La présence des marques sur les réseaux sociaux est devenue non négociable : il faut y être. Mais à quel prix, et pour quel retour sur investissement ? Alors que les plates-formes sociales monnayent de plus en plus la visibilité, la question du retour sur investissement se fait de plus en plus prégnante. Comment mesurer l’efficacité d’une stratégie web ? Explication avec les experts de la commission Social Data, coordonnée par Rémi Douine (The Metrics Factory).

 

Mesurer le ROI : une opération délicate

« Derrière le mot ROI, on entend la rentabilité financière d’une opération commerciale » définit Marin Susac, directeur marketing digital chez Orangina-Schweppes France. Et la formule semble simple : (Gain lié à l’investissement – Coût de l’investissement) / Coût de l’investissement. Mais cela fait-il sens de l’appliquer aux médias sociaux ? En réalité, les résultats de l’activité sur ces plates-formes ne se calculent que très difficilement tant ils sont diffus : quelle est la valeur d’un « like » comparée à celle d’un « tweet » ? Sans compter que les usages entourant les médias sociaux ne sont pas encore suffisamment mûrs pour constituer des données fiables. Si les médias traditionnels voient leurs audiences calculées par un tiers indépendant, Médiamétrie, qui crée le consensus au sein des acteurs en procédant à des mesures scientifiques, les social media sont eux à la fois propriétaires et producteurs de leurs propres métriques. Une étude du groupe Ogilvy publiée le 6 mars dernier montre d’ailleurs que le « reach », c’est-à-dire le nombre de personnes qu’une page Facebook arrive à toucher avec ses posts, a diminué de moitié en six mois suite à l’introduction d’un nouvel algorithme. Pour autant, le social media reste une opportunité à ne pas manquer pour les marques : « tout l’intérêt de ce canal est qu’il permet de s’adresser à un public extrêmement ciblé, présent et dynamique » explique Andrea Colaianni, directeur Conseil Social Media chez Ogilvy & Mather. Pour preuve, la réussite de l’opération social TV « Web Comedy Awards » de la marque Orangina, à l’occasion de laquelle le nombre de tweets générés a dépassé la dernière édition des Césars 2014 : le taux d’OTS (Opportunity To See) provenant des social media a été de 70%.

 

Dépasser le ROI pour calculer les bénéfices du social media

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les métriques ne sont qu’une des facettes du social media, dont il faut parfois s’émanciper. En misant sur l’animation et l’engagement d’une communauté, Babolat a révolutionné sa stratégie marketing grâce à sa raquette connectée. A l’image de « Nike+Running », la raquette « Play&Connect » permet de mesurer ses performances, de les comparer et de communiquer avec ses amis au travers d’une application dédiée. Si les marques d’équipements sportifs ont choisi depuis plusieurs années de se positionner sur le marché grâce aux égéries (au tennis, sport très médiatisé, Wilson équipe Federer, Head Murray et Djokovic, Babolat Tsonga et Nadal), Babolat offre non seulement la possibilité de s’identifier aux professionnels en achetant leur matériel, mais aussi de se connecter à une communauté internationale de joueurs.
Pour Fabien Baunay, directeur associé de Silentale, ces actions commerciales sont indissociables de leur dimension sociale : elles permettent de prendre le pouls des attentes des consommateurs et soutiennent le processus d’achat. Marin Susac (Orangina-Schweppes) parie quant à lui sur le ROO (Return On Objective) qui permet de voir si les priorités données ont été atteintes, qu’il s’agisse de trafic, de visibilité, d’amplification, d’interaction ou encore de satisfaction du consommateur. Si le calcul du ROI n’a pas été laissé de côté par le groupe (en crawlant très précisément toutes les données pouvant être corrélées avec les ventes, jusqu’à la météo), il souhaite aller plus loin. Et l’objectif est ambitieux : proposer à moyen terme des recommandations personnalisées pour provoquer l’acte d’achat en travaillant avec les grands distributeurs.
Parmi les nombreux outils de collecte des données (Radarly, Visibrain,…) d’analyse social media (Topsy, Hootsuite,…), d’audience (Google Analytics, Google Webmaster Tools…), ou d’influence (Klout, Peer Index, Youseemii,…) qui existent, le groupe a choisi les solutions de tracking et retargeting de RadiumOne. Ogilvy & Mather ont quant à eux misé sur le développement d’outils internes en rachetant Social Lab qui développe notamment Page-Karma. Cette solution mesure au jour le jour, compare et permet d’améliorer le rayonnement des pages Facebook des marques en France.

 

Ériger le social media au rang de culture d’entreprise

Andrea Colaianni (Ogilvy & Mather) concède que les projets digitaux demandent beaucoup d’investissement, tant personnel que financier, des prises de risque et de la créativité. Mais ils en valent la peine : ils rendent possible une connaissance qualitative précise de la clientèle et permettent de valider des modèles avant de se lancer dans la mise en œuvre et la production. Or le « market research » est encore sous-évalué par les sociétés d’études qui sont peu à l’aise avec les social data selon Fabien Baunay (Silentale).
Mais comment dépasser ce culte de la performance, bien ancré dans les pratiques marketing ? Pour Orangina-Schweppes, il faut que la culture web infuse au sein des équipes : « un bon moyen de faire comprendre ce qui se passe dans
le digital, c’est de l’afficher dans les couloirs ! »
raconte Marin Susac. Pour Rémi Douine (The Metrics Factory), « c’est finalement au top management d’être le propre sponsor de sa démarche social media ». Un travail doit être fait pour que les marques maturent leur rapport au social media et à la culture web dans son ensemble, et c’est souvent là qu’interviennent les agences, à l’image d’Ogilvy.