Que faire de l'image quand on est analyste ?

L’image est devenue un vrai sujet en social media : chaque jour, deux milliards de photographies sont partagées sur les réseaux sociaux. Quelle analyse tirer de ces contenus visuels et surtout avec quelles méthodes ?

Retour sur l’atelier de la commission Social Data avec Quentin Lhomme (co-fondateur de Nunki), André Gunthert (enseignant-chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales et auteur du carnet de recherches L’image sociale) et Clément Brygier (co-fondateur de Digital Insighters).

Sur Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr, Flickr ou Snapchat, l’explosion des contenus visuels représente une nouvelle mine d’or pour les analystes. « Les informations cachées dans l’image sont trois à quatre fois plus intéressantes que celles cachées dans le texte », explique André Gunthert. Cependant, en extraire un contenu pertinent revient à « chercher une aiguille dans une botte de foin », complète Quentin Lhomme. Et pour cause, à peu près deux tiers des contenus ne peuvent être trouvés avec des entrées simples comme du texte ou des tags.

Quelle méthodologie utiliser pour traiter ce type de social data ?

Le visual listening (ou analyse visuelle) comporte trois niveaux d’étude :

  • l’analyse de l’image en tant que telle, qui passe par les pixels (couleurs, etc.) et les formes,
  • l’analyse qualitative sur le texte associé avec ses mots-clés,
  • l’analyse statistique sur la publication complète au moyen des coordonnées GPS ou du nombre de likes, de commentaires et de followers.

Ces données permettent de déduire le contexte de publication en établissant sa géolocalisation, sa viralité ou encore l’influence de l’internaute ayant partagé l’image. L’extraction de ces informations dépend toutefois des réglages du téléphone et des applications de l’utilisateur – paramétrés volontairement ou non – mais aussi du fait que certaines plateformes comme Facebook et Twitter restreignent le partage des données issues de leurs Firehoses (l’historique des données). Quentin Lhomme explique que « Nunki peut accéder à seulement 10% de l’ensemble des contenus de ces réseaux ». Un corpus qui reste honorable tant les volumes sont importants.

Le machine learning (ou apprentissage automatique) permet d’automatiser des calculs qui sont difficiles à traiter pour l’homme. Par exemple, l’algorithme de Nunki permet de distinguer les événements particuliers des activités habituelles sur les réseaux sociaux : les tweets quotidiens des touristes à proximité de la Tour Eiffel ne sont pas comptabilisés. Ces données peuvent ensuite être corrélées, par exemple avec celles issues du text mining. Cependant, ces technologies assistent – en donnant du volume – plutôt que remplacent l’humain : un analyste a toujours plus de valeur pour comprendre une image. La base de donnée ImageNet, créée par un chercheur du Stanford Vision Lab et financée par Google et Facebook, permet de tester la fiabilité de divers algorithmes en comparant leurs résultats avec ceux des images qualifiées à la main.

En outre, contrairement à un texte, l’information contenue dans une image n’est ni hiérarchisée, ni figée. Cela laisse davantage de place à l’appropriation ou à l’interprétation du sens en fonction du contexte.

Quelles applications ?

  • pour les médias :

En scannant les social data du monde entier, Nunki.co permet aux médias  de repérer et vérifier des événements en cours, voire d’enquêter en rentrant en contact avec les personnes sur place, témoins de choix. Au total, « l’outil détecte environ 1000 événements chaque jour grâce aux pics d’activité horodatés et géolocalisés, avec une précision de quelques mètres », souligne Quentin Lhomme.

  • pour les marques :

Sur les réseaux sociaux, les marques sont trois à huit fois plus présentes sur les images que sur les textes (statuts, tweets, etc.) des internautes. L’algorithme de Ditto permet de reconnaître et de regrouper sur un dashboard les logos de certaines entreprises. La connaissance du contexte d’apparition de la marque ouvre de nouvelles opportunités au niveau marketing : adapter sa visibilité dans certains établissement ou événements (comme le logo Heinkein placé sur le bracelet Coachella qui a permis plus de visibilité, à moindre coût, que certains tentes de festivals, etc.), établir des partenariats avec des marques associées sur les photographies des consommateurs, lutter contre les effets ravageurs d’une image pour une marque, etc. « Toutes ces évolutions technologiques sont impressionnantes mais attention de ne pas faire l’erreur de croire qu’elles remplaceront les analystes. Seules la combinaison outils-humains apporte de la plus-value aux marques » remarque Clément Brygier.

Reste encore à inventer les bonnes questions en lien avec l’image, et les intérêts pour la ou les personnes qui la relaie.

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La commission Social Data se réunit chaque mois. Elle est coordonnée par Rémi Douine (Fondateur de The Metrics Factory) Anna Oualid (Directrice Social Media Research chez Opinion Way) et Gilles Achache (President de Scan-research).

 

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