#CercleDircom #14 – Influence : pour vivre heureux, vivons cachés.

Ce que l’on retient des échanges :

  • La prise de parole des dircoms se partage entre une influence publique, de représentation, et une influence plus “souterraine”, dans le cadre des relations publiques notamment
  • Le but n’est pas de prendre part à tous les débats publics, mais de maintenir une cohérence selon sa ligne éditoriale et adapter son influence en fonction de l’objectif visé
  • Décentraliser l’influence afin que les collaborateurs deviennent des ambassadeurs de l’entreprise sur les réseaux sociaux où le personal branding devient une compétence à réactiver tout au long de sa carrière

 

« Pour vivre heureux, vivons cachés », conclut la fable de Jean-Pierre Claris de Florian, dans laquelle un grillon envie la visibilité et les couleurs chatoyantes d’un papillon, avant que celui-ci ne se fasse dépecer par une bande d’enfants. L’influence, rappelle Eliott Siegler, CEO d’AmazingContent, et co-animateur de ce #CercleDircom, rend visible et expose donc à une certaine vulnérabilité : « s’exposer, c’est s’exposer à plus de risques. » Mais la morale de cette fable est-elle encore valable aujourd’hui dans la communication d’entreprise ?

 

Une influence publique ou souterraine ?

Pour Vincent Bocart, directeur de communication de Sanofi France, cette morale a clairement évolué ces dernières années : « à partir du moment où nous avons cette responsabilité de contribuer à représenter l’entreprise, nous ne pouvons plus rester cachés. » La mission des directeurs de communication, même s’ils doivent savoir se mettre en retrait, est d’assurer la mise en scène du récit de l’entreprise », comme un modèle « d’exemplarité ». Une vision qu’approuve Anne-Sophie Sibout, directrice de la communication de PwC : « nous avons un rôle d’émulation positive à créer, tout en encourageant la réciprocité de l’influence, c’est-à-dire de se nourrir de l’influence des autres. » Gaelle Bouvier, Directrice de la Communication Le Parisien – Les Echos Evénements, opte aussi pour une influence publique : « La sincérité et l’authenticité sont des valeurs importantes pour avoir un discours audible aujourd’hui. L’influence s’opère aussi sur nos cercles les plus proches, il ne faut pas négliger la nano influence de chacun de nos consommateurs, chacune de nos parties prenantes. Nous sommes humains, et devons être en phase avec les valeurs de l’entreprise que nous représentons pour pouvoir le faire avec sens. »

 

Nicolas Boudot, directeur de la communication et des relations extérieures du groupe Casino, estime au contraire que le métier de dircom doit privilégier une influence discrète : « c’est un métier de l’ombre. Le poids naturel de l’entreprise fait que le discours d’un directeur de la communication est  normé et retire une certaine forme de  liberté concernant nos prises de position dans le débat public. Quand on s’exprime, l’avis personnel n’existe pas. Il est toujours lu au prisme de l’entreprise que l’on représente » Ainsi, certains territoires d’expression privée sont à protéger.

 

Cette dichotomie peut néanmoins être nuancée. L’influence publique est essentielle pour Pénélope de Fouquieres, directrice de la communication d’ELSAN, mais il y a également une « partie que nous pouvons qualifier de souterraine ou interpersonnelle avec des élus, des représentants hauts placés, des institutionnels ». Il faut trouver un équilibre entre une exposition à titre personnel et une exposition publique, selon Anne-Sophie Sibout (PwC) : « Trop s’exprimer, c’est aussi perdre de la portée, il faut raisonner en termes d’impact. »

 

Incarner l’influence et maîtriser son risque

Les réseaux sociaux sont des canaux de communication incontournables, souligne Véronique Obrecht, directrice de la communication d’Arkema. Ils se posent comme vecteurs de communication qui “aident à mettre en avant les bénéfices de l’entreprise, à faire de la pédagogie”. Mais il ont aussi le pouvoir de complexifier le travail de communication à cause d’une expression permanente,  proliférante et essentiellement émotionnelle, et c’est ici que s’insère la notion de risque dans l’influence. Pour y répondre, Nicolas Boudot (Casino) suggère de répondre à l’émotion par l’émotion sur les réseaux, tout en adaptant le ton en fonction de l’interlocuteur.

 

Pour maîtriser ce risque, “il est aussi nécessaire de s’armer d’une ligne éditoriale claire et cohérente, que ce soit à titre personnel ou professionnel”, selon Vincent Bocart (Sanofi). Dans une société où le débat est permanent, il est important de faire des choix, sur la nature du débat dans lequel l’entreprise veut intervenir et la voix qui se fera porte-parole. Il est inévitable de subir l’influence des autres, et “la stratégie d’influence ne doit pas être uniquement défensive ou cachée.” Mais dès lors que les entreprises sont de plus en plus amenées à s’ouvrir au grand public, il y a “une exigence de transparence, pour Camille Raymond, Head of Communications Monitoring and Impact Evaluation de l’OCDE.

 

Au-delà de supports des prises de parole, les réseaux sociaux sont évidemment largement utilisés par les Dircoms pour faire de la veille et capter l’opinion de leurs audiences. Dans quel cadre permettent-ils de passer de l’écoute à l’action dans la prise de parole, interroge Elliot Siegler?

Cela passe par la formation, répondent les Dircoms présents. Pour Adeline Desdoit, directrice de la communication de Prisma Media Solutions, “il faut parvenir à former ses employés à la nature du message à relayer, s’appuyer sur l’empowerment des salariés , et prévoir des stratégies de contrôle du risque”. Pour inciter à la prise de parole, la direction de la communication de Casino envoie régulièrement à ses collaborateurs des informations “positives” sous un format prêt à être partagé sur les réseaux sociaux. Ces derniers restent libres de les faire circuler en leur nom: “le but est d’essayer d’avoir un maximum d’ambassadeurs avec une transparence interne sur les messages positifs que l’on peut porter à l’extérieur. La capacité d’influence peut passer par une démultiplication des messages portés dans le débat public.”

 

Décentraliser l’influence 

La démultiplication des messages passe aujourd’hui par ce phénomène de décentralisation de l’influence. Tous les collaborateurs sont sollicités: “Il s’agit de faire communiquer ses équipes, mais aussi de les accompagner lorsqu’il s’agit de répondre aux interlocuteurs”, témoigne Paul Choppin, Head of communication de Groupon. Pour Gaëlle Bouvier (Les Echos-Le Parisien), l’advocacy s’appuie sur le personal branding, qui sert à la fois l’intérêt de l’entreprise et celle des collaborateurs: “Il faut inciter les collaborateurs qui se sentent à l’aise avec les réseaux sociaux à exister sur ces canaux, à partager, et devenir un relai des messages de l’entreprise par leur discours personnel.”

 

Pour Anne-Sophie Sibout (PwC), trois composantes sont essentielles pour une influence juste et efficace: la cohérence, le sens, c’est-à-dire l’objectif que l’on vise, et l’émotion. Elle rappelle enfin que l’influence ne doit ni être artificielle, ni exercée par contrainte. L’envie d’incarner ce rôle est primordiale. De plus, il faut dépasser l’influence quantitative, le relationnel étant au cœur de l’influence: “il est important de créer les rencontres et des échanges réels.” Une vision corroborée par Vincent Bocart (Sanofi) et Véronique Obrecht (Arkema) qui rappellent que l’influence peut devenir une compétence et un outil sur le long terme, à réactiver tout au long de sa carrière de communicant.

 

A terrain découvert, ou au contraire protégé, l’influence ne doit pas cesser d’être envisagée comme un moyen et non une fin par le dircom, plus caméléon adaptable que papillon virevoltant.