[Compte rendu] Médias sociaux et représentation démocratique #smcf

Les formes d’expression politiques sur internet – Patrice Flichy

Selon Patrice Flichy, avec internet vient une autre forme d’expression politique, une expression reposant sur le sentiment et les réactions à chaud. Bien évidemment, nous faisons ici face à une forme plus agressive d’expression, il ne faut cependant pas la dévaloriser comme l’on a trop souvent l’habitude de le faire. Elle est en effet importante dans la mesure où elle est la première forme d’expression politique sur internet.

Il existe différentes formes d’engagement politique :

  • La collecte d’information qui renseigne sur les expulsions, les expériences novatrices, les informations juridico-administratives etc. Ce type d’information souffre en effet d’une faible circulation.
  • La dénonciation de pratiques qui s’avère en fait être la voie centrale des différentes formes d’expression sur internet. Cette activité reste médiatisée car elle est traditionnellement traitée par les grands médias. Le Canard Enchainé a toujours fonctionné sur ce principe. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs tels que Wikileaks se manifestent sur ce terrain. Mais cette dénonciation a vu son exemple le plus fort dans le débat autour du référendum sur le traité de Constitution Européenne où les voix pour le non ne disposaient pas de tribune dans les grands médias et partis politiques. Ici, internet a véritablement servi de tribune d’expression pour les partisans du non. De manière plus générale, cette forme d’expression politique joue beaucoup sur l’humour et l’ironie comme cela a été le cas lors de la dénonciation de la nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD.
  • Une troisième forme d’expression politique sur internet trouve son expression dans la reformulation du sens d’un événement. C’est la remix culture, ces détournements de JT, de discours qui circulent sur les plateformes de publication de vidéos. C’est un autre récit politique qui émerge à partir d’image identiques.
  • La participation aux réseaux sociaux en vue des élections est la dernière forme d’expression mentionnée par Patrice Flichy.

Suite à cette typologie, Alban Martin remarque cependant que ces formes sont en voie de déconstruction. Il est en effet difficile aujourd’hui d’établir des typologies pérennes. Ce à quoi Patrice Flichy rétorque que le but derrière cette énumération est de connaitre les spécialités d’un élu, d’évaluer les formes de prise de parole politique sur internet. Or, au regard de l’exemple Wikileaks, il s’avère que ce ne sont plus les élus qui sont au centre du débat politique sur internet, mais bien plutôt les amateurs. Quels sont alors leurs apports pour la démocratie ? Est-ce vraiment de la démocratie ? Pour Patrice Flichy, Wikileaks fournit des munitions pour le débat, un débat qui concerne l’ensemble des citoyens, en cela, le site est démocratique.

Au regard de cette présentation générale, il est intéressant de voir ce qu’il en est dans la pratique à travers le récit d’expérience de Geaoffroy Boulard dont l’objectif de départ, à travers la création d’un blog, était de proposer une façon alternative de communiquer avec les citoyens. L’utilisation des médias sociaux dans le cadre de la représentation politique permet un contact plus direct faisant remonter plus facilement l’information. Dans le cadre de la politique locale, c’est une véritable aubaine. Cependant, Philippe Mouricou remarque que sur internet, les personnes touchées sont essentiellement militantes. Il ne faut pas attendre que les gens viennent, il faut aller les chercher. En effet, en salle ou sur internet, ce ne sont pas les mêmes personnes que l’on touche et qui réagissent remarque Patrice Flichy. En revanche, avec le blog, on touche des publics bien plus larges, là où l’on sympathise avec des militants sur Facebook ou Twitter.

Alban Martin note cependant que le débat politique sur internet n’est pas reconnu dans la Constitution, les formes d’engagement sont ainsi considérablement atténuées.

Internet : représentativité et représentation – Dominique Cardon

Pour Dominique Cardon, la démocratie représentative est au coeur du débat sur internet. Elle se traduit par deux approches différentes. elle éclos d’une part lors de la compétition politique, compétition au cours de laquelle internet est simplement vu comme un outil apportant de la matière au combat. Par là même, l’on se dirige vers une transformation des liens entre élus et citoyens, même si aujourd’hui encore ces rapports n’ont pas été fondamentalement bouleversés : les interactions entre élus et citoyens sont simplement plus rapides. Des expériences bien plus importantes ont vocation à émerger. Si l’on considère en effet que la démocratie représentative est le pouvoir du peuple souverain, le peuple souverain doit pouvoir parler, échanger, s’exprimer en s’organisant hors du contrôle ou de la censure des gouvernements. Internet joue ainsi un rôle essentielle dans sa capacité à permettre à chacun de prendre la parole hors du contrôle des « gate-keepers », c’est-à-dire sans censure des objecteurs de conscience. D’autre part, si cette parole est hors de contrôle, elle se hiérarchise naturellement notamment à travers le page rank Google.
D’autre part, la crise de la représentativité offre à internet un point d’ancrage là où l’on avait l’impression qu’il n’y avait plus d’espace d’expression entre l’Etat et le marché. On assiste en effet à l’émergence de formes d’engagement politique originales qui se différencient des débats publics. Wikipédia et les organisations alter-mondialistes s’appuient en effet sur internet et les médias sociaux en particulier pour s’organiser et diffuser leur parole. Mais ce type d’organisation vient en revanche avec son lot de contraintes pour ceux qui s’engagent :

  • il est en effet difficile de bien définir le cadre, de bien périmétrer le champ d’action,
  • ce n’est pas une réelle forme représentative, on est plutôt « membre de », il n’y a pas de « chef de »,
  • on ne vote pas, on fait consensus, mais ce consensus peut être biaisé par les personnes les plus actives.

On assiste donc clairement à l’émergence d’un entre-deux à travers l’appui militant sur le réseau, un entre-deux non polarisé par le centre politique. Cette culture du consensus renvoie à des pratiques plus anciennes qui a vu, au fur et à mesure, la nécessité de mettre en place un système de vote pour le valider. Une grande question persistant : comment lier la participation à une prise de décision ? C’est ici que la controverse et la polémique sont importants, c’est ainsi que les débats fonctionneront. Si le débat n’est pas imposé d’en haut, il est passionné, controversé et donc riche et de qualité. Dominique Cardon observe en effet sur Wikipédia une relation entre la qualité de l’article et la longueur des pages de discussion.

Cirque et théâtre : internet et démocratie représentative – Alban Martin