SMC #Cycle politique et réseaux sociaux – se préparer à une année de campagne : entre commentaires politiques et fake news ?

Comment se préparer à l’échéance de la présidentielle pour les marques et les institutions ? Comment slalomer dans une actualité brûlante, afin d’éviter au maximum les balles perdues ? Quels sont les grands débats qui risquent de toucher, par effet de bord, les entreprises ? Dans ce contexte, comment gérer les commentaires politiques et les fake news qui peuvent surgir sur les réseaux sociaux ?

Autant de questions auxquelles nos invités ont apporté de passionnantes réponses : Claire Duriez, directrice Social Media à La Netscouade, l’agence digitale ; Steve Bonet, directeur Conseil et Communication du spécialiste de la modération, du community management et de la veille Atchik ; Antoine Dubuquoy, consultant à Image 7, agence de communication corporate.

Des mises en cause directes de marques, voire des fake news

Si les élections présidentielles constituent une forme de marronnier à l’image de Noël ou de la Saint-Valentin, le terrain est nettement moins balisé, semé d’embûches, souvent glissant. « Ce n’est pas un marronnier comme un autre », assure Claire Duriez. « C’est une séquence qui va être plus délicate à aborder pour certaines grandes marques, qui vont peut-être se retrouver sous le feu des projecteurs. ». Antoine Dubuquoy abonde : « À partir du moment où les marques sont présentes sur les réseaux sociaux, elles sont exposées et ont appris à gérer une tension permanente, où tout peut déclencher une crise. Pendant la campagne, il y a peut-être encore davantage de tensions car il peut y avoir des mises en cause directes de marques, voire des fake news. »

Plus de crises potentielles, mais aussi un rythme d’actualité encore plus effréné. « Pendant une campagne présidentielle, les polémiques se succèdent à rythme très accéléré et disparaissent également assez rapidement », constate Steve Bonet. « Cependant, il y a toujours le risque d’avoir un cas de figure érigé en symbole et qui, pour cette raison, durerait dans le temps. Personne n’a forcément envie d’être le nouveau Whirlpool, qui s’est retrouvé au cœur des tensions de la campagne de 2017 ». Lors de l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’étaient rendus dans l’usine Whirpool à Amiens, menacée de fermeture et devenue bien malgré elle le symbole de la désindustrialisation.

 

Une instantanéité qui peut s’avérer délétère

Whirlpool est l’exemple d’une crise qui s’installe dans la durée – ce qui n’est pas le plus fréquent. La controverse récente des « pulls chinois » nous enseigne la dynamique politico-médiatique propre d’une élection présidentielle. Mal renseignée par les équipes de Montebourg, un journal a publié une fausse information annonçant que l’Armée française avait rompu un contrat avec une entreprise française pour acheter des pulls « made in China ». Dans la foulée, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon avaient tweeté leur indignation. « Ce qui est intéressant à observer dans cette histoire, note Antoine Dubuquoy, c’est l’attitude des politiques qui se sont appropriés le sujet, sans prendre de temps de vérifier l’information. En temps de campagne, chacun est à la recherche de sa part de lumière, de sa part d’audience, de sa part de voix. C’est le travers principal des réseaux sociaux, une instantanéité qui peut s’avérer délétère. »

La polémique des « pulls chinois » s’est arrêtée toute nette quand le porte-parole du ministère des Armées a posté un thread Twitter dénonçant une « fake news ». « L’armée a été exemplaire en postant un fact-checking très précis, avec des faits imparables, de manière à sortir immédiatement de la conversation », observe Antoine Dubuquoy. « On en revient à la vieille sagesse des Romains : si tu veux la paix, prépare la guerre. Pour anticiper ce type de crises, il faut que les entreprises et les institutions aient préparés en amont des éléments de langage, des chiffres, des faits, prêts à être dégainés au besoin ».

 

L’écologie, nouveau sujet de tension ?

Le spectre des entreprises qui peuvent soudainement se retrouver dans le viseur médiatique est très large, constate Claire Duriez. « Il y a un certain nombre de sujets qui sont historiquement très abordés à chaque campagne présidentielle : les délocalisations, les fermetures de sites de production mais aussi le pouvoir d’achat, ce qui peut concerner potentiellement de nombreuses entreprises. Lors de cette campagne 2022, on devrait voir émerger de nouveaux sujets, qui travaillent l’opinion depuis plusieurs années. Les thématiques liées au climat et à l’écologie devraient prendre une grande importance dans les débats présidentiels, a fortiori pour les jeunes générations. »

Pendant la campagne, les volumétries de commentaires peuvent atteindre des sommets : « En 2017, en 6 mois de campagne, on a eu une augmentation du volume de commentaires de l’ordre de 30% », relate Steve Bonet, qui gère chez Atchik des espaces de commentaires de médias, d’entreprises et d’institutions. « Le volume monte en puissance petit à petit au cours de la campagne, principalement sur les espaces de médias mais aussi d’institutions publiques. Sur les espaces de marques, c’est un peu moins prégnant sauf s’il y a un rapport direct avec les thématiques de l’élection. »

Que répondre à un message politique, voire prosélyte, sur des espaces qui ne le sont pas, comme la page Facebook d’une marque ? « Il est recommandé de répondre poliment que ce n’est pas le lieu. Mais si cela se répète, il faudra passer par du masquage sur Facebook, voire la suppression des contenus. Si on a les moyens, le temps et la patience de le faire, la réponse et la pédagogie sont la meilleure des démarches pour désamorcer et dissuader une éventuelle escalade », explique Steve Bonet.

Le point Asselineau

Une campagne présidentielle est propice aux mouvements d’astroturfing. « Les partisans de François Asselineau ont été les précurseurs de cette pratique en France, ils étaient extrêmement présents, mobilisés, y compris sur des espaces de marques. Ils ont très vite compris, dès 2012, la puissance des réseaux sociaux, et singulièrement de Facebook, pour faire passer leurs idées. Ses partisans étaient particulièrement doués pour ramener n’importe quel sujet à lui. Il a fallu faire preuve de pédagogie pour leur expliquer qu’ils avaient le droit de soutenir leur candidat mais certainement pas sous le post d’une grande marque de produits laitiers, avec des messages de ce genre : « Eh oui, le seul qui soutient vraiment la filière des produits laitiers, c’est Asselineau ! » », se souvient Steve Bonet. 

A l’orée de 2022, François Asselineau se fait plus discret mais les troupes numériques les plus mobilisées et prosélytes se trouvent du côté d’Éric Zemmour. Vous avez dit crisogène ? 

Compte rendu rédigé par Vincent Glad