Capitaliser les connaissances dans l’exploitation du social data

Par Jean-Marie Benoist

Les médias sociaux sont une source presque illimitée de données, dont le champ évolue en permanence et rapidement. Comment alors – l’enjeu est d’importance – capitaliser sur les connaissances accumulées dans leur exploitation ? Quels dispositifs adopter et quelles formations (internes comme externes) mettre en place ? Quelles sont les bonnes pratiques que l’on pourrait d’ores et déjà mettre en avant ?

Pour en discuter, nous avons invité chez The Metrics Factory : Sarah Maachi (Digimind), Fanny Forgeau (Linkfluence), Nicolas Saintagne (Synthesio), Angela Fouasson (Publicis Consultants). Une session organisée et animée par Rozenn Nardin (Research & Web Conseil), Quentin Gression (The Metrics Factory), Rémi Douine (The Metrics Factory), Swanilda Bargue (Linkfluence) et Anna Oualid (OpinionWay).

Depuis 10 ans, les réseaux sociaux ont bouleversé la communication. Et depuis 10 ans, le domaine a acquis une certaine maturité, ce qui impose la nécessité de mettre en place un management des connaissances. En effet, cette maturité se fait montre aussi bien dans la demande que dans l’offre. Les réseaux changent, et les buts poursuivis par les clients aussi. Il y a tellement de données que bâtir des dashboards sans objectif ni réflexion ne fait que multiplier les problèmes. La question de l’objectif du travail devient centrale, et se traduit par des objectifs de mesure et de son amélioration. « On ne fait plus de brief sur « pourquoi mesurer ? » : de plus en plus, on nous demande de construire des cadres analytiques – d’utiliser la donnée », explique Nicolas Saintagne (Synthesio). Cela ne veut pas dire que tous les clients sont sensibilisés aux enjeux. Il reste encore de la pédagogie à faire… Les besoins restent parfois flous, ou mal exprimés (on commence par demander des influenceurs pour ensuite s’apercevoir qu’on voulait, en fait, des insights). « Pour être sûr de bien répondre à la demande du client, il faut d’abord s’assurer qu’il l’a déjà bien compris lui-même… », souligne Fanny Forgeau (Linkfluence). Cela implique également, parfois, de briser ses illusions. Ils ont encore tendance, parfois, à attendre des révélations miraculeuses, alors que s’ils connaissent déjà bien leur marché, ils n’apprendront pas probablement grand-chose de nouveau.

Maturité de l’offre

En réponse à celle nouvelle maturité – même relative – de la demande, l’offre, elle aussi, a évoluée. Tout le monde (ou presque) est aujourd’hui capable de récolter des données ; mais l’attente n’est plus simplement de fournir les données, mais de les enrichir, d’utiliser les notions de sentiment, d’influence (les marqueurs spécifiques des réseaux sociaux) pour contextualiser. Et pour répondre à une autre demande des clients – des réponses reproductibles et cohérentes –, l’élaboration d’une méthodologie d’exploitation des données est devenue obligatoire, et partant, sa transmission : bref, du management de la connaissance. C’est, en quelque sorte, une industrialisation… et la tâche est loin d’être évidente. Le secteur est confronté à des cadences très élevées : des rapports d’analyse en 2, 3 heures, sur des volumes de données faramineux… « Il est facile d’être déstabilisé devant une telle masse d’information, et de ne pas savoir où commencer, explique Angela Fouasson (Publicis Consultants). Il faut pouvoir donner des réflexes : qu’est-ce qui va retenir l’attention du client ? » En plus de cela, il faut compter non seulement avec l’internationalisation du secteur (qui est déjà une réalité), ce qui veut dire intégrer les pratiques de travail et culturelles locales, mais aussi avec la diversité des profils des analystes, chefs de projet, etc. qui vont travailler sur ces données. Certains viennent de la veille, d’autre des médias, d’autre encore sont docteurs en philosophie… Cela engendre nécessairement des divergences méthodologiques.

« L’enjeu est alors d’organiser l’échange, à la fois pour organiser une pratique commune et pour assurer de la cohérence aux livrables – et pour partager ces différences, ce qui ne peut être qu’enrichissant », estime Sarah Maachi (Digimind).

Formations internes et externes

Pour maîtriser tous ces outils et process, l’onboarding est une étape cruciale. Le nouvel arrivant est introduit aux fonctions de la société, aux outils utilisés… Mais une formation initiale ne suffit pas.

« Rien ne remplace le contact client, estime Angela Fouasson (Publicis Consultants). Quelles sont ses attentes, ses habitudes, son vocabulaire… La connaissance client est aussi importante que le data management. »

Et le seul moyen de l’acquérir, c’est sur le tas, en étant confronté au client. De plus, la mutation rapide et perpétuelle de la matière première même – les données issues des réseaux sociaux – oblige non seulement à une amélioration permanente des outils et solutions, mais aussi, logiquement, à une formation continue à ces améliorations. C’est également à cela que servent les bases de connaissances, qui sert alors de support.

Synthesio a ainsi fini par développer une Université, en se basant sur tous les sets de formations qu’ils ont élaborés, où ils dispensent des cours en self-service (ce qui permet d’accélérer significativement le rythme des formations). « Si, pour l’instant, elle n’est destinée qu’à l’interne, elle sera bientôt proposée en externe », explique Nicolas Saintagne (Synthesio).
Car la connaissance de ces spécificités et évolutions n’est pas à réserver aux seuls prestataires. Il est dans l’intérêt de tous que les clients soient également au courant des nouveautés et formés aux usages. Du coup, de même qu’en interne, il peut exister différents niveaux de formation client : utilisateur, administrateur… L’idée est de parler une langue commune, et cela peut être accompli par des formations, des guichets ouverts… C’est notamment utile (voire nécessaire) lorsqu’une évolution de l’outil arrive, par exemple. Mais certains clients vont plus loin. « Nous avons des demandes de clients qui veulent apprendre à mener eux-mêmes leurs études et être autonomes », détaille Sarah Maachi (Digimind).

Si tout cela ressemble à des méthodes de management pratiquées un peu partout, ce n’est pas un hasard. Après tout, d’une certaine façon, une partie des outils existaient déjà : l’analyse de donnée n’est pas une pratique nouvelle en soi. Mais le monde des données sociales y ajoute ses propres spécificités. La rapidité induite par le medium implique un renouvellement permanent : l’information essentielle à fournir à la marque change de jour en jour… Et de plus, il faut intégrer et faire appréhender des notions – comme la viralité – qui ne se trouvent nulle part ailleurs.

Dos and don’ts

Dans toute cette complexité, quelques bonnes pratiques commencent à s’imposer.

« Pour l’international, une personne – qui maîtrise bien les sujets de l’entreprise – fait le tour des divers sites, pour en prendre le pouls et les accompagner, regarder les ventes et les avant-ventes, les produits… », explique Fanny Forgeau (Linkfluence).

C’est un travail épuisant, mais qui marche quelle que soit l’organisation, donne des résultats, et crée un lien indéniable avec le central. « Toutes ces informations, ces connaissances, ne doivent pas être figées, au risque de les perdre », continue Angela Fouasson (Publicis Consultants). Surtout sur un secteur aussi rapide que les réseaux sociaux.

Chacun doit avoir la possibilité d’apporter sa touche à l’ensemble, de se créer ses réflexes – et en même temps de rester ouvert aux évolutions. Et une trace de toutes ces réflexions, brainstorming et autres doit exister… « Le stockage (et le tri) des informations que l’on partage est une excellente pratique à mettre en œuvre », souligne Sarah Maachi (Digimind). La transmission du savoir est principalement orale, et un départ, par exemple, constitue une perte… Du rapid learning (création rapide de documents) est essentiel à mettre en place.

Enfin, « il ne faut pas croire ce que l’on demande », résume Nicolas Saintagne (Synthesio). Il est impératif de prêter attention aux besoins du client, mais aussi de ne pas arrêter de le questionner et de le recentrer sur ses objectifs réels. Cela permet de faire mieux accepter les démarches entreprises pour répondre à sa demande… Et pour accomplir tout cela, il faut constituer une équipe au sens propre du terme : solide, et qui travaille ensemble.

Les trois éléments à retenir

  • Le management des connaissances est une nécessité compte tenu de la maturité de la demande et de l’offre.
  • Mais son élaboration et sa mise en place sont rendues complexes par la rapidité et l’évolution constante des réseaux sociaux.
  • Des bonnes pratiques commencent à s’imposer, certaines classiques, d’autres moins.

Une session organisée par le

Logo-smc-1

Retrouvez également nos articles sur le blog du SMC sur Zdnet :

ZDNet-partenriat-SMC