Ce que l’on retient des échanges :
Podcasts, plateformes de gaming, vidéos verticales, les manières de produire du contenu se sont démultipliées ces dernières années. Ce début d’année 2020 est l’occasion d’ouvrir de nouvelles perspectives pour imaginer les formats qui marcheront dans les productions de demain. «Cette année, j’ai constaté que, parfois, il y a eu cette tendance à succomber à l’effet de mode, interpelle Paloma Ballatour, directrice éditoriale d’Insign. Ce que je retiens, c’est qu’il faut constamment revenir à nos sujets, au sens de nos messages et à la valeur ajoutée de ce que l’on va proposer à notre audience : se demander qui est cette audience et où et comment elle va consommer l’information.»
Si les marques sont nombreuses à se lancer dans la production audio, à travers les podcasts, Paloma Ballatour prévient: « Parfois, il peut être plus intéressant pour une marque de s’adosser à des formats déjà existants. L’essentiel est de trouver la bonne adéquation entre la marque et la ligne éditoriale du podcast. Mais le paysage des podcasts en France est maintenant suffisamment dense et riche pour offrir des belles opportunités de sponsoring ou de publicité. »
Dès lors, il devient nécessaire de se demander si le sujet se prête à ce type d’écoute car le podcast peut perdre sa pertinence avec des sujets trop corporate. « Avec Bouygues Bâtiment France-Europe, nous nous sommes tout de suite interrogés sur la pertinence du format pour répondre à l’objectif d’image de départ… se souvient Paloma Ballatour. C’est un acteur BtoB, avec des audiences expertes des enjeux de la construction et de l’architecture. On a donc pensé à un format en sept épisodes autour des différentes typologies de bâtiments : le bureau, l’hôtel, le logement… Le petit pas de côté qui a fonctionné, ça a été de sortir d’une logique commerciale intenable sur du podcast, pour élargir vers des sujets de mobilités urbaines et d’innovation. Sur le traitement, pour aller plus loin que le traditionnel débat d’experts, nous faisons intervenir à chaque épisode en mode reportage des hommes et des femmes, des citoyens lambdas qui vivent et expériment ces lieux tous les jours… » Mais tout sujet ne permet pas de répondre à l’attente du podcast, comme en témoigne Annaise Descamps, Social Media Manager chez The Adecco group : « L’année dernière, on a essayé d’en lancer sur la thématique de l’emploi. C’est compliqué car les sujets ne bougent pas. Aujourd’hui, le podcast répond à une problématique de produit, et non de service ».
Au contraire, la production devient intéressante lorsqu’un acteur connaît déjà son audience, ce qu’on retrouve principalement auprès des médias. Alors que les éditeurs valorisent de plus en plus l’information par l’audio, les rédactions se posent la question d’aérer leurs contenus par le podcast. Ça a déjà été le cas pour Siècle Digital qui propose désormais deux productions, “Culture numérique”, une émission quotidienne et “Futurs au pluriel”, répondant à un format mensuel. « On a eu de la chance, car on ne partait pas de zéro, notre communauté était déjà constituée. On pouvait s’appuyer sur un article pour annoncer le lancement de l’émission, confirme Valentin Blanchot. On a réussi à engranger une audience, avoir des auditeurs qui reviennent, avec en moyenne 2 000 écoutes en semaine. Par comparaison, on est à un million de visiteurs par mois.» Mais pour le rédacteur en chef, la difficulté demeure la promotion du contenu audio sur les réseaux sociaux.
De manière générale, le podcast tire son avantage dans la vision de la publicité par les auditeurs, comme en témoigne Paloma Ballatour (Insign) : « Lors du dernier Paris Podcast festival, une étude Havas Paris/ CSA a dévoilé que les auditeurs français interrogés trouvaient la présence publicitaire dans les podcasts qu’ils écoutaient encore adaptée et justement dosée. Imaginer qu’il n’y a pas encore de saturation sur ce format, c’est une opportunité pour les marques et c’est une piste intéressante pour la suite.» [1]
Pour les marques, l’enjeu devient désormais de cibler l’audience des produits et de s’en servir pour imaginer son positionnement sur une plateforme. Dans certains cas, des formats peuvent directement répondre aux attentes du client. C’est le cas par exemple du groupe LDLC, qui après la reconnaissance du sabre laser comme art martial par la Fédération française d’escrime a voulu accompagner l’émergence de cette nouvelle discipline sportive. Ils ont ensuite considéré la plateforme de gaming Twitch pour lancer le projet. « L’intérêt est qu’on peut sélectionner des influenceurs qui ont une certaine audience et une certaine appétence dans notre domaine, raconte Kevin Marquier, chargé d’animation marketing pour LDLC. Sur cette plateforme, ils sont capables de mobiliser 10.000 personnes à 14 heures, un mardi par exemple. On peut ainsi organiser de grandes compétitions lors d’une journée caritative où on réunit plusieurs influenceurs qui ont aussi leur communauté, pour s’assurer une grande audience sur le live. Ça permet de mobiliser une large communauté, rapidement, sur un petit/moyen laps de temps. »
A l’image des podcasts, l’intérêt de Twitch se place également au niveau publicitaire. Lors d’une campagne autour du jeu Fortnite, Hasbro avait par exemple imaginé un format preroll de 30 secondes non skippable. « On était assez content de cette campagne, se réjouit le digital marketing specialist d’Hasbro, Frédéric Gullient. Ce que j’en retiens, c’est qu’il y a moins de pression publicitaire que sur Youtube. »
Avant de se lancer en son nom propre, le marketing d’influence peut être aussi un bon levier pour une marque. « C’est le meilleur moyen de rentrer sur la plateforme, estime Thibault Tourvieille de Labrouhe, de l’agence Supernatifs. Une marque n’a pas forcément de légitimité immédiate sur ce support. Au lieu de créer du contenu, elle peut s’associer à des créateurs déjà existants sur la plateforme, et s’y faire sa place petit à petit, créer sa légitimité, pour ensuite arriver à des contenus propres qui lui correspondent. »
Mais des plateformes comme Twitch peuvent parfois rester clivantes et ne pas engendrer autant de participation que d’autres formats, plus fondamentalement accessibles. L’explosion du format vertical, à travers la story notamment, confirme aujourd’hui la réussite du modèle économique de Snapchat. Pour la majorité des acteurs, il faut désormais aller plus loin et quitter cette image trop jeune et simpliste du réseau social. « Le lancement de Snapchat, c’était finalement logique, les utilisateurs filmaient déjà à la verticale avec leur portable, décrypte Clarisse Gratecap, fondatrice de l’agence Snapologie. On fait désormais des télévisions qu’on peut tourner au format vertical, ça montre bien la réussite de ce format. Pour la publicité, c’est idéal aussi, elle peut occuper tout l’écran, il n’y a plus que notre contenu à voir. »
En matière de coûts, il est indispensable de prendre en compte un changement de paradigme car les images n’ont désormais plus vocation à durer, comme le souligne Clarisse Gratecap. « On met donc moins de moyen. Cela ne nécessite plus de tourner longtemps avec une grande équipe. Si ça a une vocation de long terme, ça n’ira pas sur Snapchat ». Même constat du côté du Groupe Seb, qui sans utiliser Snapchat, a vu en ce changement de production d’image une manière de faire passer l’authenticité avant la qualité. « On a ainsi réutilisé du contenu réalisé par nos consommateurs. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas de faire du contenu influenceur, mais de les challenger sur un type de contenu, qu’on rachète et qu’on réutilise ensuite », précise Christophe Tavlaridis, community et influence manager chez Groupe SEB.
Autre format dont on attendait beaucoup, la réalité augmentée. Si elle s’est démocratisée depuis 2017 avec l’utilisation des lens sur Snapchat, il reste désormais à ouvrir les frontières des compétences connues aujourd’hui, à destination du grand public. « Ça va bien au-delà, c’est une technologie qui peut nous immerger dans un univers, promet Clarisse Gratecap (Snapologie). Il y a des usages sur tous les points de contact avec le client, tout le tunnel d’achat. On ne fait pas que du branding, on peut les pousser à acheter, à se fédérer autour de la marque.» Les marques doivent donc aller plus loin dans les fonctionnalités, en évaluant la nécessité de créer un filtre dédié pour répondre à leurs objectifs de contenu. « Il est également primordial de sortir de ce défaut de communication au niveau de l’audience de Snapchat. Ce ne sont pas que des jeunes qui utilisent cette réalité augmentée. Il n’y a que 14% de mineurs sur la plateforme, ajoute Clarisse Gratecap (Snapologie). La réalité augmentée, c’est une page blanche, il n’y a plus qu’à faire quelque chose ».
« Il faut un très bon smartphone pour avoir un vrai bon rendu en réalité augmentée. Si aujourd’hui Apple est plus en avance qu’Android, ça reste encore difficile d’analyser les jeux de profondeur. Les expériences vont se transformer avec la qualité », souligne également Valentin Blanchot du Siècle digital.
Mais pour certains, l’heure est désormais au retour des techniques davantage basées sur le micro-engagement. C’est le cas de The Adecco Group qui a pu constater l’importance des stories, en particulier sur Facebook: « On avait un enjeu de fidélisation de nos intérimaires, face à des milliers d’acteurs qui proposent aussi des offres très courtes. Sur les réseaux, il fallait capter l’attention sur des thématiques difficiles à aborder », rappelle Annaise Descamps. Ainsi, à travers les stories, The Adecco group a dessiné une stratégie autour de rendez-vous ponctuels où les internautes pouvaient venir poser leurs questions et témoigner à travers des messages privés. « Ça nous évite de nous immiscer dans leur vie, et ça devient beaucoup plus engageant. Ils arrivent avec des situations compliquées pour devenir finalement des promoteurs de la marque. Depuis septembre, les messageries privées ont rapporté plus de business que les publications sur Twitter en un an », se réjouit-elle.
D’autres encore misent sur le User Generated Content, à l’instar du Groupe SEB qui a pu enrichir les communautés qui s’étaient créées toutes seules autour de ses produits à travers l’engagement de ses internautes. « Au départ, on a ouvert une application avec 300 recettes, mais ça n’a rapidement pas suffit. Or les coûts devenaient importants pour chaque recette, avec les photos, la création avec les chefs, les traductions, etc. Une des démarches était de s’ouvrir à l’UGC pour permettre aux internautes de créer leurs recettes et de les partager avec la communauté. En quelques mois, on a eu l’équivalent de trois ans de contenus. Une autre démarche a été la création par la marque elle-même d’une communauté autour d’un produit. Aujourd’hui il y a 50 000 membres qui font vivre la communauté, dont 25 000 à 35 000 de membres actifs. Certaines deviennent même ambassadrices », assure Rachel Matos, social media manager, listening et activation au sein du Groupe SEB.
En 2020, l’influence et l’engagement restent donc au coeur des problématiques de contenus.
[1]https://www.csa.eu/media/1894/embargo-1810-communique-de-presse-enqu%C3%AAte-csa-havas-paris-1er-portrait-robot-de-lauditeur-de-podcast-natif-18102019.pdf
Compte-rendu par Lina Fourneau.