Commission Social Data – Trop de KPIs dans les tableaux de bord, comment simplifier ?

Ce que l’on retient des échanges : 

  • Définir en amont des KPIs en fonction des objectifs;
  • Mettre la voix du client au centre de ces KPIs ;
  • Accorder les KPIs d’une part à la culture de l’entreprise et d’autre part aux interlocuteurs qui vont les agréger ou à ceux qui vont les lire. 

« C’est le syndrome du copilote », commence Clément Brygier, cofondateur & CEO chez Digital Insighters. « Vous avez un dashboard plein de KPIs (Key Performance Indicator) constamment sous les yeux. Vous pensez que parce que vous mesurez, vous contrôlez, mais c’est illusoire. Par exemple, un KPI n’oriente pas s’il a été présenté à la mauvaise personne. » La discussion du jour, animée par Clément Brygier et Charlotte Clémens (Managing Director France chez Talkwalker), prolonge celle qui eut lieu en novembre dernier autour de l’articulation des KPIs social data dans les organisations*. 

« Il faut choisir les KPIs qui correspondent aux objectifs pour pouvoir mesurer leur réussite », Caroline Cassino (Chananas). 

Bien souvent, les tableaux de bord ne sont pas les mêmes entre les différentes marques d’un groupe, ou même, dans les différentes branches d’une organisation. Comment, alors, parler un langage commun ? Caroline Cassino, consultante Senior marketing et communications, évoque le travail de simplification et d’uniformisation des tableaux de bord qu’elle a mené chez Puig. Le groupe possède différentes marques dans le secteur du luxe, de la mode et de la parfumerie. « Avant, il était impossible de comparer la performance entre deux de nos marques : chaque personne du marketing digital avait son propre dashboard. Nous sommes repartis de zéro, en choisissant un à un les KPIs à travers un processus bien réglé pour que ceux-ci s’accordent aux objectifs fixés. Il faut choisir les KPIs qui mesurent des actions, qui sont la résultante d’objectifs, afin de mesurer leur réussite, et seulement ceux-ci. Il fallait absolument redonner du sens aux chiffres. »

La visée principale de cette simplification radicale, c’est la lisibilité des KPIs par toutes les composantes du groupe. Caroline Cassino reprend : « Avant la construction du framework commun, il y avait une grande frustration chez les équipes opérationnelles à qui ont fixait des objectifs mesurables, mais qui ensuite étaient jugés sur d’autres KPIs que ceux correspondant aux objectifs fixés. Personne ne parlait le même langage. Il y avait une nécessité d’accompagner l’ensemble de l’organisation dans la compréhension de ce qu’il fallait mesurer, et de ce que cela impliquait. Et c’est le travail qui a été mené dans ce framework, permettant d’avoir un langage commun, et une approche du suivi de la performance. Une partie importante du travail réside pourtant toujours dans l’accompagnement de la compréhension du framework vis-à-vis de la direction, ou, d’ailleurs, de n’importe quelle branche du groupe. »

« La souplesse du dashboard de KPIs est primordiale. », Bruce Hoang (Orange France).

Cela ne veut pas dire que le framework est immuable dans le temps. « Il doit être agile », explique Caroline Cassino, « et s’adapter d’abord à ce qu’on veut mesurer, mais aussi à des périodes particulières comme celle que nous vivons. Une fois que le framework est construit, il faut savoir le faire évoluer. » « De plus, martèle-t-elle, l’enjeu c’est que chacun utilise les mêmes outils technologiques pour que la donnée soit ISO. Mais pas au détriment de ses intérêts particuliers. » Il a donc fallu construire un tableau de bord au niveau macro et micro, des versions pour les équipes opérationnelles (social media managers, e-commerce managers, e-retailer managers etc…). « Et le tableau de bord macro est très politique. Pour choisir ce qu’on y met, la solution a été, encore une fois, de passer par les objectifs, et de rationaliser les KPIs pour en avoir que l’essentiel. Enfin, pour ne pas mélanger des pommes et des carottes, nous avons mis en place un système de pondération des unités fournies par les plateformes, en points : un engagement sur Facebook vaut tant, un engagement sur Snapchat vaut tant… Nous avions donc des scores de performance. »

Bruce Hoang, Digital Communications Channels & Data Director chez Orange France, renchérit : « La souplesse du dashboard de KPIs est primordiale. Pendant la crise sanitaire, nous avons envoyé des contenus différents sur internet et donc choisi un KPI pour évaluer la réussite de cette stratégie. Elle constituait en la multiplication de posts d’accompagnement des usagers et ceux-ci ont suscité énormément d’engagement – positif ou négatif. » Se posait alors cette question : est-ce que cet engagement fort, tout compte fait, sert la marque ? 

Car le taux d’engagement est un KPI qui fait débat. Pour Caroline Cassino, « Le taux d’engagement, par exemple, ne nous permettait pas d’arriver à des conclusions. Ce n’est d’ailleurs pas un KPI que nous avions retenu pour le framework présenté à la direction : il était mal compris et ne reflétait pas la mesure d’un objectif fixé. » Audrey Fleury, cofondatrice de Digital Insighters, s’interroge d’ailleurs : « Ne serait-il pas plus pertinent de mesurer les réactions (par exemple les commentaires) qui demandent un engagement plus important qu’un simple like ? »

Finalement, pour déterminer si le fort engagement sur ses posts d’accompagnement servait la marque, Orange France a sélectionné un seul KPI, explique Bruce Hoang. Il s’agit du NPS (Net Promoter Score) qui constitue en la soustraction entre le pourcentage de personnes qui promeuvent la marque et le pourcentage de ses détracteurs. Ce KPI indique la trace que la marque laisse en ligne. Bruce Hoang raconte : « Nous l’avons suivi quotidiennement, sur les réseaux sociaux mais aussi dans la presse, et nous avons aussi suivi ceux de nos concurrents. Nous avions une idée très claire de notre positionnement.»

« Il faut présenter les KPIs de la manière adéquate », Thomas Rudelle (Carrefour). 

Pour Thomas Rudelle, Social Media & Digital Care Director chez Carrefour, la difficulté de travailler avec les KPIs réside pour partie dans ces critères mouvants, « mais aussi dans la compréhension de la culture de l’entreprise. » Lui-même l’a expérimenté en passant de chez Axa, où la satisfaction était le principal critère suivi, à Carrefour, ou l’impact rapide sur les ventes en magasin est fondamental. « Pour construire un tableau de bord de KPIs qui intéresse le top management, il faut que ces KPIs apportent un éclairage sur ce qui est au centre de la culture de l’entreprise. » Et, ajoute-il, « que ceux-ci soient présentés de la manière adéquate. »

Précisément : comment faire pour intéresser aux KPIs ? Caroline Cassino cite une marque inspiration en la matière, Glossier. Bruce Hoang, lui, évoque le management visuel chez Orange France. « L’idée est simple : capter l’attention des employés pour leur rappeler que le client (ou autre, selon la culture de l’entreprise) est là. En pratique, ce sont des “social wall” dans les allées des bureaux, des écrans présentant deux ou trois informations maximums (verbatim de clients, courbe des ventes, KPI). » Orange France a choisi d’en décentraliser la gestion. Chaque service personnalise son social wall en fonction des flux de données qui sont envoyés, et se réapproprie ainsi les KPIs. En somme, se recompose un tableau de bord de KPIs enrichi par le travail collectif de simplification. 

Sources:

* https://socialmediaclub.fr/2019/11/27/social-data-les-nouveaux-kpis-de-lengagement/