Commission social data : du contenu et du marketing pour les humains ou pour les algorithmes ?

 

Ce que l’on retient des échanges:

  • Les contenus poussés doivent être en accord avec l’identité de marque mais aussi les usages et les codes de chaque plateforme
  • Pour garantir leur efficacité, le message et le contenu doivent pousser l’algorithme à les distribuer vers la “bonne” cible.
  • Les KPI – watchtime, attribution, engagement…- doivent être adaptés en fonction du support et de l’objectif.

 

A la base des moteurs de recommandations, du filtrage d’information et de l’optimisation des campagnes, les algorithmes sont aujourd’hui au cœur des stratégies marketing digitales des entreprises. Doit-on configurer sa communication en répondant à ces algorithmes et leurs évolutions, ou à sa communauté cible? Comment fonctionnent-ils? Peut-on parler de dualité entre humain et algorithme?

 

Évolution du fonctionnement algorithmique des plateformes

À ses débuts, le social media reposait sur une logique d’interaction entre les individus où chacun apportait de la valeur ajoutée. La première approche des marques sur les plateformes était à la fois vécue comme une opportunité et une contrainte, en obéissant à une logique volumétrique de course à l’audience. Puis, «lorsque les plateformes sont devenues des médias à part entière, il a été nécessaire de produire un contenu qualitatif et percutant», explique Sandrine Andro, Directrice du planning stratégique & du département médias sociaux du Groupe Makheia.

Une marque présente sur les plateformes doit respecter un «objectif d’engagement humain proactif», poursuit-elle. Si le fonctionnement de l’algorithme est subi, il est peut-être plus judicieux de communiquer ailleurs. « Je suis favorable à la publication d’un contenu percutant sur les plateformes, mais également au fait que celui-ci puisse évoluer sur des espaces propriétaires. Les outils que sont les réseaux sociaux aident à rendre visibles ces espaces et à générer du trafic.»

Cependant, il devient beaucoup plus difficile d’obtenir de l’engagement en social media. «Les marques touchaient 10 à 15 % de leur base de fans, contre 1 % en organique aujourd’hui», souligne Benoit Darre, Expert Social Media chez Axa Group Opérations. Cela s’explique par la volonté des plateformes de remettre les utilisateurs et les médias au centre de leur stratégie.

 

Monter un plan marketing Social Media efficace avec l’algorithme

 

«Il faut dépasser la dichotomie humain/algorithme, car ce n’est pas soit l’un soit l’autre», Salomé Berlemont-Gilles (Jacques Jean)

 

Salomé Berlemont-Gilles, Fondatrice de l’agence Jacques Jean, souligne l’imprévisibilité des algorithmes. Il est bien sûr nécessaire de veiller sur des sujets tels que la distribution des contenus et l’évolution du fonctionnement des algorithmes, bien qu’il faille «dépasser la dichotomie humain/algorithme, car ce n’est pas soit l’un soit l’autre».  Face à l’incertitude de leur évolution, «l’important, c’est le processus mis en place pour mettre le consommateur au centre des préoccupations. Comment parler à son client, qui est-il?»

Pour Benoit Darre (Axa Group Operations), «si le contenu est clé, la stratégie de son déploiement et de son exposition l’est encore plus. Nous n’avons pas la main sur l’algorithme, mais nous avons la main sur le budget média.»

 

Algorithmes, contenus et SEO 

 

«Aujourd’hui, quel que soit le KPI fixé, c’est le sujet que l’on aborde et la manière de le faire qui crée une résonance chez les personnes intéressées», Franck Isabel (ManoMano)

 

Franck Isabel, Content Strategist & Content producer chez ManoMano, rappelle que, en ce qui concerne le push (paid media) les algorithmes à la performance sont basés sur le deep learning. Dans ce cadre, le ciblage et la segmentation ne sont pas toujours les stratégies les plus efficaces pour atteindre les meilleures performances sur le KPI souhaité (vues, trafic…). Dès lors, la méthode traditionnelle qui consiste à forcer le message sur une cible donnée, donne de médiocre performance. Inversement si l’on ne cible pas, on est jamais certain que le contenu atteigne la cible souhaitée. Dans ce contexte, pour maximiser l’efficacité du deep learning et toucher la bonne cible, il faut donc absolument que le message et le contenu lui-même poussent l’algo vers la bonne cible et l’engage. Plus que jamais la pertinence du contenu et son adéquation avec la cible devient la clé de la performance. «Aujourd’hui, quel que soit le KPI fixé, c’est le sujet que l’on aborde, la manière de le présenter, ainsi que l’insertion de CTA explicitent, qui doit créer une résonance chez les personnes intéressées. Par ailleurs, il faudra, pour un message/cible donné, maximiser le ROI en adaptant un même contenu de base aux  plus de canaux possibles», poursuit Franck Isabel (ManoMano).

 

En ce qui concerne le pull (notamment organic Google), on ne travaille pas pour Google, c’est Google qui travaille pour nous. A la fin, Google ne nous transmet que des datas sur les interrogations de nos utilisateurs. Google n’invente pas les questions qu’on lui pose. On ne travaille pas pour ses algorithmes, on travaille pour ses utilisateurs.», précise Franck Isabel (ManoMano). Ces Insights nous guident editorialement pour construire du contenu pertinent. qui réponde réellement à un besoin utilisateur. Un contenu de qualité, sur le long terme sera nécessairement mis en valeur dans les résultats de recherche, pour autant que ce contenu reste soutenu par une nomenclature parfaite et une infrastructure technique qui rend la lecture et la découverte adaptés aux contraintes des robots de Google.

 

Qu’est-ce qu’une campagne réussie? 

 

«Le contenu et les algorithmes sont importants, mais le pilier d’une campagne réussie est avant tout l’humain et sa compréhension.», Sandrine Andro (Groupe Makheia)

 

D’un point de vue organique, selon Sandrine Andro (Groupe Makheia), «si les marques écoutent, observent et analysent le comportement des publics, notamment à travers la sémantique, alors elles seront plus proches, capteront les tendances et les besoins de leur cible.» Les marques ont tout intérêt à s’approprier la stratégie des plateformes. «Le contenu et les algorithmes sont importants, mais le pilier d’une campagne réussie est avant tout l’humain et sa compréhension.»

Franck Isabel (ManoMano) nuance cette réflexion: «je trouve que l’expression d’une intention fonctionne sur Google, mais cela est moins le cas sur YouTube, sur Facebook et encore moins sur TikTok du fait des algorithmes de recommandation qui tendent à pousser automatiquement le contenu aux utilisateurs, sans que ceux-ci expriment une intention.» 

Selon Benoit Darre (Axa Group Operations), il reste tout de même difficile de faire uniquement de l’organique en social media, sauf éventuellement sur Twitter et LinkedIn.

Sandrine Andro (Groupe Makheia) précise que cela va surtout dépendre du secteur d’activité de l’entreprise. «Il existe aussi de nombreuses plateformes niches, pouvant correspondre à l’ADN de certaines marques. Elles auront donc tout intérêt à s’y lancer!»

 

«Une ligne éditoriale en accord avec son identité de marque et un contenu qui respecte les usages et les codes d’une plateforme est la clé d’une communication efficace», Benoit Darre (Axa Group Opérations)

 

Un contenu de marque créatif, adapté à son identité de marque et personnalisé selon les codes de chaque plateforme est la clé pour performer en organique. Il ne faut pas oublier que «chaque réseau a sa propre audience, ses propres spécificités. On aura beau dépenser des millions, l’engagement sera nul si l’on communique de la même façon partout, même en paid. Une ligne éditoriale en accord avec son identité de marque et un contenu qui respecte les usages et les codes d’une plateforme est la clé d’une communication efficace», confirme Benoit Darre (Axa Group Operations).

 

KPIs et outils de mesure de la performance.

Pour les sites à vocation commerciale, l’indicateur le plus souvent utilisé pour calculer le ROI est encore l’attribution last-clic, alors que le KPI media est souvent celui du «temps passé absolu» sur un contenu. Mais comme le soulève Franck Isabel (ManoMano), «il faut se demander s’il s’agit des meilleurs indicateurs, que ce soit pour un site e-commerce ou pour un contenu pédagogique.» Son KPI favori est le watchtime relatif (80% de visionnage de la vidéo, ou pourcentage de scroll sur une page par exemple). «Le problème, c’est que le watchtime relatif n’est pas un KPI business. Trouver le lien entre l’acte d’achat et le temps passé relatif est compliqué.». Bruce Hoang, Director digital communication channels & data chez Orange France, précise:  «Néanmoins, produire des contenus plus stratégiques et personnalisés sur les réseaux sociaux montre que le watchtime a une forte corrélation sur les ventes.» Un outil pour le mesurer: Moat.

 

En définitive, l’homme et l’algorithme sont indissociables. L’analyse fine des besoins de ses consommateurs associée à la production d’un contenu personnalisé et impactant favorise le succès d’une campagne. Pour Sandrine Andro (Groupe Makheia), les marques doivent faire preuve d’audace, en s’appuyant notamment sur leurs communautés. Elle donne l’exemple de Lush qui a quitté les réseaux sociaux en 2019. Un an après, ils ont davantage d’engagement via leur hashtag. «Nous avons tout intérêt à nous dédouaner des algorithmes. Aujourd’hui, les marques manquent peut-être de courage sur ces mécaniques-là. Soyons créatifs!»

 

Sources:

https://www.socialmediatoday.com/news/insights-from-22-million-business-posts-on-social-media-in-2020-infographi/594648/

https://moat.com/

 

Compte rendu rédigé par Maeva Dussault.