Focus : TikTok, Twitch, Discord… De nouvelles opportunités pour cibler les jeunes ?

Ce qu’on retient des échanges :

  • Le principal enjeu pour les sociétés est de comprendre et de s’approprier l’ADN de ces plateformes avant de les investir.
  • L’interaction est l’élément clé de la réussite d’un lancement de campagne sur ces plateformes. 
  • Les données et informations générées permettent d’adapter sa stratégie, son contenu et d’engager davantage les communautés. 

Tik Tok, Twitch, Discord, si ces noms ne sont pas encore entrés dans le domaine courant, ces trois plateformes connaissent des taux de croissance impressionnants. Avec des fonctionnalités favorisant la viralité, elles bénéficient également d’audience particulièrement engagées et jeunes… 

TikTok (développée par l’entreprise chinoise ByteDance, aussi appelé Douyin) compte ainsi 4, 6 millions d’utilisateurs actifs par mois, en France. La plateforme, plutôt féminine (57% d’utilisatrices) génère 5 milliards de vues par mois et bénéficie d’un temps de connexion de 57 minutes par jour, avec un reach encore plus important que celui d’Instagram. Toutefois, malgré ces chiffres impressionnants, les entreprises sont encore fébriles quant à son utilisation. 

L’agence Bolt Influence a ainsi conçu, avec une influenceuse TikTok, Maceiva, une campagne pour Histoire d’Or sur le thème de la Saint Valentin. Le principe ? Créer une viralité autour de cet événement, à travers un “challenge” – format viral qui incite les utilisateurs à poster des contenus en se mettant en scène – en s’offrant un bijou à soi-même. Maceiva, présente sur la plateforme depuis trois ans, apprécie la grande interactivité de l’application et confirme que l’audience y est particulièrement jeune : “Parce que les parents n’y sont pas, contrairement à Instagram!” Avec sa communauté de 564 000 followers, la jeune femme, qui a commencé avec des vidéos de « lip synch » (playbacks) puis de danse, est depuis début 2020 contactée par certaines marques pour des partenariat (placement de produit, code promo…).

Les profils d’utilisateurs sont différents sur Twitch, consacrée à l’origine au live streaming de jeux vidéos. Intégré à Justin.Tv, la plateforme a pris son indépendance rapidement avant d’être racheté par Amazon. En France, Twitch représente 4 millions de visiteurs uniques par mois (975 000 visiteurs uniques par jour), pour une audience jeune (de 18 à 34 ans) avec une majorité d’hommes (70%). Si la plateforme concentre essentiellement du contenu de type « gaming », elle tend à s’ouvrir sur des univers différents (chant, talks shows…).

Les utilisateurs de cette plateforme ont un profil plutôt “geek” (appétence pour la technologie et la culture internet…) et valorise une interaction très forte avec les “streamers” – les comptes qui postent des live video. Il est par exemple possible de soutenir le travail des streamers en souscrivant un abonnement payant à leur chaîne ou en faisant des dons. Témoin de l’engagement des utilisateurs, l’opération lancée par les gamers de ZEvent au profit de l’Institut Pasteur a permis de récolter plus de 3,5 millions d’euros de dons en quelques jours. 

La durée moyenne d’une vidéo est d’une heure et demie et peut aller jusqu’à 24 heures, ce qui peut être intéressant en termes de marketing d’influence. Toutefois, il est encore délicat pour les entreprises d’être présentes sur cette plateforme car le public des gamers est extrêmement mature, et très rétif au discours commercial. L’enjeu est donc pour les annonceurs de comprendre et de s’approprier l’adn de la plateforme avant de l’investir. 

Vincent Ferrer, social media manager pour Porsche France, commente le lancement de leur nouveau modèle de monoplace électrique pour la saison de Formula E, présentée il y a quelques mois sur Twitch. L’idée de départ : toucher un public plus jeune, technophile, plus geek afin de créer l’événement, de générer de l’interaction et des retombées dans les médias. Ce live permettait aux viewers de jouer avec les pilotes titulaires Neel Jani et André Lotterer dans les locaux de Porsche à Ludwigsburg afin de trouver la monoplace et de la dévoiler. Un coup d’essai qui aurait pu aller plus loin pour Vincent Ferrer : la marque aurait dû davantage miser sur la voix, l’animation mais aussi le tchat, qui sont au coeur de l’ADN de la plateforme. Les utilisateurs pouvaient faire un choix d’actions à produire mais le dispositif étant relativement lent, cela a suscité pas mal de trolling dans le chat, chose qui aurait pu être évitée en partie par une activation plus dynamique ou à minima une animation pour meubler les longs silences à l’écran.

Une stratégie de test également appliquée par Sylvain Chatelain, rédacteur en chef du Figaro Live. Depuis 2017, Figaro Live réalise de 5 à 8 heures de direct diffusées en partie sur la plateforme. Le dernier concept en date : la création d’une émission de jeux de rôles dont la première diffusion mi-janvier est considérée comme un succès. Avec une première émission, la chaîne a en effet généré 90 abonnements payants. Mais si la communauté souscrit ces abonnements, c’est avant tout pour soutenir l’émission et l’équipe d’animateurs, eux-même gamers et/ou streamers et pas Le Figaro en tant que tel, souligne Sylvain Chatelain. Il estime ainsi qu’il y a beaucoup d’opportunités pour les entreprises étant donné l’engagement généré par la plateforme, à condition de comprendre et  de respecter les codes de ces communautés. 

Même vision chez Thibault Leflot, directeur marketing chez MCES, académie française de Esport, qui comptabilise près de 43 000 abonnés sur sa chaîne Twitch. MCES a lancé avec l’un de ses partenaires, une campagne visant à sponsoriser des événements e-sport afin de capter une audience plus jeune. Une manière, selon lui, de permettre aux communautés de s’accoutumer à la présence de la marque. MCES développe également d’autres types de dispositif tels que la mise à disposition d’espaces publicitaires sur l’interface de la chaîne ou  la création d’une web séries, notamment sur la mixité dans l’e-sport ou l’handi gaming avec EDF.

MCES est également présent sur Discord, un outil de messagerie souvent comparé à Slack dans son fonctionnement. La plateforme recense 250 millions d’utilisateurs dans le monde, 56 millions d’utilisateurs actifs par mois et 850 millions de messages par jour. Mais pour Thibault Leflot (MCES), Discord peut être considéré comme un réseau social à part entière: “Nous offrons la possibilité à nos utilisateurs Discord d’obtenir des informations en temps réel, de disposer de contenus exclusifs.” L’utilisateur devient parfois même ambassadeur de la chaîne au point de s’engager en tant que modérateur des contenus échangés.

Autant de plateformes qui présentent de réelles opportunités pour les entreprises, les médias ou les institutions, à condition d’adapter le discours diffusé à leurs spécificités. Et de bien prendre en compte l’écosystème et le fonctionnement de chaque communauté.