Cycle “Parcours utilisateur” #1 « La gamification : véritable générateur d’engagement ? »

Ce que l’on retient des échanges :

  • l’engagement dans le jeu-vidéo repose sur des mécanismes traduisibles dans le marketing,
  • la communauté des joueurs est un levier précieux pour le marketing,
  • le bénéfice de la gamification se voit avant tout sur le long terme

 

La gamification (ou « ludification ») apparaît au début des années 2000, quand les stratégies marketing commencent à s’appuyer sur les mécaniques du jeu-vidéo (la narration, le compte à rebours classement, la collaboration en équipe, etc.). Aujourd’hui, elle est au cœur de celles-ci, notamment sur les réseaux sociaux. 

Pour Mounir Bekkouche, associé cofondateur de Balrog Paris, « au début des années 2000, le jeu-vidéo propose de vraies expériences de storytelling qui n’ont rien à envier à un film ou à un bon livre. On commence à parler de « blockbuster » ». A tel point qu’aujourd’hui, des mastodontes comme Fortnite* rassemblent 250 millions de joueurs et font 1,5 milliards d’euros de bénéfice. « Quand les franchises cultes des jeux-vidéo sont devenues des marques, elles ont appris de celles-ci. Maintenant, il faut que les marques apprennent des jeux-vidéos. »

« Un instant gagnant, c’est fun, et les marques doivent s’en souvenir ! » – François Le Tanneur (apps’miles®)

François Le Tanneur, cofondateur de apps’miles®, illustre cet échange nécessaire en évoquant une étude de Standford parue en 2006 sur les triggers du jeu-vidéo. « Pourquoi joue-t-on ? Selon cette étude, pour quatre raisons : réussir, partager, s’immerger, et puis simplement jouer pour jouer. Voilà comment on peut traduire cela en objectifs marketing. « Réussir », cela peut être faire connaitre la marque en mettant en compétition les usagers. « Partager », c’est très facile à utiliser dans le marketing en créant du relationnel et de la collaboration. « S’immerger », c’est faire voyager.  Sans oublier « Jouer ». Un instant gagnant, c’est fun, et les marques doivent s’en souvenir ! ».

 

Pour incarner ces stratégies de gamification, Thomas Poulet, influenceur et Social Media Marketing Manager pour un acteur majeur du Tourisme, évoque leurs dernières trouvailles. « On a créé un filtre qui suggère aux gens leur prochaine destination de voyage. Cela transporte, fait rêver, et surtout, construit la notoriété spontanée de notre marque. Et puis, en partenariat avec des influenceurs voyage, on fait régulièrement des jeux-concours. Objectifs ? Être présent et référent, acquérir une communauté qu’on ne cible pas à l’heure actuelle. ».

 

D’autres marques sont inventives dans leurs stratégies gamifiées, en exploitant l’ensemble des mécanismes du gaming. Mounir Bekkouche (Balrog Paris) les cite en reprenant la liste constituée par Tom Chatffield dans son TEDx** « 7 ways games reward the brain » : « mesurer son progrès ; avoir des objectifs à court, moyen et long terme ; la récompense ; le feedback immédiat et constant ? ; l’incertitude de la réussite ; le focus dans l’expérience ; être avec les autres. ». Nike, explique Mounir Bekkouche, coche toutes les cases avec son Training Club : une application d’exercices physiques à réaliser chez soi. « On peut mesurer ses progrès, il y a de la gratification immédiate avec un système d’obtention de badges, du relationnel parce que l’on peut voir où en sont les contacts, et grâce aux réductions obtenues c’est une super passerelle pour les produits ». Autre exemple de gamification réussie : le « binge shopping » d’Amazon***. « Pour le lancement de la deuxième saison de Jack Ryan, si on retrouvait un produit vu dans le show sur le site que l’on twittait la capture d’écran correspondante, Amazon nous offrait un bon d’achat équivalent au prix du produit. C’est parfait : il y a de l’engagement du joueur chez le consommateur, qui n’est pas passif mais actif. Il y a la communauté, parce qu’on joue entre fans. ».

 

En tant qu’entreprise, comment juger de la réussite d’une stratégie gamifiée ? « Les indices de réussite traditionnels ne seront peut-être pas opérants, affirme Mounir Bekkouche (Balrog Paris). Il faut regarder ceux qui sont propres au jeu-vidéo, comme le temps passé sur le jeu. ». Thomas Poulet (Influenceur) appuie : « La gamification, c’est instaurer de la confiance sur le long-terme, pas faire des clics. ».

« La communauté des joueurs est engagée, disponible, mais exigeante voire toxique si la proposition de la marque ne sonne pas vrai » – Mounir Bekkouche (Balrog Paris)

Loick Tanguy, Chief Marketing Officer pour la solution de newsroom ePressPack, évoque la possibilité de mobiliser la communauté des joueurs pour une bonne cause. WWF l’a fait avec Fortnite en adaptant les règles de la battle royal afin que les joueurs n’utilisent pas de ressources naturelles. Mounir Bekkouche (Balrog Paris) approuve : « L’audience forte des joueurs est engagée, disponible, et sensible aux valeurs positives qui peuvent être utilisées par les marques. Mais elle est aussi exigeante, voire toxique si la proposition de la marque ne sonne pas vraie, et peut facilement mettre en place des campagnes de bashing. ». François Le Tanneur (apps’miles®) confirme : « Si vous proposez un reward au consommateur ou un don en son nom à une association, les gens préfèrent le reward. Et ça peut se retourner contre la marque, à qui on dit « ce n’est pas à nous de donner, mais à vous ! » ».

 

Justement : l’une des meilleures récompenses dans les stratégies de gamification, ce sont celles du  « what money can’t buy ». Thomas Poulet (Influenceur) abonde, et ajoute que la récompense doit être quelque chose que seule la marque peut proposer : Simon Duhil, fondateur de l’agence AKWO, plussoie et indique « L’intérêt que nous avons eu autour de l’opération #lemeilleurjob d’été by #Etam était justement d’avoir transformé ce qui aurait pu être un concours pour gagner un voyage à Hawaï en véritable offre de CDD de testeuse de maillots de bain ». Il ajoute également « Il est essentiel de ne pas sur-gamifier nos dispositifs/interfaces et abuser de nos biais cognitifs… ».

 

Pour conclure, et ainsi que le souligne Astrid Dunaud, la gamification devrait être plus utilisée dans la formation professionnelle. François Le Tanneur (apps’miles®) en convient, le bénéfice de cohésion engendré par le jeu est énorme, et un formidable team-builder. Thomas Poulet, lui, évoque des entretiens d’embauche gamifiés, dans lesquels le candidat a plusieurs fois le choix entre deux actions (serrer la main ou s’asseoir, etc.), et, en fonction de la réponse apportée, est mené d’une manière ou d’une autre. Voilà jusqu’où la gamification peut faire partie de l’ADN d’une entreprise.

 

Sources :

*https://www.bfmtv.com/tech/fortnite-a-engendre-16-milliard-d-euros-en-2019-plus-que-n-importe-quel-autre-jeu-video-1836132.html

** https://www.ted.com/talks/tom_chatfield_7_ways_games_reward_the_brain

***https://lareclame.fr/herezie-amazon-prime-video-bingeshopping-226070