SMC #Focus – L’année du live shopping?

Le live shopping se développe à grande vitesse, porté par des taux de conversions et paniers d’achat démultipliés et des effets d’image et de construction de communauté très positifs. Entre plateformes spécialisées et développements des géants du web, les outils sont nombreux et le live shopping peut aller de la simple publication à de longues sessions vidéo. Pourquoi se mettre au live shopping? Quels effets peut-on en attendre? Quels moyens mettre en place? Pour quelles marques est-il particulièrement indiqué? Est-ce un effet de mode, ou un élément-clé du futur du retail?

Le Live Shopping est un mélange entre le Live Streaming vidéo et l’e-commerce. Étant diffusé en ligne, il permet une interactivité instantanée et la collecte de données. Comment une marque désireuse de se lancer doit-elle aborder le sujet?

Comment procéder, quelles sont les plateformes et outils à utiliser? Chez Monoprix Online, qui regroupe le e-commerce de Monoprix.fr ainsi que de Sarenza et Naturalia, plusieurs outils ont été testés. Pour Sarenza, une marque pour laquelle le côté communautaire et conversationnel est essentiel, c’est Outrank, comprenant un outil de chat, qui a été choisi. Un 1er live a été organisé avec la marque Aasics pour la rentrée. Pour Monoprix, en juin dernier, l’outil Caast utilisé pour une vente avec la marque beauté Les secrets de Loly ne permettait que de diffuser en paysage, alors que l’audience était à 90% mobile. Pour les suivantes, la plateforme Spockee a permis d’utiliser un format portrait plus adapté. L’idée est de se stabiliser, et de choisir l’outil le plus adapté à l’événement, par exemple pour le Live Foire aux Vins l’audience était beaucoup plus desktop. Caast permet une modération facilitée sur desktop, Spockee sur mobile. Quidol, utilisé par Carrefour, a des fonctionnalités de quizzes intégrées en picture in picture intéressantes.

Le Printemps a commencé par utiliser Bambuser et tient à la possibilité de récupérer le contenu et l’intégrer à des fiches produits du site de e-commerce, ce que l’outil Livescale permet.

Chez Monnier Frères, du fait de l’implantation en Chine depuis 5 ans, s’investir dans le live shopping était naturel. Dès 2020 ils ont initiés leur stratégie Liveshopping réalisant depuis des milliers d’heures de lives . Il est étonnant qu’en Occident on en soit encore à discuter des outils, en Chine les plateformes sont totalement intégrées, il n’y a plus à se poser la question des fonctionnalités. Pour Diaa, la clé se trouve plutôt dans les animateurs des lives, appelés masters of ceremony ou MC, qui sont vraiment les nouveaux influenceurs, et dans le story telling. Quand il y a quelques mois, un live avec Lena Situations a généré 5000 vues en 1h plus de 20 000 réactions, cela paraissait peu en comparaison des performances chinoises, mais c’est en fait un score qui serait similaire à celui de Jennifer Lopez pour Amazon! En Europe, pour Diaa, Livescale est l’outil technologique le plus efficace. En Chine, le live shopping représente déjà entre 6 et 10% du e-commerce réalisant une croissance de 280% depuis 2017 pour atteindre 423B$ des ventes en 2022 (Mackinsey july 2021).Selon Alibaba le liveshopping à terme représenterait jusqu’à 80% du e-commerce.

Reworld Media a organisé ou été associé à des dizaines de live shoppings, et les outils varient également en fonction des objectifs. Ceux des constructeurs automobiles sont plutôt autour de la collecte de leads, tandis que pour les marques plus orientées ROI et performance, Livescale est effectivement une solution efficace, déjà interfacée avec certains CRM, capable de créer des sites e-commerce tampons… Reworld a une licence exclusive de Livescale en France dans le secteur des médias, utilise une solution développée en interne pour les clients qui préfèrent se concentrer sur la génération de leads et s’appuie parfois sur les outils développés par les plateformes comme Instagram pour les opérations plutôt orientées branding.

 

Une fois la plateforme choisie, le live shopping demande d’organiser une production vidéo. Reworld a ses propres sociétés de production, dotées d’équipes et de matériel. Une fois le flux de contenu créé, son intégration dans le live shopping est assez simple, plus que pour une diffusion TV.

Monoprix est en train d’intégrer un studio à son organisation, accompagné par Spoky, qui est là pour les aider à mettre en place une équipe autonome comme ils ont pu le faire avec IKKS, Décathlon… La qualité de la production est très importante pour deux raisons: d’abord parce que le taux de transformation des replays est également très bon, d’autre part pour pouvoir ré-utiliser les contenus, packshots et packs vidéos, sur les sites d’e-commerce dans les fiches produits. Le Printemps s’est fait accompagner au début pour la production de vidéos mais sont presque autonomes après seulement 4 éditions, il ne leur manque que du matériel.

Les vidéos de live shopping ne demandent pas forcément de gros moyens, il y a certes une qualité minimum à respecter, mais si l’on veut que cela soit rentable, il faut aussi savoir tirer parti de ces possibilités de production à moindre coût, les vidéos à la Tik Tok peuvent être à la fois celles qui fonctionnent le mieux et être tournées avec un smartphone dans une simple chambre.

Tous les participants témoignent que la mise en place du live shopping est très chronophage, demande beaucoup d’énergie et mobilise un grand nombre de collaborateurs en mettant en lumière des silos. Pour le dernier live Monoprix, 60 personnes ont été mobilisées. L’arrivée d’un live shopping manager et d’une équipe dédiée va faciliter le processus.

Quels sont les objectifs de la mise en place du live shopping? Pour Monoprix c’est un canal de conquête, même si l’on souhaite générer du communautaire, ce n’est pas encore souvent le cas, à part chez Sarenza. Les influenceurs sont encore un peu trop dans le style “télé-achat”, ce sont parfois des chefs de produit chez Monoprix qui présentent, le profil de ce qu’est un bon “MC” est en train de se construire. Chaque live est différent, Monoprix teste beaucoup de choses, en mettant parfois un budget sur un influenceur, parfois plus en média.

Pour Diaa, une opération avec la marque Coach a remporté un immense succès,y compris dans les jours qui ont suivi, la qualité et l’efficacité sont donc à mesurer sur une longue période. Ce qui fait un bon influenceur, c’est la qualité du contenu d’une part et son adéquation avec la marque d’autre part: les audiences sont très ciblées et très segmentées, il n’y a pas d’influenceur “mass market”.

Il y a un vrai séquençage de la communication en amont à mettre en place. Le teasing doit être fait au moins 5 jours avant, puis au plus proche de la date et le jour J, avec les mécanismes de type live des coulisses de la vente et compte à rebours, mais aussi envoi de SMS et travail de reveal autour du contenu.

Pour construire l’audience, la clientèle du site est la plus facile à capter, mais il faut bien orienter le client le jour du live. Pour Monnier Frères, le CRM est important mais pas suffisant, et l’acquisition payante n’est pas très prometteuse, il vaut mieux miser sur la qualité de la communauté de l’influenceur. Pour Reworld, cette construction passe d’abord par une phase de pré-inscription puis l’envoi de push notification aux contacts obtenus. Il est intéressant de travailler en “vente privée” et de collecter une base de contacts qui peut être sollicitée après le live, en replay et shoppable content mais aussi pour leur proposer des offres complémentaires, pour aller chercher le ROI en parlant à des communautés captives, comme cela a été fait récemment sur l’opération Steampod. Au-delà des mécanismes de construction d’audience, c’est loffre elle-même qui a une influence considérable sur le trafic, et en particulier le prix, l’exclusivité et l’événementialisation. Il est déjà arrivé que Reworld refuse d’être associé à des opérations dans lesquelles l’offre était strictement la même que ce qui est disponible au quotidien sur le site e-commerce de la marque.

Pour Diaa de Monnier Frères, il faut prendre garde à ne pas tomber dans le même travers que la Chine, où les réductions de prix ont été un driver excessivement important, où les petites marques ont alimenté une tendance aux promotions massives et flash sales. En Europe, on ne prend apparemment pas cette direction, en allant plus vers le lifestyle, l’entertainment, la qualité des contenus. Les audiences recherchent plus l’exclusivité et l’authenticité. Les plateformes multi-marques, selon Monniers Frères, peuvent être un support formidable pour encourager la richesse et la diversité de ces contenus et augmenter la désirabilité.

Il n’y a néanmoins pas de recette miracle pour créer du trafic, l’audience vient pour passer un bon moment, apprendre quelque chose, rencontrer des gens… le live est un outil de communication. Hélène de Monoprix ajoute que son aspect conversationnel est essentiel, chez Sarenza c’est d’abord le chat qui a été utilisé avant de progresser naturellement vers le live.

Pour mesurer le succès, le 1er critère est bien sûr souvent le chiffre d’affaires généré mais l’acquisition client et la création de comptes est également importante, car on peut ainsi construire une base de clients fidèles. Les jeux-concours avec opt-in et les pré-inscirptions sont à ce titre des outils intéressants. Pour Maud du Printemps, l’objectif des 1ers lives était plutôt de faire connaître le site, encore assez récent, ainsi que le service de personal shopping qui y est proposé, et de générer du contenu de qualité pour le site. L’idée est d’instaurer un rendez-vous régulier, de créer un vrai contenu. C’est donc une démarche plus centrée sur l’image de marque et la création de contenu que sur le chiffre d’affaires exclusivement.

Pour fonctionner, la mise en place de live shopping, qui a un impact sur toute l’entreprise, doit être stratégique et portée par la direction. Il faut en permanence tester et analyser. Le live shopping est le fruit d’un véritable changement à la fois technologique et générationnel, à la croisée des mutations du commerce et du divertissement. Toutes les marques vont finir par développer leur canal live, que ce soit en propre ou en s’appuyant sur des plateformes.

Pour maximiser ses chances de succès, il faut aussi penser le contenu dans son interactivité dès le départ, se souvenir que la participation de l’audience est essentielle et poser tout au long du live des “jalons d’interactivité” avec des quizzes, des jeux-concours,… Il est important de donner des rôles, il arrive parfois qu’il y ait 3 ou 4 animateurs avec des rôles différents car il n’est pas possible de tout faire en même temps, et l’audience doit pouvoir identifier clairement les messages. C’est ainsi que Monoprix distingue maintenant la présentation de la voix off, qui prend les questions de l’audience.

Pour Diaa de Monnier Frères, l’avenir du live shopping réside comme pour toute création de contenu dans la faculté à bien raconter des histoires, c’est un métier de storyteller, avec du suspense, et une relation particulière à l’audience puisque interactive.

Dans les prochaines années, le live sera probablement utilisé pour tous les temps forts du calendrier de la marque, non seulement les ventes et promotions mais aussi les showrooms, la présentation des collections, les communiqués de presse…  Une autre tendance à surveiller sera l’utilisation des NFT et la mode et plus généralement la consommation dans les univers virtuels comme Fortnite, qui devrait s’amorcer dès 2022! 

 

Compte rendu rédigé par Tiphaine Masurel