digital storytelling

12
Juil

Conférence Digital+Humanities : Compte-rendu en cinq interviews

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Le 4 juillet, l’agence CURIOUSER en partenariat avec le Social Media Club, les Silicon Maniacs et Knowtex a organisé une conférence à La Cantine afin de convoquer le regard des sciences humaines et sociales aux stratégies de communication digitale. Après la fin de la conférence, le Social Media Club a interrompu le cocktail de cinq des acteurs principales, pour essayer de faire un compte rendu en interviews de trois minutes.

Cyril Rimbaud, co-fondateur de Curiouser, nous a révélé le mystère du rhinocéros à l’affiche de la conférence et a abordé les nouvelles perspectives offertes au marketing digital.

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5
Juil

Digital+Humanities : les photos de la conférence

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21
Juin

SMCFaces #14 : Interview with Anthony Hamelle – CLM BBDO



« Today, a brand cannot arrive in public space with a predetermined message,without having listened, without having understood and formed the message in relation to what‘s being said about in social media. In communication agencies, we are increasingly forced to to take into account the return channel available to consumers. « 

Anthony Hamelle, Director of Media R&D  in CLM BBDO

Find all SMCFaces, video interviews of our members, here.

SMCfaces
22
Avr

Le Storytelling Digital : formes émergentes, nouveaux métiers, business models

Cet article est issu de la réflexion menée à l’occasion de la conférence Storytelling Digital du 08/04 à La Cantine en la présence de Cécile Cros (narrative), Julien Aubert (Story Factory et Faismoijouer.com), Nicolas Bry (TransmediaLab) et Denis Fabre (Shibo Interactive).


Portraits dun Nouveau Monde - narrative

Nouveaux usages, nouveaux formats

La prolifération des PC et smartphones a entraîné une individualisation de la consommation du contenu audiovisuel. Le flux incessant d’information dans lequel nous plongent les médias digitaux explique en outre du côté des usages la généralisation du multi-tasking et donc une tendance à la baisse de l’attention en ligne. L’audience butine, ça et là, un article, un billet ou une vidéo, sans s’attarder durablement sur un contenu précis.

La production journalistique se doit donc de diversifier son offre en ligne, d’inventer de nouveaux formats multimédias afin de capter l’attention d’utilisateurs ultra-sollicités. Cette nouvelle écriture journalistique privilégie donc l’émotion et la proximité avec le narrateur comme avec les personnages dont il s’agit de faire le portrait ou de raconter l’histoire. Cette intimité se matérialise au sein des web-documentaires par un cadrage spécifique, des plans serrés ou la pratique du regard-caméra lors d’interviews. Cécile Cros a en outre insisté sur l’importance d’une identité sonore forte, sur la mise en valeur des sons pour maintenir l’internaute en alerte.
Surtout, l’écriture journalistique se doit d’intégrer ces nouveaux usages en proposant des formats aux multiples portes d’entrées, productions au sein desquelles l’internaute doit pouvoir se replonger quand bon lui semble sans perdre le fil de l’information qui lui est délivrée, sans que le sens porté par le récit en pâtisse. D’où l’importance de l’interface et de sa mission d’accueil.

De la gestion de l’interactivité

Le producteur d’information doit réfléchir en termes d’ « expérience utilisateur » et penser la structure non séquentielle du récit en amont afin de proposer à chacun un parcours de lecture individualisé. Cette nouvelle architecture du récit et la multitude de matériaux mobilisés (texte, son, image, vidéo, base de donnée, liens externes…) impliquent une phase de montage spécifique, une expertise technique et de nouveaux outils de production. Timidement, donc, des sociétés de production audiovisuelle et des agences de développement et de webdesign se rapprochent afin de répondre à ces nouveaux besoins. C’est le cas de narrative, fondée en 2008 par Cécile Cros et Laurence Bagot, qui s’est spécialisé dans l’élaboration de programmes destinés aux nouveaux médias, ou encore de la société de production audiovisuelle Honky-Tonk qui développe depuis peu une solution dont le but est à accompagner les journalistes et créateurs de contenu digital. Le logiciel Klynt a donc vu le jour, outil de production multimédia spécifiquement dédié aux web-documentaires, qui a intégré les nouvelles possibilités offertes par les technologies numériques et les nouveaux usages en matière d’interactivité.
Pour finir, l’interface doit faciliter le partage du contenu de pair à pair dont la pratique s’est généralisée sur les réseaux et donc intégrer des fonctionnalités sociales de recommandation (par exemple Facebook Connect) afin de permettre la diffusion de tout ou partie du programme au plus grand nombre.

La structure narrative de Voyage Au Bout du Charbon - HonkyTonk

La contribution en question

Cécile Cros n’envisage pas d’intervention de l’utilisateur au-delà des choix avec l’interface. Elle a même insisté lors de son intervention sur « le choix de ne rien faire » qui doit être laissé à l’audience face au programme. Selon elle, le récit journalistique n’a pas grand-chose à gagner à s’ouvrir aux contributions extérieures, au contenu généré par l’utilisateur. Elle est rejointe en ce point par Emmanuel Leclerc, grand reporter chez France Inter, qui en tant que journaliste issu d’un média «traditionnel », n’a pas trouvé nécessaire d’ajouter une dimension participative à son web-documentaire et a donc fermé son contenu aux commentaires.

En matière de fiction, au contraire, l’interactivité ne se résume pas aux simples choix de l’audience quant au parcours de lecture du récit (bien que HBO ait remarquablement bien exploité ces possibilités, par le biais d’une interface bien pensée, HBO Imagine, proposant une structure narrative non séquentielle, fait notable de la part d’une chaîne de télévision aux formats traditionnellement linéaires).  L’émergence des ARG (Alternate Reality Game) témoigne d’une tendance naissante à l’implication de l’audience en des expériences participatives qui encouragent la contribution amateure. Autour d’un contenu de base, d’une histoire préexistante,  des briques participatives sont ainsi amenées à enrichir l’univers narratif, et de nouveaux éléments (commentaires, témoignages, photos…) viennent se greffer à la création originale de l’auteur. Tout le travail des nouveaux storytellers est de cadrer et d’orienter ce contenu… mais pas seulement.

Les nouveaux métiers de la fiction transmedia

Si la production journalistique s’adapte aux nouvelles pratiques et aux possibilités offertes par les technologies, la fiction, elle, a su s’approprier mieux encore les médias digitaux et leurs usages pour offrir à l’audience des expériences ludiques et interactives qui viennent enrichir son quotidien, jusqu’à brouiller parfois les frontières entre réalité et fiction. Ceci par le biais d’un déploiement transmedia du récit, qui prend de multiples formes via les différents canaux utilisés (film, série télé, vidéo en ligne, blog, présence des personnages sur les réseaux sociaux…).
Bien entendu, l’idéal est de penser dès la création de l’histoire sa déclinaison sur les différents médias et l’expérience sociale qu’elle peut recouvrir. Pour Julien Aubert, les créateurs de ce type sont encore trop rares, et l’américain Lance Weiler apparait aujourd’hui comme le seul « story-architect » à se lancer dans des créations nativement transmedia. En effet, bien souvent, l’univers narratif se décline à partir d’une histoire de départ issue d’un média traditionnel (cinéma, télévision, jeu-vidéo) et cet enrichissement du récit procède d’une logique promotionnelle. Il est néanmoins indispensable d’assurer la cohérence de ces briques disséminées sur les différents écrans. De nouveaux métiers voient donc le jour, qui sont nés de l’émergence des ces expériences collectives d’interaction avec le récit.
Tout d’abord, l’« experience designer » se doit d’optimiser l’exploitation des différents canaux de communication afin d’entrer en contact avec le public et de créer des passerelles entre les différents supports, il a donc une connaissance fine des usages et des possibilités offertes par les nouvelles technologies. C’est un stratège des moyens, il oriente la diffusion des éléments narratifs voués à enrichir l’histoire de départ et imagine les possibilités d’interactions avec l’audience. Le « lead author », lui, définit le scénario de l’expérience transmedia et s’assure en temps réel du bon déroulement de celle-ci, en cohérence avec la trame de départ. Les community managers donnent vie à l’histoire ainsi étendue. Ils sont en charge d’animer les blogs et forums mis en place, de répondre et d’échanger avec les participants qui entrent en interaction avec l’histoire et ses personnages. Ils se plongent donc véritablement dans la peau de ceux-ci et sont amenés à les incarner, à jouer leurs rôles en ligne. Enfin, comme pour la production journalistique de nouveaux formats multimédias, cette écriture complexe nécessite une expertise technique et des compétences en matière de développement et de webdesign.

fdp-tv.com

Des initiatives françaises voient le jour…

Le projet Faits Divers Paranormaux porté par Orange exploite avec brio les ressorts de la fiction transmedia : s’appuyant sur une série télévisée diffusée tous les soirs à 20h30 sur Orange Ciné Choc, l’univers narratif se déploie en ligne (quelques semaines avant diffusion avec une présence sur un blog et les réseaux sociaux) mais s’enrichit surtout des contributions des internautes avec la mise en place d’un véritable ARG : « les internautes vont avoir l’occasion de se changer en véritables enquêteurs du paranormal[…] Ils devront résoudre des énigmes au rythme d’une question par jour en menant leurs investigations sur internet, mais aussi par téléphone ou dans la vie réelle », nous explique Guillaume Ladvie, community manager sur le projet. Une véritable expérience interactive, donc.
Une autre initiative récente en la matière émane du groupe TF1. Si Clem n’est pas à proprement parler une fiction transmedia, la stratégie adoptée par la première chaîne n’en demeure pas moins remarquable. Avant la diffusion du téléfilm, un blog a été mis en place invitant les internautes à interagir avec le personnage principal et à découvrir une web-série vidéo en guise d’introduction au programme télévisuel. Ce blog a en outre accueilli du contenu « bonus » prolongeant l’histoire, après diffusion. Ce projet est révélateur d’une volonté de TF1 de coller aux usages naissants et de rétablir une certaine complémentarité entre les différents médias, au-delà de l’image trop souvent véhiculée d’Internet comme média « cannibale ». Nicolas Bry dresse le bilan : les 9,7 millions de téléspectateurs (contre 7,4 en moyenne à cette heure), les 260 000 visites et 6000 commentaires sur le blog et les 1,5 millions de vues pour le téléfilm à la demande sur tf1.fr témoignent effectivement d’allers-retours de l’audience entre les deux médias et donc de la réussite de cette stratégie multi-supports.

Un modèle économique contraignant

Si de nouveaux formats et métiers voient donc le jour, issus des possibilités offertes en matière de fiction sur les médias digitaux, la question du financement de ces productions émergentes reste entière. En France, les initiatives récentes, on l’a vu, témoignent d’une tendance à l’adossement à de grands groupes média prêts à investir dans des opérations qui représentent pour eux un formidable levier marketing afin de capter de nouvelles audiences. On comprend ainsi l’intérêt de TF1 ou d’Orange à développer ce genre de projets : se rapprocher du parcours média quotidien d’un public dont les usages ont changé et permettre une circulation maximale de leurs contenus sur une multitude de supports.
Mais là réside aussi le danger du point de vue créatif : que ces productions transmedia ne voient le jour qu’en tant que ressort marketing mis en place par les acteurs installés de l’industrie (grandes chaînes TV, studios de cinéma…) et qu’il en résulte une perte de valeur en terme de création, d’innovation narrative. On imagine mal en effet pour l’instant, sur le modèle de ce qui se fait en matière de production de jeux-vidéos, la généralisation du système de « pool d’auteurs » préconisé par Julien Aubert, modèle qui serait plus adapté aux équipes pluridisciplinaires mobilisées par ces nouveaux processus créatif complexes, mais en même temps remettrait en cause des positions bien établies du côté des producteurs traditionnels…
Force est donc de constater qu’avant de voir émerger des productions nativement transmedia et que ce storytelling nouveau soit reconnu, il faudra que les mentalités changent du côté de l’industrie du divertissement et des médias traditionnels.

Et du côté des marques ?

Au côté des journalistes et des créateurs de fiction, principaux producteurs de contenu en ligne, les marques sont elles aussi à la recherche de nouvelles formes de récit afin de capter l’audience des médias digitaux.
Certaines marques, déterminées à exploiter leur « potentiel relationnel », investissent donc dans des opérations en ligne d’un genre nouveau. Denis Fabre, de l’agence Shibo Interactive, nous a livré son intéressant retour d’expérience. La campagne Où est Marianne qu’il a menée pour Ni Putes Ni Soumises avait pour objectif non seulement de créer le ramdam autour de l’action de l’association mais avant tout de donner les moyens aux sympathisants d’interagir, de s’approprier le message, d’associer leurs petites histoires au récit de marque, et ce par le biais d’un déploiement sur les réseaux sociaux autant que dans le monde réel. Dans le cas d’une association dont l’objectif est de rassembler et de mobiliser un public autour d’une cause, la stratégie parait cohérente. Ce storytelling digital de marque naissant émane d’agences de communication et reste néanmoins assez limité en termes de valeur éditoriale, l’objectif premier demeurant de servir les intérêts de la marque.

Le branded-content, avenir de la production transmedia?

Le salut pour les créateurs d’expériences interactives transmedia pourrait venir d’un strict financement par les marques, sous la forme de branded-content, c’est-à-dire de l’association d’une production existante et d’une marque sponsorisant le contenu. Les annonceurs ont tout intérêt à investir dans ce type de projets afin d’ «associer des services à leur message (contenus éducatifs, mise en relation des utilisateurs, centre d’aide, sensibilisation à l’univers de la marque)», nous explique ainsi Julien Aubert. Quelle différence avec une opération de communication classique ? La marque n’est pas à l’origine du processus créatif mais associe son image à l’expérience transmedia proposée à l’audience.
Reste à monter des projets cohérents qui garantissant à la fois l’indépendance éditoriale aux créateurs et du contenu en phase avec l’ADN des marques associées. Vaste programme…
L’échec du projet Purefold outre-Atlantique nous a en effet récemment démontré à quel point cet exercice est périlleux. Purefold était annoncé comme une production hybride d’épisodes vidéo destinés au web et à la télévision, autour de l’univers du film Blade Runner. Mêlant donc déploiement transmedia, contenu généré par l’utilisateur (la réalisation des séquences émanant des suggestions proposées par les créateurs en herbe et internautes contributeurs en ligne), financement par les marques (par le biais d’un habile prototype placement) tout cela cautionné par une figure du cinéma mondialement reconnue en la personne de Ridley Scott ! Et sous licence Creative Commons !
Cet ambitieux projet associant transmedia storytelling, branded-content et remix-culture a été abandonné récemment, faute de financements. Etait-il trop tôt pour ce genre d’initiative ?

PUREFOLD par AG8

Continuons en tout cas à suivre de près ces formes naissantes, à observer avec patiente leur intégration au paysage audiovisuel et à évaluer les opportunités professionnelles et modèles économiques qui leur sont liées… Une certitude demeure : le métier de conteur d’histoire à encore de beaux jours devant lui.

Pour retrouver la capture vidéo de la conférence Storytelling Digital du 8 avril 2010 à La Cantine, rendez-vous ici.
Le Social Media Club France sur Facebook :
bit.ly/SMCfacebook

25
Mar

Conférence du Social Media Club France : le Storytelling Digital – le 8 avril à La Cantine

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Le jeudi 8 avril 2010 à 19h00 à La Cantine

L’émergence des nouveaux médias numériques a à la fois profondément redéfini les formats de production du récit et bouleversé les usages, les pratiques de consommation de contenu par l’audience. L’interactivité et la multiplication des modes d’accès sont désormais de mise, et permettent une implication forte du public en des expériences nouvelles, qu’elles relèvent de la construction d’un univers fictionnel ou de la représentation du réel.

Comment le journalisme, la production audiovisuelle, le cinéma, les marques et de façon générale l’ensemble des producteurs de contenu réagissent-ils face à ces bouleversements ? En analysant les formes innovantes liées aux médias digitaux, nous tâcherons d’identifier les nouveaux métiers qui émergent de cette évolution et sur quel business model repose le storytelling de demain.

Notre travail préliminaire : Storytelling 2.0

Intervenants :

Cécile Cros, co-fondatrice de Narrative (production et distribution de documentaires pour les nouveaux médias) :
Nouveaux formats de production journalistique, nouveau regard ? Nouvelle distribution, nouvelle audience ?

Arnaud Dressen, co-fondateur de l’agence HonkyTonk (production vidéo & multimédia) :
Montage interactif : l’émergence de nouveaux outils de production

Julien Aubert, co-fondateur de Story Factory (développement et production de contenu cross-média), participe à l’expérience transmedia Faits Divers Paranormaux :
Extension de l’univers narratif de fiction et implication de l’audience : le témoignage d’un experience manager

Nicolas Bry, directeur du Transmedia Lab d’Orange:
Retour d’expériences du TM Lab (formation, atelier, coaching projets, API transmedia) et business models

– Denis Fabre, fondateur de l’agence Shibo Interactive :
Le digital storyteller au service de la marque

Animation des débats par Alban Martin, cofondateur du Social Media Club France, auteur du livre « Et toi, tu télécharges? Industries du divertissement et des media à l’ère du numérique », Village mondial, avril 2010.

La conférence sera suivie d’un cocktail.

Les 10 euros que nous vous demandons serviront aux frais logistiques (espace, buffet, boisson).

Inscription sur Amiando

24
Mar

Storytelling + Interactivité + Transmedia = Storytelling 2.0

Article de Nicolas Marronnier, initialement paru sur ReadWriteWeb France.

Les hommes aiment à se raconter des histoires. Au-delà de la simple communication interpersonnelle, les formes narratives qui ont toujours imprégné notre rapport au monde et aux autres, notre façon d’exprimer notre ressenti et donc notre mode de compréhension du réel sont multiples. Le récit a historiquement épousé différents contours : la prégnance antique de l’oralité a laissé place à l’écrit, l’image, l’imprimé, le cinéma etc. Autant de nouvelles formes complémentaires au service de la transmission du savoir, de l’alimentation d’une mémoire collective, de la construction d’une culture commune… mais aussi du divertissement.

Les histoires que l’on se transmet se matérialisent donc de façon différente selon le dispositif qu’elles empruntent et qui les donne à voir. Ce dispositif, le média, détermine en effet les formes du récit : une même histoire peut être racontée de vive voix ou mise en scène, jouée, filmée et diffusée au cinéma, donnant lieu à deux productions radicalement différentes.
L’art de raconter des histoires englobe donc une multitude de compétences et des experts existent dans chaque domaine, maîtrisant les codes et techniques propres à leur média et au processus de production qui lui est lié.

Au-delà de la tendance des sphères politique et économique à investir cet art du récit, logique communicationnelle pointée du doigt par Christian Salmon dans son désormais célèbre ouvrage, considérons donc le storytelling non comme un art de la conviction (ou de la manipulation) mais plutôt comme la capacité à raconter des histoires, à produire de nouvelles formes de récit en fonction d’un environnement technique et culturel spécifique. En quoi la production de récits évolue-t-elle donc avec les dispositifs de lecture/écriture nouveaux que représentent les médias digitaux ? Quel nouveau storytelling émerge des nouvelles technologies ?

L’histoire sur les nouveaux médias : une expérience singulière

D’une part, l’interactivité propre aux médias informatisés affecte la structure de la narration.
D’un objet clos s’offrant à une audience passive, l’histoire évolue vers des formes nouvelles, multilinéaires et non séquentielles, vers une expérience singulière où l’audience devient partenaire de la construction du récit : HBO Imagine, une initiative récente de la chaîne américaine illustre bien cette tendance, puisque chaque internaute se plonge dans l’histoire en suivant son propre parcours, de multiples possibilités de lecture du contenu s’offrant à lui, l’invitant à une réception active de l’histoire.

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Notons que des « hyperfictions » existent déjà depuis des années sur le web, principalement issues de travaux d’écrivains américains dont la référence demeure Michael Joyce et son œuvre Afternoon, véritable labyrinthe narratif datant de 1985. Ce genre de formats nous rappelle aussi les « histoires dont vous êtes le héros » invitant le lecteur à naviguer au sein du livre selon ses coups de dés ou encore la littérature combinatoire de Queneau et ses Cent mille milliards de poèmes (1960). Ces nouvelles formes amènent donc l’audience à se construire sa propre expérience de l’histoire.

Le transmedia storytelling

Outre les possibilités en matière d’interactivité, les nouveaux médias impliquent de nouveaux usages, une réception particulière du contenu qui influe sur les formats du récit.
Le flux permanent d’informations et de productions multimédias dans lequel est plongé le public (de chez lui sur son ordinateur ou en situation de mobilité via son smartphone) préfigure en effet un renouveau des formes narratives.

On voit ainsi émerger de nouvelles expériences offertes à l’audience, un transmedia storytelling basé sur la construction d’un univers diégétique (c’est-à-dire « Tout ce que cette fiction impliquerait si on la supposait vraie » cf Etienne Souriau) complexe par l’accumulation d’une multitude d’éléments narratifs, de fragments disséminés sur tout type de device, participant à l’enrichissement de l’histoire et donc de l’expérience vécue par le public.
En témoigne la réussite de la stratégie transmedia mise en place lors de la sortie du dernier Batman, The Dark Knight, dispositif impliquant l’audience bien avant la sortie du film en salle en une expérience ludique et interactive menée aussi bien sur les réseaux que dans le monde réel. Résultat : du contenu en ligne via des dizaines de blogs, la possibilité d’interagir avec les personnages, des flash-mobs en pleine ville regroupant des milliers de fans… et un énorme succès en salle (l’un des films les plus rentables de tous les temps !).

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Dès lors, pourquoi ne pas envisager par exemple le même type de stratégie pour la sortie d’un roman ? Au-delà de la production de « romans-feuilletons » dédiés spécifiquement aux nouveaux devices, on pourrait imaginer que du contenu digital soit diffusé avant la sortie du livre, sous forme de micro-récits, d’épisodes quotidiens disponibles sur smartphone afin de capter une audience attirée par ce type de format et peut-être encline à prolonger l’expérience par l’achat du livre…

L’émergence des ARG : vers la « fiction totale » ?

Poussée à bout, cette logique de déploiement transmedia est à l’origine de l’émergence des ARG. Un Alternate Reality Game est « une fiction qui se joue dans la vie réelle » (Adrian Hon), dont les éléments narratifs nous parviennent par de multiples canaux (vidéos, blogs, emails, textos, appels téléphoniques…), une histoire interactive à laquelle nous prenons part en tant que « spectacteurs« , non dans la peau d’un personnage mais en nous plongeant réellement au sein d’une expérience immersive où chaque participant a le pouvoir d’influencer le cours de l’histoire et donc l’expérience de tous . Ces fictions allient donc interactivité, stratégie transmedia et participation à la construction du sens de l’histoire. En Suède, The Truth About Marika, un ARG mis en place par la chaîne de télé SVT, a impliqué les téléspectateurs dans une enquête sur d’étranges disparitions, mêlant habilement les éléments fictionnels avec la réalité.
On est alors en droit de se demander s’il est légitime pour une grande chaîne nationale de brouiller à ce point les frontières entre information et entertainment. Peut-on réellement envisager la généralisation de ces « fictions totales », pour reprendre la formule d’Eric Viennot, sans penser aux dangers qu’elles représentent concernant la confiance accordée par le public aux médias et à l’information en général ?

Bien que s’adressant par définition à un public restreint, un petit nombre seulement de participants s’investissant réellement dans ces fictions d’un nouveau genre, les ARG sont à suivre de près (la boîte de production Happy Fannie nous prépare quelque chose… mais qui est donc cette Simone ?)  et préfigurent l’émergence d’un nouveau storytelling qui exploiterai au mieux les possibilités en matière d’interaction avec l’audience mais aussi avec son environnement (via par exemple la géolocalisation sur mobile).

Perspectives journalistiques

Ces nouvelles formes de récit nées de l’apparition des médias informatisés font l’objet d’un intérêt croissant de la part des professionnels de l’information et des medias que sont les journalistes. Les possibilités d’interactivité offrent en effet de belles opportunités pour la production de certains genres particuliers (portraits, témoignages, reconstitutions, reportages…). Pour preuve la multiplication de webdocumentaires qui proposent à l’audience du contenu multimédia et interactif. Du simple diaporama sonore à la structure linéaire, ces nouvelles formes peuvent aller jusqu’à l’élaboration d’un site web à part entière (Gaza Sderot).

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On serait tenté de penser que ces nouveaux formats du récit journalistique favorisent un traitement plus fin du réel, une approche plus complète et plus complexe, et donc une meilleure compréhension des enjeux d’actualité par l’audience, une réelle possibilité pour chacun de mener sa propre réflexion à partir de la somme des éléments objectifs ainsi présentés. On peut aussi se demander au contraire si cette immersion en une expérience ludique ne tend pas parfois à se rapprocher dangereusement de l’univers du jeu-vidéo (Voyage au bout du charbon) ou même de la fiction (Thanatorama), et donc à s’éloigner des objectifs premiers du documentaire : représenter la réalité. En tout cas, ces expérimentations montrent que la profession ne souhaite pas passer à côté de cette nouvelle opportunité de récit et d’information, au cœur de leur activité. A suivre…