SMC #CERCLEDIRCOM #7 : Le CP est mort, vive le CP!

Ce qu’on retient des échanges :

  • le communiqué de presse reste un outil apprécié des dirigeants et indispensable pour certains types de communications très institutionnelles, notamment
  • son usage a évolué : il ne se suffit plus à lui-même. Rien ne remplace une relation directe entre communicants et journalistes
  • le CP peut être une source de contenus pour les réseaux sociaux, à condition d’être remodelé

Outil puissant de l’arsenal de communication, le communiqué de presse est pourtant régulièrement remis en question. Efficacité, fréquence d’envoi, processus de validation, longueur et densité du contenu… À chaque service de communication sa philosophie du CP. À la SNCF, « ça reste une demande de nos interlocuteurs, et une obligation dans certains cas », pointe Michael Chefles, Directeur de la Communication de SNCF Intercités. L’entreprise aux multiples filiales se retrouve néanmoins confrontée à une multiplication des CP, jusqu’à 20 par semaine, ce qui peut donner une impression de cacophonie pour les destinataires. Le CP reste un enjeu de taille pour la communication de la SNCF, surtout à l’échelle régionale et locale : il est très souvent exploité, parfois tel quel, par la PQR et la presse professionnelle.

Le CP, obligatoire sous certaines conditions

 

Du fait de son statut d’entreprise publique, la SNCF se voit obligée de communiquer certaines informations par CP, à l’instar des entreprises cotées en Bourse et surveillées par l’AMF, comme Casino. Dans ces structures, le CP a trois usages, rappelle Stéphanie Abadie, responsable relations presse chez Casino : communiquer les résultats financiers de l’entreprise, les informations structurantes réglementées par l’AMF (partenariats etc.). Enfin, le CP reste un moyen efficace de faire passer un message clair en cas de situation de crise.

Outre ces usages encadrés, le CP peut être remplacé par d’autres formes de communication. Ainsi, s’il reste l’élément essentiel de la communication du CNRS, le CP génère un système de validation lourd et chronophage. Priscilla Dacher, responsable adjointe du bureau de presse, explique la mise en place d’un dispositif nommé « alertes » médias, qui permet de réagir à certains sujets importants en 24 heures. Axelle de Chaillé, directrice adjointe de la communication de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) constate de son côté que la quantité de CP n’augure pas de la qualité des retombées média, au contraire : « j’envoie de moins en moins de communiqués, au profit d’un autre type de communication, et j’ai plus de retombées. » Tous les intervenants le confirment: raréfier la prise de parole rend celle-ci plus audible.

Néanmoins, le statut de l’entreprise ou de l’organisme joue sur le rôle du CP. Ainsi, chez Arkema, « le CP est un moyen d’entrer en communication avec les journalistes et de commencer une relation », pointe Véronique Obrecht, Corporate Media Relations Manager. Cet acteur de la chimie, jeune de surcroît (l’entreprise a 13 ans d’existence), souffre d’un déficit d’image dû à son secteur d’activité et aux récents événements (Lubrizol) : « Nous avons besoin de communiquer sur notre politique de sécurité industrielle et les moyens mis en oeuvre afin que les dangers de notre industrie ne deviennent pas des risques ». Arkema est également soumis à certaines contraintes réglementaires de communication : en cas d’accident, l’entreprise doit publier un CP dans les deux heures.

Privilégier une communication ciblée

Au-delà de la pratique du traditionnel CP se développent donc des stratégies et méthodes de communication plus ciblées, considérées comme plus efficaces à certains égards. Ainsi, Casino s’est fixé comme ligne de conduite de briser la règle « une communication = un CP ». « Nous demandons aux opérationnels de rédiger les outils, les éléments de langages, d’identifier les interlocuteurs potentiels sur une information avant même de rédiger un CP ». Comme l’explique Stéphanie Abadie, le groupe de grande distribution privilégie le contact direct, par téléphone avec certains journalistes. Il est de plus en plus fréquent qu’aucun CP n’accompagne une opération. L’un des enjeux est d’identifier le média auquel se destine l’information : presse professionnelle, économique, grand public… Casino « privilégie la communication sous forme d’exclusivité avec un média » pour certaines actualités comme l’ouverture de magasins ou de nouveaux concepts. « Une ‘exclu’ dans un grand journal, déclenche une dizaine d’appels dans la journée de journalistes leader d’opinion, radios, JT etc ». Quitte à faire des jaloux : « Si un journaliste vient se plaindre de ne pas avoir eu l’info après cela, c’est que la stratégie RP choisie était finalement la bonne », souligne Stéphanie Abadie.

Plus largement, le CP apparaît comme un outil parmi d’autres, au sein d’un « kit média » à destination des journalistes. Ainsi, pour les médias audiovisuels (radio, télé), le CP a peu de pertinence et n’est que rarement repris. Il doit être accompagné d’images, vidéos, propositions d’illustrations etc. Un kit média complet peut aussi s’avérer utile aux médias ne pouvant se déplacer (web, presse étrangère). « On envisage automatiquement une communication 360°, détaille Véronique Obrecht (Arkema) : on organise notre plan de com en lien avec le responsable réseaux sociaux, le marketing digital, éditorial… » De cette façon, certaines informations poussées sur les réseaux sociaux ne vont pas systématiquement faire l’objet d’un CP.

Si Casino communique en priorité via les médias, les réseaux sociaux peuvent être un canal de communication plus pertinent selon les contextes. Ainsi, au CNRS, une cellule médias sociaux relaie l’ensemble des informations presse, en particulier les résultats de recherche, sur Twitter. Facebook est réservé à la communication de sujets grand public. L’instantanéité des réseaux sociaux peut s’avérer utile en cas d’actualité forte. Ainsi, au moment de l’incendie de Notre-Dame, le CNRS a signalé sur Twitter l’existence d’une liste de scientifiques pertinents sur le sujet, à destination des journalistes. Ce travail, quoique chronophage, est utile pour identifier des expertes et experts sur un sujet d’actualité et répondre aux demandes d’interviews (en moyenne 1500 par an).

L’importance du bon interlocuteur et du bon timing

Le CP n’est que la première étape d’une communication. De l’avis des participants au #CercleDircom, l’impact de l’article sera plus significatif s’il contient une interview. Dès lors, en amont de la publication d’un CP, un porte-parole adéquat doit être identifié. Puis, en cas d’interview, cet interlocuteur est accompagné par l’attaché de presse pendant (voire avant, avec une séance de media training). Si cette pratique n’a pas cours, sauf exception pour les dirigeants, dans les instituts de recherche (ICM, CNRS), elle est monnaie courante dans les grandes entreprises : « il est inconcevable qu’un responsable du Comex s’exprime sans la présence d’un attaché presse », affirment de concert Michael Chefles (SNCF Intercités). Isabelle Emerard, responsable communication éditoriale et digitale chez Boehringer Ingelheim tempère : “ l’équipe de communication accompagne les dirigeants de business unit soit effectivement lors de leur intervention, soit dans le cadre de leur préparation”.

Par ailleurs, l’efficacité d’un CP peut être corrélée à son timing de publication. L’une des stratégies déployées consiste donc à faire des « CP actualités ». C’est le cas notamment à l’ICM : « le cerveau est un sujet qui fascine autant qu’il interpelle. Les neurosciences suscitent beaucoup de questions et apportent des réponses aux sujets de société », explique Axelle de Chaillé. « Je trouve que c’est une bonne façon de réfléchir : se dire comment inscrire mon institution dans un sujet d’actualité froid ou chaud ». Dans le cadre de ses contraintes réglementaires, Boehringer-Ingelheim profite également des “marronniers” saisonniers pour faire de la prévention grand public (protéger les animaux des tiques par exemple), sans parler directement de ses produits. Mais cette méthode ne s’adapte pas à toutes les entreprises et institutions. À l’inverse, la SNCF a tendance à créer l’actualité et cherche donc plutôt autant que possible à raréfier sa prise de parole, tandis que Boehringer Ingelheim, en tant que laboratoire pharmaceutique, s’appuie sur le CP pour parler à la presse professionnelle, son premier interlocuteur,.

D’autres formes de communication se mettent en place. De l’avis des membres de la session, le dossier de presse paraît désormais obsolète. Pour maximiser ses chances de reprise, Isabelle Emerard (Boehringer Ingelheim) organise des conférences de presse avec un petit nombre de journalistes. Axelle de Chaillé (ICM) s’appuie aussi sur la conférence de presse, au moment des voeux, mais également sur des articles payants en co-rédaction. La SNCF privilégie dans certains cas l’AFP de façon à diffuser l’information le plus largement possible, comme lors de la publication des résultats du groupe ou la nomination d’un membre du COMEX.

La difficile maîtrise des KPI

Toutes ces expérimentations autour du CP posent, bien sûr, la question des retombées et de l’impact des différentes méthodes de communication. Le premier KPI consiste à compter le nombre de retombées médiatiques. Boehringer Ingelheim et Arkema s’en informent, insistant sur le fait qu’il s’agit avant tout d’un outil d’évaluation pour soi : « je compte les coupures, ça me donne une indication pour moi de ce qui marche ou pas », explique ainsi Isabelle Emerard (Boehringer Ingelheim). L’impact auprès des communautés d’investisseurs et des analystes du secteur est particulièrement recherché. C’est pourquoi Casino s’intéresse avant tout à la presse leader d’opinion. Lorsqu’il s’agit de présenter les résultats à la direction, l’ICM choisit de les valoriser d’un point de vue commercial en les quantifiant d’un point de vue régie pub. 

S’il existe des outils et solutions pour dénombrer les retombées, comme ceux de Kantar Media, aucun ne permet une exhaustivité de la couverture médiatique d’un sujet. Il faut souvent additionner les outils, voire produire soi-même une partie des analyses. Mais la communication reste un métier où la mesure des résultats n’est pas aussi définie que dans le marketing ou le business.