SMC #Focus – Quel cadre pour l’influence en 2022?

Face à un contexte de défiance grandissant à l’égard de la publicité traditionnelle, le marketing d’influence est apparu, depuis plusieurs années, comme un levier puissant pour promouvoir ses produits ou services et booster sa e-réputation auprès d’une audience ciblée. Du micro-influenceur aux grandes collaborations, l’influence d’aujourd’hui prend de multiples visages: qu’en attendre? Quelles sont exactement les dérives actuelles et comment s’en prémunir au mieux? Qu’est-ce qui fonctionne aujourd’hui et quelles leçons tirer des récentes expériences de participants? Enfin, quelles sont les tendances qui annoncent ce que sera l’influence en 2022?

L’influence est omniprésente dans les stratégies de communication d’aujourd’hui. Chez iGraal, une plateforme de cashback, il s’agit de toucher une base de plusieurs millions d’utilisateurs actifs dans tous les secteurs, du voyage à la beauté, et donc de collaborer avec des influenceurs traitant d’une très grande variété de sujets. Cette approche remonte à plus d’une décennie, d’abord avec les blogs puis en accompagnant l’émergence et la croissance des différents réseaux sociaux. iGraal utilise aujourd’hui en majorité Youtube, Instagram pour sa partie Stories, et TikTok dans une moindre mesure. Chez Bel, les marques ont un capital sympathie très fort, une aura très positive, de la centenaire Vache qui Rit à la toute nouvelle marque végétale Nurishh, ce qui facilite les stratégies d’influence. Pour Allianz, qui aborde beaucoup de questions de RSE et sociétales, et peut par ailleurs avoir une image de marque un peu sérieuse, l’influence est une vraie opportunité d’incarnation et de proximité avec le public. La communication et les conseils financiers sont strictement encadrés, les campagnes d’influence d’Allianz ne parlent donc quasiment jamais de produits mais sont plutôt axées autour de sujets de société. 

Les profils d’influenceurs sont très variés, les geeks qui sensibilisent sur la cybersécurité et la cyberprotection, les sportifs, et les intervenants sur les sujets de responsabilité sociétale et prévention (sécurité routière, environnement, santé…). Chez iGraal, les profils reflètent la diversité des utilisateurs et des secteurs couverts, hommes et femmes, majeurs, en France ou en Belgique, du micro influenceur à la star de Youtube, iGraal travaille toutes les tailles de communautés. Le cœur de cible d’iGraal a entre 25 et 34 ans. Au départ iGraal travaillait essentiellement l’influence en direct, puis à mesure qu’elle se développait en a fait un canal d’acquisition à part entière, en passant pour les plus importants par des agences, et encore assez peu par des plateformes d’influenceurs. 

Malaïka Coco chez Bel dit aussi travailler avec tout type de profils d’influenceurs, des parents aux jeunes adultes, avec des stratégies spécifiques de création de communauté et d’activation pour chaque sujet. Par exemple, pour son centenaire, La Vache qui Rit a créé un partenariat avec Le Rire Médecin, qui partage l’ADN du rire et permet une activation solidaire et incarnée, permettant de toucher des cibles plus jeunes et plus connectées, avec des contenus sur différents types de plateformes. La campagne a généré plus d’un milliard de vues sur TikTok et collecté une somme importante grâce à un filtre, utilisé sur TikTok et Instagram, dans un bel exemple d’influence utile et solidaire. L’angle de la dernière campagne Boursin était lui beaucoup plus centré sur la créativité, l’inspiration en cuisine, avec des Chefs comme Pierre Sang Boyer et Amandine Chaignot. 

L’authenticité semble de plus en plus difficile à atteindre face à la lassitude des consommateurs devant des posts trop commerciaux, et ce critère est donc plus essentiel que jamais. Chez Bel, on y prête une attention encore plus forte pour les marques touchant les enfants comme Kiri, qui nécessitent encore plus de réassurance. Malaïka dit travailler sur le long-terme avec des parents qui sont eux-mêmes adeptes du produit, en faisant appel à eux régulièrement, sur plusieurs temps forts spécifiques. Pour le choix d’influenceurs, Bel se concentre sur l’engagement, l’authenticité et l’adhésion aux valeurs de la marque. La vision stratégique du Groupe est de créer des communautés d’ambassadeurs mobilisables et garantissant un certain niveau d’impact. Lorsque les marques passent par des agences d’influenceurs, les critères de taille de communauté et de thèmes sont très clairement précisés, en donnant la priorité absolue au “brand fit”, à l’adéquation entre le thème de la campagne, les valeurs de la marque et le positionnement de l’influenceur. L’équipe de Bel essaie de rester très à l’écoute des consommateurs, en évitant les contenus qui donnent l’impression d’être faits “à la chaîne” et qui envoient une image trop commerciale. La sélection est donc très pointue. 

Pour iGraal l’authenticité est également clé et les relais des campagnes doivent impérativement avoir testé le service en amont. Chez Allianz, les influenceurs ne sont pas directement inspirés des produits, ils portent plutôt des messages RSE, dans une optique de long-terme, avec une approche orientée « intérêt général », prise de conscience sociétale. Lorsqu’un.e influenceur.se lifestyle est choisi.e, le message peut être éloigné de son univers et de celui de sa communauté, mais en laissant une certaine latitude éditoriale, on obtient quelque chose d’à la fois authentique et efficace, comme Natoo sur la cybersécurité, qui sait par sa propre expérience ce que cela signifie d’être « trollée ». Une autre campagne de prévention visait à accompagner le développement de trottinettes électriques, en proposant de venir retirer des casques en agence ; elle a aussi connu un succès immédiat. Pour Allianz, l’idéal est d’inscrire les relations avec des influenceurs dans la durée, lorsque c’est un “one shot”, c’est quelque part le signe que cela n’a pas si bien fonctionné. 

Les travers rencontrés chez Allianz sont peu fréquents et concernent plutôt le manque de professionnalisation de quelques influenceurs très jeunes et peu habitués aux contraintes qu’impliquent la collaboration avec un grand groupe, du planning à la ligne éditoriale.

Chez iGraal, il arrive que les contenus ne soient pas clairs ou même qu’ils créent de la confusion, ou que les messages ne respectent pas certaines valeurs essentielles de l’entreprise. Les “dos & don’ts” ne sont pas forcément suffisants. Tous les contenus sont validés avant leur mise en ligne, et il est nécessaire que le secteur établisse clairement que c’est l’annonceur qui fixe les règles de base et le fond du message et se réserve le droit de faire des coupes dans le contenu. C’est la marque qui a le “final cut”, ce qui n’empêche pas qu’un label d’influenceur responsable serait le bienvenu. 

Chez Allianz, pour pouvoir parler abondamment des JO 2024 et des jeunes sportifs accompagnant l’engagement de la marque dans le domaine du sport sans pour autant inonder les réseaux d’Allianz de contenus sur le thème du sport, des comptes séparés ont été créés, ce qui nécessite une vraie politique d’acquisition, assez longue à opérer, mais finalement satisfaisante.

La transparence est parfois en contradiction avec l’authenticité que réclament les consommateurs, mais toutes les intervenantes y prêtent une grande attention. Natalia Roblès de GRDF est intervenue pour partager son expérience autour de la campagne sur le gaz vert, un sujet assez technique que les influenceurs ne connaissaient a priori que très peu. Pour cette campagne, GRDF avait utilisé une agence d’influenceurs, et a demandé, alors que le nageur Camille Lacourt avait accepté de remplacer une influenceuse au pied levé, à briefer en direct les participants à la campagne lors d’une visio-conférence, pour être certains qu’ils aient bien compris les éléments de langage. Sur les sujets complexes, ce lien direct est vraiment très bénéfique. 

Chez Bel aussi, on perçoit clairement la valeur de ces liens directs, comme lors de l’opération Babybel / Marvel à Eurodisney, une journée très positive pour tous et qui a généré beaucoup plus de earned media qu’initialement prévu. 

Les tendances pour 2022 continueront à tourner autour de la question de l’authenticité : pour éviter l’écueil de la lassitude face à des contenus trop commerciaux, une des voies est de travailler avec des influenceurs aux communautés beaucoup plus petites mais très engagées, avec un fort pouvoir de recommandation et donc des performances plus élevées. Cela nécessite un travail d’orfèvre, l’outil idéal n’existe pas encore. Pour Ana d’iGraal, une autre parade à cette lassitude est de se démarquer encore plus sur la créativité et la qualité des contenus. Il y aura sans doute aussi un mouvement de standardisation de la mesure, dont le secteur a toujours vraiment besoin, tout comme plus d’encadrement de la responsabilité, à tous les niveaux de la campagne. Anne-Doha partage cette vision, la responsabilité est un sujet qui reste à traiter, encore davantage dans une année d’élection présidentielle, pendant laquelle les sujets militants et les prises de positions tranchées peuvent être délicats à gérer, cela renforce la nécessité de bien cadrer le discours en amont. 

 

Compte rendu rédigé par Tiphaine Masurel