#CercleDircom #9 : Du corporate aux filiales et au local : comment accompagner son réseau de communicants?

Ce qu’on retient des échanges :

–    les dircoms sont confrontés à des disparités dans les usages, les moyens et la structuration de la communication à l’échelle locale

–    le rôle de « chef d’orchestre » du dircom doit permettre l’échange de bonnes pratiques et le lissage des différences au service de la marque employeur

–    la formation ainsi qu’une organisation verticale du réseau semblent les deux moyens privilégiés pour accompagner le réseau de communicants.

Après une session consacrée au Dircom « chef d’orchestre », nous avons voulu revenir sur cette thématique en s’interrogeant sur la façon dont s’articule la stratégie de communication du corporate aux filiales et au local. Pour les grands groupes, la gestion et l’accompagnement du réseau de communicants « sur le terrain » implique de jongler avec différents interlocuteurs dont les intérêts peuvent diverger.

Ainsi, chez AG2R LA MONDIALE, qui rassemble 11 000 collaborateurs en France, les directeurs régionaux des 16 régions commerciales sont « habilités à prendre la parole pour le groupe, mais ils sont aussi décideurs de leur plan de développement commercial, de l’organisation d’événements et de partenariats dans leur zone », explique Anne-Céline Agrapart, planner stratégique chez AG2R LA MONDIALE. Ce sont des interlocuteurs privilégiés pour « faire rayonner la marque » et « participer au développement commercial ». Ainsi, si la communication est identifiée comme l’une des missions du directeur régional, cela implique qu’il n’y a pas de chargé de communication dédié en région : certaines missions sont assumées par le chargé de marketing ou assistant du directeur. « La communication peut être une priorité différente selon la région », reconnaît Mme Agrapart. « depuis un an, on est en train de construire une offre de service et d’outils pour rendre les régions autonomes et les professionnaliser dans leurs activités de comm’ (presse, événementiel, réseaux sociaux) ». L’articulation régional/national est au coeur des projets 2019-2020.

EGIS est un groupe à l’empreinte régionale forte, qui compte 15 000 collaborateurs en France et dans le monde. Les activités sont organisées en business unit, soit par domaine, par zone géographique, soit par métier. Ces business unit ne sont pas toutes organisées de manière identique en matière de communication. Deux réseaux de comm’ ont été structurés : un pour la France, l’autre pour l’international : les deux n’ont pas pu être mutualisés pour des raisons d’organisation et de barrière de la langue. « Aujourd’hui, nous avons d’importantes disparités en terme de compétences », reconnaît Sabine Mendy, directrice adjointe de la communication chez EGIS. Pour pallier cela, un nouveau mode de fonctionnement a été mis en place ces derniers mois avec un système de double rattachement des équipes de communication : avec la dircom et avec le directeur opérationnel de la business unit. « cette double hiérarchie favoriser la proximité et permet de mieux irriguer la communication corporate sur l’ensemble du réseau en France et à l’international », poursuit Mme Mendy.

 

Différences culturelles

 

Alexia Lefeuvre, Head of Global Communication de Novotel Hotels, reconnaît la même problématique, à savoir les différences majeures en matière de maturité de communication à l’international pour cette filiale historique du groupe Accor présente dans plus de 60 pays. En pleine réflexion sur la professionnalisation de la comm’, Alexia Lefeuvre pointe des « réseaux compliqués » en raison de différences culturelles et budgétaires, notamment. « Ils ont la connaissance du pays et peuvent avoir tendance à faire cavalier seul. Nous, nous sommes le garde-fou de la marque. Mais je ne veux pas non plus être perçue comme la ‘flic’. Je souhaite être dans la coopération, et c’est là le plus difficile ! ». La dircom a mis en place un comité mensuel avec les régions où un pays est mis à l’honneur ainsi que ses bonnes pratiques en comm’. « Certains sont très demandeurs, d’autres non. On essaie de mettre en place une relation de confiance pour lisser les différences culturelles et en faire une force », explique Alexia Lefeuvre.

Du côté du groupe Casino, Nicolas Boudot, directeur de la communication, reconnaît une organisation « plus verticale ». La comm’ de la holding, une équipe de 10 personnes, est organisée en trois silos : relations presse, relations médias sociaux et comm’ interne. Ce modèle a été plus ou moins dupliqué dans chaque filiale française du groupe. La communication avec les équipes est ritualisée tous les mois, toutes les semaines, voire plusieurs fois par semaine, selon les filiales. Cinq porte-paroles opérationnels sont identifiés sur le business retail, 3 porte-paroles pour les services (data, électricité, cloud computing), et 4 sur les thématiques de la RSE, l’innovation, la comm’ financière et les sujets transverses. Ainsi, la prise de parole à l’extérieur est fortement structurée. « Toute décision de prise la parole passe par mon équipe », détaille Nicolas Boudot, pour qui cette structure verticale permet toutefois une « discussion horizontale ».

 

La difficile identification des portes-paroles

 

Cette formalisation de la prise de parole et du réseau de communicants est l’un des points faibles identifiés par d’autres participantes à cette session. Ainsi, Véronique Obrecht, Corporate Media Relations Manager d’Arkema, explique que le réseau de communicants à l’international se construit « sur la base du volontariat et du relationnel fort développé dans le cadre de ses activités business ». Dans cette société jeune, le réseau de communicants évolue en fonction des fusions et acquisitions. Au niveau corporate, trois services de comm’ séparés (comm’ financière d’une part, et comm’ interne et comm’ externe, d’autre part) sont chapeautés par deux membres du Comex différents rattachés au PDG. Une vingtaine de collaborateurs travaillent dans l’équipe de comm’ externe, divisée elle-même en trois hubs : presse et influence, éditorial, digital. Ensuite, plusieurs cercles de réseau de communicants sont à distinguer. En France, le programme “terrains d’entente” a été créé et développé auprès des différentes usines à la suite de l’accident d’AZF : «  cette crise majeure nous a fait prendre conscience du besoin d’acceptation des riverains, de transparence sur les activités et les risques des usines », explique Mme Obrecht. Un réunion distancielle est organisée chaque trimestre avec ce réseau de communicants. À l’international, le groupe présent dans 55 pays compte deux équipes de comm’ externe, en Chine et aux Etats-Unis, avec qui une réunion est organisée chaque mois pour partager les bonnes pratiques. Ailleurs, une trentaine d’interlocuteurs (directeurs de filiale géographique) ont été identifiés comme relais communicants. Ces derniers sont réunis une fois tous les 18 mois.

Chez l’ensemble des participants, l’outil principal de gestion du réseau de communication reste le call, dans un contexte de réduction des déplacements. Pour encourager le partage des bonnes pratiques, Egis a mis en place un espace « communication » sur l’intranet. Un outil de reporting a également été développé pour bénéficier d’une visibilité des actions en cours et faire une sélection des éléments à mettre en avant selon les pays. Chez Casino, l’accent est mis sur la formation avec des séances de media training, des conférences trimestrielles et des rencontres mensuelles entre le dircom et les filiales dans le but de faire connaître et circuler les best practices. Le groupe a la particularité de devoir gérer des filiales concurrentes, parfois partenaires, induisant une nécessaire segmentation des activités. Nicolas Boudot se charge donc de partager les informations utiles.

 

La formation, outil de professionnalisation du réseau de communicants

 

L’accent est mis sur les réseaux sociaux chez AG2R LA MONDIALE avec des formations en région en présentiel et en distanciel, dans une perspective d’employee advocacy : « on veut accompagner les collaborateurs dans leur communication sur les réseaux sociaux à titre professionnel mais aussi individuel, sur la partie commerciale et l’image de marque. Nous voulons partir du volontariat chez les managers et les collaborateurs, avec l’idée d’avoir des « noyaux durs » moteurs qui puissent donner envie à leurs collègues ». L’amplification des communications sur les réseaux sociaux sont favorisées par la mise en place de l’outil Sociabble. En matière de comm’ interne, un réseau de contributeurs à l’intranet est également en place. Ces différents réseaux se juxtaposent : « il faut qu’on travaille à mutualiser nos différents réseaux pour mieux les animer », reconnaît Anne-Céline Agrapart.

Les participants identifient plusieurs freins à l’animation du réseau de communicants. En premier lieu, Nicolas Boudot (groupe Casino) pointe un certain « conservatisme » : la difficulté à faire évoluer les façons de faire, dans un métier où l’adaptation doit être permanente à l’heure des médias sociaux et de l’information en temps réel. La temporalité de la communication ne rejoint pas toujours celle de l’entreprise. Dans certains corps de métier, la communication n’apparaît également pas comme une priorité, au-delà de la communication de crise : « Je n’ai pas de porte-parole identifié : quand un journaliste m’appelle, mon premier objectif est d’identifier l’interlocuteur adéquat », explique ainsi Mme Obrecht d’Arkema. Le frein principal chez Egis : « Faire prendre conscience de l’importance de pouvoir informer, en s’assurant de la cohérence des messages », abonde Sabine Mendy. Le degré de sensibilité des collaborateurs dont la comm’ n’est pas le coeur de métier influe également.

À cela s’ajoutent les problématiques de moyens alloués, souvent gérés à l’échelle locale et qui rendent compte concrètement de la perception de la comm’. Même au sein de Novotel Hôtels, ces freins budgétaires sont identifiés. Par ailleurs, Alexia Lefeuvre explique que les tentatives de reprise en main de la communication au niveau groupe peuvent être mal perçues. « Quand on a décidé de reprendre la gouvernance du compte Instagram, nos collaborateurs ont cru être dépossédés d’une compétence, de leur capacité à s’adresser à leur public. On leur a expliqué que cela allait permettre d’harmoniser la communication pour que chaque pays puisse cibler son audience », détaille Mme Lefeuvre. En résumé, la perspective de retombées commerciales permet d’aider à faire passer le message et de mettre en lumière l’importance de la communication. Les outils de reporting et les KPIs peuvent également valoriser les actions de comm’, quand ceux-ci existent.

Dans la structuration du réseau, un modèle se dessine : celui d’un cadre fort permettant une certaine autonomie. « Il faut trouver un équilibre entre le descendant, l’image d’un dircom comme facilitateur du quotidien et la nécessaire autonomie du local », résument nos participants en guise de conclusion.