucune redirection vers leurs sites institutionnels. Pour les agences qui font le lien entre le média et
l’annonceur, le challenge est de parvenir « à réconcilier deux univers qui ne parlent pas le même langage autour d’un contenu qui va répondre à deux objectifs bien connus : la viralité et la réputation » ajoute Claire De Blic.

  • Une solution avant tout mobile

Le native advertising est « l’avenir de la publicité sur mobile » selon Franck Monsauret. Le marché mondial de la publicité sur les terminaux mobiles a atteint plus de 13 milliards de d’euros en 2013. Facebook en tire presque la moitié de ses revenus. Pour lui, « c’est surtout pour le mobile qu’on a pensé le native ad ». Techniquement, le mobile n’est pas adapté aux displays traditionnels, telles les bannières ou les fenêtres pop-up. D’une part, la taille de l’écran réduit considérablement les possibilités, et d’autre part leur chargement consomme des ressources (bande passante, mémoire vive). C’est un constat partagé par Melty, qui réalise 30% de son audience en situation de mobilité. Le groupe est actuellement en réflexion avec les annonceurs sur les applications mobiles : le défi est de coordonner ces solutions en fonction des besoins de la marque et du savoir-faire de Melty en termes de production de contenu. Néanmoins, ce format publicitaire est encore peu connu du grand public. Si la pratique se répand, les internautes deviendront-ils plus méfiants ? Développeront-ils une habitude à l’éviter ? Pour Alexandre Malsch, la question ne se pose pas car sur Melty, « la présence des marques est transparente, leur logo est partout et leur rôle de divertissement est assumé à 100% ».

 

Le « native ad » : une publicité « sociale » ?

Sur les réseaux sociaux, consultés de plus en plus depuis un smartphone, BIA/Kelsey prévoit que le native advertising progressera deux fois plus vite que le display. Des agences comme Livefyre proposent quant à elles d’intégrer du contenu tiré des réseaux sociaux, mais cela suffit-il à le qualifier de « social » native avertising ? Finalement, le native advertising ne serait pas vraiment « social » : si partage et viralité en sont les principaux objectifs, les annonceurs ne s’impliquent pas dans les débats. Alexandre Malsch confirme que « Melty n’est pas producteur d’interactions sociales » et que « seul le contenu est fondamental ». D’ailleurs, le groupe ne fait aucune republication de contenus viraux et le User Generated Content n’a pas sa place sur Melty. Sur le site, l’interactivité se développe exclusivement par le biais de jeux concours ou d’interviews : elle passe donc par le prisme du média. Ce n’est pas non plus le rôle d’Outbrain, précise Franck Monsauret, qui utilise davantage les réseaux sociaux comme un indicateur de performance. Globalement, le native advertising innove davantage dans le format que dans les usages : le discours publicitaire se cantonne dans une approche traditionnelle descendante (top-down) qui n’a pas pour finalité le dialogue avec le consommateur.

 

[1] Un internaute qui a lu au moins trois articles sur la Gaming Zone (Coca Cola Zéro) recommande la marque 14% de plus qu’un lecteur qui ne serait pas venu sur la plateforme.

 

A Lire également :

  • Social Native Advertising, qu’est ce qui change ? : la revue de web du Social Media Club, édité sur un Storify dédié.

  • A écouter aussi :

  • L’interview d’Alexandre Malsch sur le compte SoundCloud du Social Media Club

  • Les interviews des intervenants de la soirée (contenu réservé exclusivement aux membres)