Les Nouveaux Dircoms #3 : Comment assurer la cohérence du message face à la multiplication des contenus et des canaux ?

Ce qu’on retient des échanges :

  • Pour y parvenir, les stratégies d’organisations diffèrent totalement : rapprochement physique des équipes, centralisation et verticalité, décentralisation et responsabilisation.
  • Le point le plus sensible est de faire comprendre que tout ne se vaut pas et que certains sujets, même si l’entreprise est légitime pour en parler, n’ont pas à être abordés.
  • Face à la multiplicité des canaux et aux nuances de messages à adopter selon les publics, les équipes RP reprennent du galon.

Pour cette discussion organisée avec le soutien de Wiztopic, nous avons invité :

  • Anne-Cécile Benita, Directrice de la communication corporate, Renault Trucks
  • Nicolas Boudot, Directeur de la communication, Groupe Casino
  • Anthime Caprioli, Responsable RP Globales, Schneider Electric
  • Benoit Cornu, Directeur de la communication, Elior
  • Julien Goubault, Directeur de la communication, Klépierre
  • Sarah Lhéritier, Directrice de la communication, Mazars France
  • Benjamin Perret, Directeur de la Communication, Fnac-Darty
  • Anne-Sophie Sibout, Directrice de la communication, Edenred
  • Pierre Winkel, Directeur de la communication, Natixis Wealth Management

Animé par :

  • Johana Sabroux, directrice opérationnelle Social Media Club France et directrice clubs chez Mind
  • Raphael Labbé, Membre du Social Media Club France, Fondateur et CEO de Wiztopic

Rapprochement physique, centralisation ou décentralisation ?

La configuration des locaux et la manière avec laquelle les hommes interagissent dans une organisation ont un impact direct sur la cohérence des messages véhiculés. Certains font ainsi le choix du rapprochement physique des équipes afin d’amoindrir les silos, à l’image d’Anne-Cécile Bénita chez Renault Trucks, dont l’équipe de communication compte 44 personnes. « Les gens avaient du mal à partager leurs sujets. nous avons convaincu les équipes qui penchaient naturellement vers une organisation en silos. Aujourd’hui, ils s’installent aux bureaux laissés vacants et les échanges sont fluidifiés », se réjouit-elle. Une organisation physique doublée de la tenue régulière de comités éditoriaux, afin que la communication externe comme interne alignent leur façon de travailler, quelle que soit l’importance du sujet. De la même façon, chez Edenred, Anne-Sophie Sibout a fusionné la communication interne et la production de publications externes et les plateformes web autour d’un département dédié à la production de contenu. En arrivant chez Mazars France, Sarah Lhéritier a aussi favorisé le mélange. « Notre rôle en tant que Direction de la Communication est de garantir la cohérence et la pertinence du message, il est primordial pour cela de casser les silos, de fonctionner en mode projet, de réunir toutes les équipes, qu’importe les logiques de périmètres et de créer des temps d’échanges éditoriaux.».

D’autres misent au contraire sur la centralisation et la verticalité, comme le groupe Casino qui compte 225 000 personnes sur l’Europe et l’Amérique latine. « Je réunis tous les mois les directeurs de la communication de toutes les enseignes pour qu’ils me fassent un compte-rendu de leurs problématiques ; ainsi, je peux arbitrer et éviter qu’une marque marche sur les plates-bandes de l’autre. J’attends que le plan de communication vienne à moi pour le valider ou l’adapter. La taille du groupe et les sièges sociaux éclatés m’obligent à une telle attitude », décrit Nicolas Boudot. Si Benjamin Perret chez Fnac Darty revendique une telle verticalité, elle sera en revanche descendante.

« Chacun son métier, je revendique le monopole absolu de la communication d’entreprise pour que les messages aient le plus d’impact. Même si nous comptons 17 000 collaborateurs en France et au total 26 000 en Europe, nous devons rationaliser notre communication pour optimiser son effet d’entraînement ». Benjamin Perret (Fnac Darty)

Le choix inverse de la décentralisation et de la responsabilisation a au contraire été mis en oeuvre chez Schneider Electric, présent dans 100 pays. L’objectif d’Anthime Caprioli était en effet d’œuvrer au rapprochement du fonctionnement des équipes de chaque pays, quelle que soit la marque. « Dans chaque région, les communicants sont donc en charge de la cohérence du message sur leur territoire. En revanche, nous construisons en temps réel des contenus globaux forts pour couvrir les grands sujets du groupe et leurs fournissons les supports et outils digitaux nécessaires. A charge ensuite à ces acteurs de les adapter, c’est une stratégie ‘d’empowerment’. La fonction centrale communication joue un rôle de médiateur : nous transformons la stratégie en communication pour l’expliquer à l’ensemble de la communauté – soit les équipes communicantes dans les différents pays. »

De la diplomatie pour partager une vision stratégique en interne

Benoit Cornu chez Elior souligne le besoin de revenir aux fondamentaux pour prétendre à une cohérence dans la communication. « Notre culture d’entreprise a toujours été BtoB, décentralisée et portée sur la discrétion. Nous devons aujourd’hui identifier des communicants dans toutes les BU, reprendre un chantier de valeurs, reconstruire une vision en nous exprimant sur des sujets de société comme l’alimentation, la fin de la mal-bouffe, l’intégration des millenials… » Outre la mise en place du cadre, Benoît Cornu agit pour responsabiliser les CEO des BU. « Nous devons faire preuve de souplesse dans l’accompagnement, en intégrant rapidement leurs nouvelles idées mais également en veillant à ne pas parasiter le discours global avec des buzzwords ou des tendances sans lendemain », nuance Anthime Caprioli chez Schneider Electric. l’adaptation donc, dont Anne-Sophie Sibout estime indispensable d’user « Le rôle du directeur de la communication est aussi d’élargir l’écosystème des communicants pour recueillir les besoins opérationnels, gagner le soutien des managers et en faire des sponsors. Il est indispensable de ne pas rester autocentré !». Un passage également obligé pour Sarah Lhéritier chez Mazars France, dont la structure compte 200 partners, et pour qui le contenu est le nerf de la guerre. Avec toutefois un devoir de hiérarchisation des sujets. « Avec l’avènement des réseaux sociaux, tout le monde peut être porte parole et tout est prétexte à communication. Je passe beaucoup de temps à échanger avec les experts métiers pour comprendre leurs enjeux et les intégrer dans un plan de communication plus global. Il faut aussi communiquer, embarquer et fédérer l’interne et le Top management au delà de l’équipe communication autour des axes prioritaires de communication qui construisent la marque sur le long terme. Nous avons identifié chez Mazars 4 axes prioritaires qui nous permettent de hiérarchiser les actions de communication ». Le plus difficile est peut-être de faire comprendre que tout ne se vaut pas.

« Parfois, une entreprise peut être légitime pour un sujet traitant du digital ou de l’innovation, mais il est déjà abordé par une multitude d’acteurs. Nous devons faire comprendre que seuls des angles différenciés peuvent être privilégiés, et que ce qui passionne l’interne ne touchera peut-être pas autant l’externe !», Anne-Sophie Sibout Edenred

Qui parle ?

« Nous ne pouvons concevoir les messages seuls dans notre coin », ajoute Pierre Winkel chez Natixis Wealth Management, qui fait venir les managers en comité éditorial afin d’initier une co-construction de contenu. « Ce sont eux qui écrivent, mais avec notre aide ». Idem chez Klépierre qui produisait peu de contenus corporate par le passé. « En tant qu’entreprise, nous étions plutôt cachés quand je suis arrivé. Nous nous adressions surtout à la communauté financière et à la presse spécialisée. C’était une communication très financière, très immobilière. Mais avec la révolution du e-commerce, nous avons voulu porter un discours sur le retail, forts de notre expérience dans nos 150 centres commerciaux dans 16 pays d’Europe. Nous nous sommes aperçu que nous avions des choses à dire, que nous avions une vision du retail, tant du point de vue de l’expérience du client que de notre rôle territorial. Nous avons donc posé une plateforme de marque qui n’existait pas au niveau corporate et désormais, nous remplissons donc davantage l’espace médiatique et investissons les réseaux sociaux. L’essentiel des gens qui produisent le contenu dans les BU sont très proches les uns des autres, nous pouvons donc travailler la cohérence avec eux et co-créer, d’autant qu’ils ont été associés à la plateforme de marque », note Julien Goubault. Dans le groupe Casino, les patrons de BU ont vocation à prendre la parole, selon Nicolas Boudot. Cela concerne une douzaine de personnes au plus. Et une dizaine d’experts chez Renault Trucks. « La sélection s’opère d’elle-même ; ceux qui n’ont pas envie de parler de nos grands sujets comme les énergies alternatives ou la smart city s’écartent d’eux-mêmes », constate Anne-Cécile Benita.

Le retour en force des RP

Pour prendre la parole au nom du groupe ou d’une marque, encore faut-il savoir écrire et adapter son style à la cible choisie. Des basiques, pourtant rares aujourd’hui, selon Anne-Sophie Sibout chez Edenred. Une compétence primaire également valorisée par Sarah Lhéritier chez Mazars, qui souligne une montée en compétence des équipes en conception de contenus digitaux innovants et mise en place de KPIS mais une complémentarité forte avec les équipes RP sur la gestion des échanges et la structure des messages et du discours de marque « Bien souvent, ce sont les équipes RP qui sont appelées en renfort ». Même son de cloche chez Nicolas Boudot au sein du groupe Casino, qui a réduit les communiqués de presse à portion congrue et compte donc sur les RP pour susciter des articles de presse. « Les profils RP reprennent du galon parce qu’ils saisissent mieux la complexité, dans le numérique notamment », affirme Benjamin Perret chez Fnac-Darty qui avait aboli la barrière digital/RP dans un précédent poste.

L’attention déterminante sur le timing et les outils

Pour des raisons réglementaires, la communication financière nécessite des efforts particuliers sur le timing et les outils. Anthime Caprioli chez Schneider Electric estime que la maîtrise du rythme de de diffusion sur les divers canaux pour les différentes cibles est primordiale. « Il y a un véritable sujet de logistique de diffusion dans ce domaine », soutient-il. Benoit Cornu chez Elior accompagne la communication financière.

« Nous avons mis en place des séquences pour informer l’interne et l’externe, en tenant compte de la règlementation. Quelques formulations – sur la création de valeur par exemple – changent mais les messages sont construits de la même manière. », Benoit Cornu (Elior)

« L’information circule partout, malgré les frontières géographiques ou les canaux différents », rappelle Anne-Sophie Sibout chez Edenred. « Les publics ne sont pas cloisonnés, et mieux vaut se dire qu’une communication dite « interne » peut apparaître à tout moment à l’extérieur ». Et ce, d’autant plus que les salariés actionnaires peuvent être nombreux, comme dans le groupe Casino. Benjamin Perret chez Fnac/Darty met aussi en garde sur les contenus différenciés : « les gens prennent de plus en plus mal les simplifications financières à l’extrême ». « La cohérence des contenus commence entre l’interne et l’externe », confirme Julien Goubault, qui propose chez Klépierre une retransmission live des résultats en interne et propose en plus une vidéo de 3 minutes de décodage avec le DAF. Une technique que peut aussi utiliser Anne-Sophie Sibout chez Edenred, lors d’une acquisition par exemple. « Pour des raisons opérationnelles, nous ne pouvons pas toujours communiquer sur tous les canaux simultanément et avec la même intensité, sur des acquisitions par exemple. Avec quelques jours de décalage, il est toujours possible de faire un « retour sur » de quelques minutes sous forme d’interview auprès d’un dirigeant avec un simple smartphone. Un exemple de la réactivité et de la flexibilité dont doivent faire preuve les nouveaux Dircom.

Par Julien Tarby

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