Les données et interviews de cet articles sont issues d’une séance des Ateliers du Numérique, que nous organisons avec PagesJaunes

Ils sont avocats, dresseurs canins, communicants, photographes, ou agents immobiliers, et ils ont un point commun : ils sont à la tête d’une petite entreprise et leur présence sur internet ne va pas forcément de soi. Pour une entreprise, l’investissement en temps et en argent dans le numérique peut être difficile, et le retour sur investissement aléatoire. Alors, le web pour les TPE, relais de croissance ou perte de temps ? De nombreux outils existent pour les accompagner, encore faut-il les prendre en main.

«C’est bien d’avoir un joli site, mais il faut que le téléphone sonne derrière»

Daniel Lemin (SoLocal/PagesJaunes) aime le rappeler : si les TPE/PME  représentent plus de 97% des entreprises en France, près de la moitié se déclare peu ou pas du tout concernée par la transition numérique. Pire : plus de la moitié des patrons ne s’intéresserait pas à ce qui se dit de leur entreprise en ligne, selon les chiffres du 61ème baromètre Fiducial des TPE au premier semestre 2016.

« Je n’arrive pas à avoir des retours ». Toujours selon le baromètre Fiducial des TPE, 37% des patrons de TPE ont en effet une mauvaise compréhension des enjeux du numérique. C’est, en substance, le point de vue des patrons de TPE par rapport à leur présence en ligne. Pourquoi investir un terrain inconnu, si l’on n’est même pas sûr d’en tirer quelque chose ? Comment savoir si investir le numérique va améliorer le chiffre d’affaires ?

Selon le rapport McKinsey&Company 2014, « Accélérer la mutation numérique des entreprises », environ 65% des TPE/PME disposent d’un site internet et d’une page de présentation, souvent développés par les patrons eux-mêmes, grâce à WordPress, WIX (ou autre CMS). C’est le cas de Carole, qui gère une entreprise dans l’évènementiel « je ne sais pas si le jeu en vaut la chandelle », témoigne-t-elle. Philippe, agent commercial, est sur la même longueur d’onde : « j’ai des visites sur mon site, mais pas d’appels. C’est bien beau d’avoir un joli site, mais il faut que le téléphone sonne derrière ». Si le numérique représente un vrai levier de croissance, les patrons de TPE/PME se retrouvent alors dans une situation complexe : d’un côté, ils doivent assurer une présence en ligne, même minimale, et, de l’autre, ils n’ont souvent ni le temps ni les compétences pour assurer cette présence. Certains choisissent d’externaliser la production du site afin de disposer d’une belle vitrine en ligne.

«Une Rolls Royce sans essence» : choisir un prestataire ou faire un site soi-même ?

« Le site, c’est l’image de l’entreprise. Si le site est mal fait, ça veut dire que l’entreprise n’est pas sérieuse », assène Frédéric Palacin, gérant d’une agence de communication visuelle à Bordeaux. Mais le recours à un prestataire implique toutefois un travail de fond, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de coûts, et nécessite un engagement sur le long cours.  Externaliser la production d’un site n’est une solution magique, il s’agit ici de bien choisir son prestataire, et comme pour toute activité (plombier, notaire, commerçant…), on trouve de tout.  Gabrielle Denis, de l’agence Éditoile, prévient : «la plupart des agences vous livrent de super sites, mais pas de contenu. Un beau site web sans contenu, c’est comme une Rolls Royce qui serait livrée sans essence.» D’où l’importance pour une TPE/PME de piloter la mise à jour de ses contenus avec son prestataire, et donc d’engager une relation saine avec celui-ci autour de sa stratégie.

D’autant que le marché du site vitrine est loin d’être homogène. Construction du site, référencement, stratégie de réputation en ligne et reporting : sans une sensibilisation préalable aux enjeux de ces sujets, les clients qui n’y comprennent pas grand-chose risquent de s’engager un peu au hasard au sein de la multitude d’offres et de formules existantes.  « Ils ont failli me couler ! »  témoigne Edith, gérante d’une entreprise de formation en massage, suite à une mauvaise expérience avec son prestataire responsable de la création et de la maintenance de son site internet. Le risque est de tomber sur des prestataires peu scrupuleux et de payer des sommes importantes (plusieurs milliers d’euros) pour une création de site, puis un forfait mensuel de plusieurs centaines d’euros sur plusieurs années pour la maintenance et le référencement. Une facture difficile à avaler, notamment quand il n’y a aucun impact sur l’activité. D’où l’importance, pour piloter un prestataire, d’avoir du temps à y consacrer et de se former soi-même.

«Il faut y aller, mais je ne comprends pas pourquoi» : les réseaux sociaux, l’arbre qui cache la forêt de la réputation.

Au-delà du site vitrine, l’autre enjeu pour les TPE est le pilotage leur e-réputation. Les réseaux sociaux peuvent assister à ce pilotage, à condition, là encore, d’y consacrer le temps nécessaire. « Il n’y a aucune obligation à être présent sur les réseaux sociaux pour une TPE, surtout si elle n’a pas les moyens ou les compétences de s’y investir », insiste Julie Monnot, conseillère en e-réputation et en stratégie social media. Le message est clair : les réseaux sociaux, pour une TPE, requièrent un investissement en temps constant et conséquent, qu’elles n’ont pas nécessairement.

Pour quel résultat ? « Il faut se mettre dans la tête que communiquer sur les réseaux sociaux, ce n’est pas ça qui va augmenter de 30% son chiffre d’affaires. Les réseaux sociaux permettent d’augmenter la notoriété et la proximité de sa marque avec les clients. Ça peut conforter une vente potentielle, mais ce n’est pas une recette magique », explique Julie Monnot. Une entreprise qui arrive à gérer ses réseaux sociaux y gagnerait en capital sympathie de la part des clients, à condition de montrer une forme de désintérêt et une certaine authenticité dans la communication.

L’enfer, c’est les autres : l’importance de l’évaluation en ligne

Pour les petites structures, l’enjeu est ailleurs : leur réputation en ligne est décisive. Si l’on reprend les chiffres du 61ème baromètre Fiducial des TPE, 92% des consommateurs affirment lire les avis postés en ligne sur les entreprises locales avant de s’y rendre. Quant à l’acte d’achat lui-même, s’il est encore effectué à 80% en magasins, 96% des Français font des recherches sur internet sur le produit avant même de se déplacer. Les TPE ont donc tout intérêt à soigner leur e-réputation. Daniel Lemin (Solocal/PagesJaunes) le rappelle : « même si vous ne vous intéressez pas à internet, internet s’intéresse à vous : la plupart des TPE/PME sont d’ores et déjà évaluées sur internet, et le pire qui puisse vous arriver serait d’ignorer ces évaluations en ligne. » D’après les travaux menés par le département de recherche en sciences humaines et sociales d’Orange Labs, si 87% des internautes prêtent en effet attention aux avis en ligne, ils sont près de 72% à avoir déjà évalué en ligne un service dans un magasin.

Un site est une des bases de sa présence en ligne, mais il est important de se familiariser avec les bonnes pratiques et de se poser les bonnes questions pour en faire un véritable outil de communication qui s’inscrit dans un ensemble d’actions pour gérer sa présence numérique et avoir des contacts avec ses clients et prospects.

Par Arnaud Paillard et Pierre-Olivier Cazenave


Interview de Julie Hache, avocate à Bordeaux